L’impact de la réforme du droit des sûretés sur le droit des sociétés

30 mai 2022

L’impact de la réforme du droit des sûretés sur le droit des sociétés

Le 15 septembre 2021, par deux ordonnances, le gouvernement a clôturé la réforme du droit des sûretés ayant commencé par une ordonnance du 23 mars 2006. Ces deux ordonnances ont réformé le droit des sûretés personnelles. La première dite « sûretés » est entrée en vigueur le 1er janvier 2022 et apporte de nombreuses modifications au Code civil tandis que la seconde dite « insolvabilité » est entrée en vigueur le 15 octobre 2021 et apporte quant à elle des modifications au Code de commerce. Ces dernières ont impacté le droit des sociétés directement et indirectement.

Le sort de la caution en cas de dissolution sans liquidation

Antérieurement à la réforme du droit des sûretés, une question s’était posée : la dissolution sans liquidation est-elle une cause d’extinction du cautionnement ?  

La dissolution sans liquidation vise les opérations produisant une transmission universelle du patrimoine (TUP) notamment la fusion ou encore la scission en droit des sociétés.

Afin de répondre à cette question, on distinguait trois situations :

  • Lorsque cette opération affectait la caution (ex. caution absorbée), le cautionnement subsistait (Cass. com., 28 février 2018, n°16-18.692).
  • Lorsque cette opération affectait le débiteur (ex. débiteur scindé), la jurisprudence considérait que cette dernière mettait fin à de l’obligation de couverture de la caution pour les actes postérieurs à la dissolution sauf manifestation expresse de la volonté de la caution (Cass. com., 17 mai 2017, n°15-15.745).
  • Enfin, lorsque cette opération affectait le créancier (ex. créancier absorbé), la solution était la même que pour le débiteur (Cass. com., 2 juin 2021, n° 19-11313).

La réforme du droit des sûretés a codifié ces solutions au sein de l’article 2318 du Code civil en y apportant quelques modifications.

En effet, dans le premier alinéa de cet article, il est prévu d’une part que lorsque cette dissolution sans liquidation affecte le débiteur, l’obligation de couverture de la caution prend fin “sauf consentement à l’occasion de cette opération” par la caution. D’autre part, lorsqu’elle affecte le créancier, on retrouve également la fin de l’obligation de couverture de la caution “sauf consentement donné par avance”.

Le législateur n’a donc pas consacré littéralement les solutions dégagées par la Cour de cassation et a préféré opter pour une solution plus rigide concernant ces deux situations. Antérieurement, la jurisprudence réclamait simplement une manifestation expresse du consentement de la caution afin de maintenir l’obligation de couverture (Com. 25 sept. 2019 : le paiement spontané postérieurement à une fusion est un exemple de manifestation expresse).

Dans son deuxième alinéa, la réforme du droit des sûretés confirme le fait que le cautionnement subsiste en cas de dissolution sans liquidation de la caution.

L’opposabilité de toutes les exceptions du débiteur par la caution

Concernant l’opposabilité des exceptions par la caution au créancier, on note deux apports de cette réforme du droit des sûretés.

D’une part, antérieurement à la réforme, l’article 2313 du Code civil prévoyait que la caution ne pouvait opposer que les exceptions inhérentes à la dette et non celles purement personnelles au débiteur.

La Cour de cassation avait opté pour une vision restrictive de cet article retenant comme exception purement personnelle au débiteur (donc inopposable par la caution) tout vice du consentement subi par le débiteur, la prescription biennale prévue dans le Code de la consommation ou encore le défaut de déclaration de la créance par le créancier dans le cadre d’une procédure collective (chambre commerciale, 12 juillet 2011, N°09-71.113).

Il convient alors de rappeler qu’antérieurement à 2006, la sanction du défaut de déclaration était l’extinction de la créance tandis que depuis la Loi “Sauvegarde des entreprises” entrée en vigueur le 1er janvier 2006, l’article L. 622-26 du code de commerce prévoyait que cette sanction était l’inopposabilité de cette créance au débiteur durant l’exécution du plan. De ce fait, étant donné que la jurisprudence avait considéré que ce défaut de déclaration était une exception purement personnelle, la caution ne pouvait se prévaloir de cette inopposabilité.

D’autre part, la Cour de cassation retenait, en principe, que la caution ne pouvait se prévaloir des mesures légales ou judiciaires octroyées au débiteur (ex. procédure collective). Ainsi, elle ne pouvait invoquer les mesures octroyées dans un plan de redressement ou de procédure de liquidation judiciaire tandis que la caution personne physique pouvait bénéficier, par exception, des mesures octroyées dans un plan de sauvegarde.

La réforme du droit des sûretés a quelque peu modifié ces solutions. En effet, l’article 2318 du Code civil prévoit que la caution peut opposer toutes les exceptions, qu’elles soient inhérentes à la dette ou purement personnelles au débiteur mais qu’elle ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie ce dernier en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire.

En conséquence, d’une part, le nouvel article L. 622-26 du code de commerce, applicable dès le 1er octobre 2021, prévoit que l’inopposabilité en cas de défaut de déclaration concerne également la caution.

Si l’article 2318 n’est applicable qu’aux cautionnements conclus dès le 1er janvier 2022, il ne faut pas écarter le fait que la Cour de cassation risque de s’aligner avec la réforme du droit des sûretés dans ses prochaines décisions et qualifier d’exceptions inhérentes à la dette des exceptions qu’elle considérait antérieurement comme purement personnelles au débiteur. Elle l’a d’ailleurs rappelé récemment (Première chambre civile 20 avril 2022 n° 20-22.866) en retenant que la prescription biennale de l’article L. 218-2 du code de la consommation était exception inhérente à la date (donc opposable par la caution) alors qu’en 2019 elle avait retenu qu’il s’agissait d’une exception purement personnelle (donc inopposable – Première Chambre civile 11 décembre 2019 n° 18-16.147) 

Enfin, antérieurement à la réforme du droit des sûretés, la caution personne physique pouvait seulement invoquer les mesures concédées dans le plan de sauvegarde (L. 626-11 du Code de Commerce), mais avec l’ordonnance « insolvabilité », elle peut se prévaloir du plan de redressement et est également protégée durant la phase d’observation.

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