L’article L.442-1 du Code de commerce traite des pratiques restrictives de concurrence. Il s’agit d’une nouvelle rédaction introduite par l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du Code de commerce et la loi n° 2021-1351 du 18 octobre 2021 relatif à la protection de la rémunération des agriculteurs, dite loi Egalim 2. Ce nouveau texte reprend et harmonise les pratiques restrictives de concurrence mentionnées à l’ancien article L.442-6 du Code de commerce. Aujourd’hui, le législateur a résumé les pratiques restrictives de concurrence en trois principaux actes. Dans cet article, nous allons examiner les actes constitutifs de pratiques restrictives de concurrence et leur régime juridique.
Quelles sont les pratiques restrictives de concurrence ?
On appelle pratiques restrictives de concurrence tout acte ou agissement abusif, qui engage la responsabilité civile et pénale de son auteur. Ces actes constituent l’essentiel du contentieux en matière de pratiques restrictives. Le législateur les a désignés à l’article L.442-1 du Code de commerce. Il s’agit principalement de :
- L’avantage sans contrepartie et le déséquilibre significatif ;
- La rupture brutale des relations commerciales établies.
L’avantage sans contrepartie et le déséquilibre significatif
L’article L.442-1, 1, 1° du Code de commerce dispose que le fait « D’obtenir ou de tenter d’obtenir de l’autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie » est une pratique restrictive de concurrence.
Le législateur indique ici que l’avantage doit correspondre équitablement à la contrepartie qui le rémunère. Selon la jurisprudence (Cour d’appel de Paris, 29 juin 2016, n° 14/09786), il y a service fictif lorsque le service ne renvoie à aucune prestation concrète ou est rémunéré sous une autre forme. Tandis que l’absence de contrepartie implique une absence de service rendu.
Conformément à l’article L.442-1, 1, 2° du Code de commerce, est constitutif de pratique restrictive, le fait « De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Dans une jurisprudence du 1er octobre 2014, n° 13/16336, la Cour d’appel de Paris rappelle que le déséquilibre significatif consiste à faire peser ou tenter de faire peser sur un partenaire commercial, du fait du déséquilibre du rapport de force existant entre les parties, des obligations injustifiées et non réciproques.
La rupture brutale des relations commerciales établies
Elle est prévue à l’article L.441-1, 2 du Code de commerce et engage la responsabilité de tout producteur, distributeur ou prestataire de service qui rompt brutalement une relation commerciale sans préavis. Le préavis doit être
- écrit ;
- d’une durée conforme aux usages et coutumes du commerce et aux accords interprofessionnels.
Pour que soit retenu le délit civil de rupture brutale des relations commerciales, il faudrait que celles-ci soient régulièrement établies. Ce qui exclut les relations commerciales précaires (Com., 27 mars 2019, n°17-18676). L’interprétation du juge peut alors être requise pour examiner le caractère établie de la relation commerciale, et le caractère brutal de la rupture.
Selon l’ancienne législation, le juge devait se servir de certains critères pour fixer la durée du préavis :
- Durée de la relation commerciale,
- Volume d’affaires réalisé,
- Secteur concerné,
- Notoriété du client,
- Caractère saisonnier du produit,
- Etat dépendance économique du fournisseur.
La nouvelle législation prévoit en cas de désaccord ou litige sur la durée du préavis, une durée maximale (plafond) de dix-huit mois (encore appelé délai de protection). Le défaut du respect du préavis engage la responsabilité de l’auteur de la rupture. Toutefois, la faculté de résiliation sans préavis demeure en cas de force majeure ou d’inexécution de ses obligations par l’autre partie.
Bon à savoir, l’article L.442-1 du Code de commerce s’applique à toute personne qui exerce une activité de production, de distribution ou de services. Le délit civil de pratique restrictive de concurrence peut être commis aussi bien lors de la négociation commerciale, la conclusion ou encore l’exécution du contrat.
Est également considéré au même titre que les pratiques sus évoquées, le fait de ne pas respecter les prescriptions du règlement (UE) 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne (Article 441-1, 3 du Code de commerce).
Quel est le régime juridique des pratiques restrictives de concurrence ?
C’est l’article L.442-4 du Code de commerce qui fixe le régime juridique des pratiques restrictives de concurrence. Seront alors examinées ici, l’action en justice, qui d’ailleurs a fait l’objet de modalités de mise en œuvre plus élargies, et les sanctions de l’auteur du préjudice.
L’action en justice
La nouvelle législation, introduite par l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 a élargi les modalités de mise en œuvre de l’action en justice.
L’action est introduite devant la juridiction compétente (civile ou commerciale).
Ont ainsi capacité à saisir le juge :
- Toute personne justifiant d’un intérêt ;
- Le ministère public ;
- Le ministre chargé de l’économie ;
- Le président de l’Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l’occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique restrictive de concurrence.
Le ministère public, le ministre chargé de l’économie ou toute personne intéressée peut demander au juge d’ordonner la cessation des pratiques restrictives de concurrence. Cependant, seule la victime directe peut faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander au juge d’ordonner la restitution des avantages indus.
Par ailleurs, lorsque la victime est informée par tout moyen de l’introduction de leur action en justice, le procureur de la république et le ministre chargé de l’économie peuvent également, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indûment obtenus.
Les sanctions
A la demande des victimes, le juge peut ordonner des sanctions à l’encontre de l’auteur des actes constitutifs de pratiques restrictives de concurrence.
Lorsque la pratique restrictive est particulièrement constituée par une rupture brutale de la relation commerciale sans préavis, le juge peut condamner l’auteur du délit à la réparation du préjudice. La réparation sera alors la restitution en numéraire du manque à gagner causé par la rupture sans préavis. Pour évaluer le préjudice subi par la victime, les juges s’appuient sur la notion de marge brute comme critère d’évaluation. En somme, il s’agit du bénéfice qu’aurait réalisé la victime si la relation s’était poursuivie dans le cadre d’un délai raisonnable. Comme mode de calcul, la marge brute est obtenue par soustraction des coûts hors taxes sur le chiffre d’affaires hors taxes.
Plus généralement, le juge saisi peut également prononcer une amende civile, dont le montant ne peut excéder le plus élevé des trois montants suivants :
- Cinq millions d’euros ;
- Le triple du montant des avantages indûment perçus ou obtenus ;
- 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France.
Le juge peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’il précise. Il peut également ordonner l’insertion de la décision ou de l’extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l’auteur du délit. Les frais sont supportés par la personne condamnée.
La juridiction peut ordonner l’exécution de sa décision sous astreinte.
Enfin, le juge des référés peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire. Si besoin, n’hésitez pas à vous renseigner sur les formations juridiques en droit de la concurrence.