La période de négociation dans les contrats d’affaires : une liberté à tempérer

21 octobre 2021

La période de négociation dans les contrats d’affaires : une liberté à tempérer

Tous les contrats n’impliquent pas le même degré de négociation. Certains contrats ne sont pas précédés d’une phase de pourparlers. C’est le cas, par exemple, des contrats courants, dans lesquelles la négociation n’est pas nécessaire ou encore des contrats d’adhésion, c’est-à-dire dans pour lesquels les conditions sont prédéterminées et imposées par une partie. Toutefois, d’autres relations contractuelles nécessitent une période de négociation préalable afin d’adapter le contrat à la situation et aux besoins de chaque partie.

Dès lors, dans de nombreuses relations d’affaires, la négociation est une phase essentielle, qui détermine ensuite la relation qui en résulte.

I – Une liberté de principe limitée par des exigences de moralité dans la période de négociation

Le principe encadrant les négociations précontractuelles est érigé par l’article 1112 du Code civil, qui pose, dans un premier temps, la règle de la liberté dans les pourparlers, tant pour l’initiative ou le déroulement que pour la rupture.

Toutefois, ce principe connait immédiatement un tempérament : « ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ». Cette phrase est claire. Si le principe est la liberté lors des négociations parce que le contrat n’est pas encore conclu, les parties sont tout de même soumises à une obligation impérative de loyauté. La bonne foi occupe donc une place importante dès avant la conclusion du contrat, comme l’affirme également l’article 1104 du Code civil.

Il est, dès lors, possible qu’un futur cocontractant engage sa responsabilité lors de la période de négociation et la faute qu’il commet doit être réparée, même si cette réparation est limitée par l’alinéa 2 de l’article 1112 dudit code. Cela donne une certaine importance à l’exception à la liberté. Même si le contrat n’est pas encore conclu et ne le sera peut-être jamais, les cocontractants potentiels ne peuvent pas adopter un comportement susceptible de nuire à l’autre. Le contrat n’est pas conclu, la relation n’est pas certaine, mais tout n’est pas permis.

Également l’article 1112-1 du Code civil donne une indication quant aux informations à communiquer lors des négociations. Cette obligation d’information est guidée par la bonne foi : une partie ne peut pas cacher à son futur cocontractant une information « dont l’importance est déterminante pour [son] consentement » et que ce dernier ignore légitimement ou pour laquelle il fait confiance à celui qui la détient. Cet article encadre ce qu’une partie doit divulguer à l’autre lors des pourparlers. Ici encore, les parties sont libres de négocier mais dans sans porter atteinte à autrui.

Des règles spéciales régissant les contrats entre professionnels encadrent également les informations que les parties doivent communiquer. L’article L.441-1 du Code de commerce formalise les négociations en obligeant les commerçants qui établissent des conditions générales de vente (CGV) à les communiquer à tout professionnel qui en fait la demande. Ces CGV constituent alors le socle unique des négociations commerciales.

Enfin, l’article 1112-2 du Code civil soumet les parties à une obligation de confidentialité. En vertu de cet article, dès lors que l’une des parties obtient une information confidentielle pendant la période de négociation, elle ne doit pas la divulguer ou l’utiliser. Les négociations ne doivent pas avoir pour but de se renseigner, mais de coopérer et d’échanger en vue d’une relation contractuelle.

II – L’encadrement des négociations par les parties, un gage de sécurité.

Première étape : l’offre d’entrer en négociation

Conduites par la bonne foi, les parties peuvent alors entrer en pourparlers. Une partie peut donc contacter la personne avec laquelle elle voudrait entrer en relation d’affaires. Il est tout d’abord nécessaire de préciser l’effet de cette démarche. L’offre d’entrer en pourparlers est différente de l’offre de contracter. La première n’engage à aucune autre obligation que la bonne foi et n’a pas pour effet la conclusion du contrat. Les deux doivent d’ailleurs être bien distinguées si une personne ne veut pas se trouver engagée dans un contrat qu’elle voulait seulement négocier.

Cette offre d’entrée en pourparlers peut être matérialisée par un document, qui permettrait de ne pas qualifier cette démarche d’offre de contracter. Par exemple, il est possible de fournir une lettre d’intention, qui est unilatérale et non contraignante, même pour la personne qui la rédige (sauf si elle est très précise). Les parties peuvent aussi conclure un accord de principe par lequel elles s’obligent à entrer en négociations et à les conduire de bonne foi. Cet accord est bilatéral, mais oblige uniquement à conduire des négociations. Tout comme la lettre d’intention, cet accord de principe n’assure en rien la conclusion du contrat, excepté si les éléments essentiels du contrat y sont précisés.

Deuxième étape : les pourparlers

Les négociations peuvent se dérouler sur une longue période et en plusieurs étapes. Il est donc nécessaire de les encadrer et les sécuriser. Notamment lorsque les parties sont d’accord sur certains aspects du contrat, il est nécessaire de le mettre par écrit afin de ne pas perdre la valeur de cet accord en cas de renonciation par l’autre partie. Il est possible de signer un protocole d’accord afin de consigner les engagements dont les parties sont convenues. C’est une sorte de contrat étape qui permet de marquer l’étape de l’accord avant de poursuivre les négociations en vue de la signature du contrat final.

Également, de nombreuses informations sont échangées lors des négociations. Les parties sont amenées à divulguer des éléments stratégiques de l’entreprise afin de convaincre ou rassurer le futur cocontractant. Notons qu’il est préférable de ne jamais divulguer trop d’informations dès le début afin de sécuriser la relation. Mais surtout, il est nécessaire de bien encadrer l’usage de ces informations par un accord de confidentialité. En effet, s’il existe une protection concernant les informations précontractuelles, il est toutefois nécessaire de préciser et bien définir quelles sont les informations confidentielles et quelles utilisations sont prohibées ou acceptées. Cela renforce la sécurité pour la partie détentrice de ces informations. Ce document doit être signé dès le début des pourparlers afin d’éviter tout malentendu.

Enfin, en ce qui concerne la rupture des négociations, celle-ci est libre en vertu de l’article 1112 du Code civil. Toutefois, ce même article impose une obligation de bonne foi. Les ruptures abusives sont donc prohibées. La faute est caractérisée lorsque les négociations étaient avancées et que l’une des parties croyait légitimement que le contrat allait se conclure.

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