L’article L.442-6 du Code de commerce : Les relations commerciales

23 décembre 2023

L’article L.442-6 du Code de commerce

L’article L.442-6 du Code de commerce disposait que tout producteur, commerçant ou industriel, vient engager sa responsabilité s’il veut soumettre un partenaire commercial à des obligations qui créent un important déséquilibre dans leurs relations. Il y avait trois articulations qui étaient un partenariat commercial, une soumission ou tentative de soumission et un déséquilibre entre les parties. Tout cela était en vigueur avant une ordonnance du 24 avril 2019.

Un partenariat commercial

Un partenariat commercial désigne une action de concert à caractère commercial entre deux personnes.

Il s’agit d’une volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de service (CA Paris, 21 septembre 2016, RG n°14/06802). Par exemple, on peut citer les relations entre fournisseurs et distributeurs. Il faut exclure néanmoins les relations entre un banquier et son client qui sont liés par une convention de compte courant.

Les partenaires commerciaux doivent nécessairement être des professionnels, le législateur parle de « producteur, commerçant, industriel ou toute personne inscrite au Répertoire des Métiers ». L’auteur du fait créant un déséquilibre dans la relation doit être un professionnel, de même pour la victime. Cela exclut les rapports entre professionnel et non-professionnel (consommateur). Leurs rapports sont encadrés par le Code de la consommation, qui prévoit un régime de protection pour le consommateur.
Enfin, le partenariat doit consister en une relation qui s’inscrit dans la durée.

Cela exclut toute relation basée sur une opération ponctuelle (CA Limoges, 5 avril 2016, RG n°15/07775). Les partenaires ne doivent pas être de simples cocontractants à l’instar d’une compagnie et ses clients.

Il faut noter toutefois que cette précision l’objet de nombreuses controverses au sein de la jurisprudence. Certains contrats se voyaient reconnaître la qualité de partenariat commercial, tel qu’un contrat de location financière (CA Orléans, 25 février 2016, RG n°15/01666). D’autres contrats s’en retrouvaient privés comme le contrat de création, de maintenance et d’exploitation de site internet (CA Grenoble, 10 mai 2016, RG n°13/03121).

Une soumission ou tentative de soumission

La soumission ou tentative de soumission désigne une absence de pouvoir de négociation. Il ne s’agit pas forcément de violence, menace ou pression. Dès lors qu’il y a absence d’un réel pouvoir de négociation, la soumission ou tentative de soumission est caractérisée.

La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt l’importance de caractériser l’existence ou non du pouvoir de négociation (Cass. com, 26 avril 2017, n°15-27865).

L’exemple type dans lequel on va retrouver la soumission d’une partie dans un contrat est le contrat d’adhésion. Un contrat dans lequel une partie adhère aux clauses contractuelles préétablies par une autre.
En 2007, la Cour d’appel de Paris a reconnu la position défavorable d’un franchisé lors du renouvellement du contrat de franchise avec son franchiseur. Les juges avaient alors considéré que le franchisé était dans une position de soumission à l’égard du franchiseur, du fait de l’importance de son investissement de la nécessité pour lui de poursuivre les relations commerciales (CA Paris, 7 juin 2017, RG n°1524846).
Pour motiver sa sanction, le juge retient la soumission, mais aussi la tentative de soumission.

Il faut retenir ici que le seul fait qu’une clause exorbitante ait été stipulé dans le contrat suffit à entraîner la sanction du juge, et ceci, même elle n’a pas encore été appliquée (CA Paris, 4 juillet 2013, RG n°12/07651).

Des obligations créant un important déséquilibre dans la relation entre les parties

Les obligations qui créent un déséquilibre dans les droits et obligations des parties constituent le dernier point que le juge observe avant de décider ou non de sanctionner la partie fautive. Dans un contrat, les obligations des parties sont précisées dans les clauses. Le juge va donc rechercher les clauses contractuelles susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les parties.

Il n’existe a priori pas de clauses dites qui créent un déséquilibre au sein d’un contrat.

Chaque contrat doit être pris au cas par cas et les clauses doivent être examinées chacune selon son contexte et au regard de l’économie générale du contrat.
Le déséquilibre doit être significatif pour être caractérisé. Dans la plupart des cas, ce ne sera pas une seule clause déséquilibrée, mais la somme de plusieurs clauses déséquilibrées qui vont caractériser le déséquilibre significatif ; excepté lorsqu’une clause suffit à elle seule déséquilibrer tout le contrat.
Voici quelques clauses susceptibles d’être retenues comme déséquilibrés par le juge :

  • Les clauses de réduction des prix consenties sans contrepartie par un fournisseur à un distributeur dans les relations relevant de l’article L.441-7 du Code de commerce ;
  • Les clauses reconnaissant une prérogative exorbitante à l’une des parties ou qui mettent un devoir exorbitant à la charge d’une partie sans contrepartie ;
  • Les clauses reconnaissant une prérogative exorbitante à l’une des parties ou qui mettent un devoir exorbitant à la charge d’une partie, alors que la prérogative ou devoir pourrait être réciproque ;
  • Les clauses qui dérogent de manière répétée à des règles supplétives en faveur d’une partie.

L’apport de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019

Le législateur a modifié les dispositions relatives aux pratiques abusives mentionnées auparavant à l’article 442-6 du Code de commerce.

Il faut désormais se référer au nouvel article L.442-4 du Code de commerce.
La modification de l’article 442-6 ne signifie pas pour autant que les dispositions qui y étaient prévues ont disparu laissant ainsi un vide juridique.

Dans un arrêt du 22 octobre 2020, la Cour d’appel de Paris a jugé qu’une victime d’une pratique abusive au sens de l’ancien article 442-6 I du Code de commerce, en vigueur avant la réforme de l’ordonnance du 25 avril 2019, peut évoquer le motif de contrariété à l’ordre public pour motiver son action en nullité de la clause créant un déséquilibre ou du contrat.

Dans le même arrêt, le juge a rajouté que l’application de l’ancien article 442-6 I pouvait désormais se faire à la lumière du nouvel article 442-4. Il rappelle opportunément que ce nouvel article ouvre l’action en nullité de la clause créant un déséquilibre significatif.

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris, du 24 mars 2021, s’est intéressé à lui à une rupture brutale de relations commerciales établies sans préavis suite au non-respect d’un code éthique.

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