La procédure de sauvegarde est une aubaine pour les débiteurs qui, sans être en état de cessation des paiements, bénéficient d’un temps de répit afin de redresser leur activité. Cette procédure très favorable au débiteur profite également à la caution. Le créancier bénéficiant de cette sûreté personnelle est par conséquent placé au second rang. Il ne peut se retourner ni contre son débiteur, ni contre la caution.
Le législateur a exprimé sa volonté de protéger le dirigeant caution lorsqu’il a adapté les conséquences de la sauvegarde sur l’acte de cautionnement.
I – Pourquoi favoriser la caution ?
Pour comprendre la faveur donnée à la caution dans le cadre de cette procédure, il est nécessaire de connaitre les enjeux auxquels se heurte le législateur dans ce choix. L’idée directrice est que la majeure partie des cautions de sociétés sont les dirigeants personnes physiques. Pour les inciter à prévenir le plus tôt possible les risques d’échec de l’entreprise, il est nécessaire de protéger leur patrimoine personnel (en tant que caution).
Également, la sauvegarde est ouverte à l’encontre d’entreprises qui n’ont pas encore cessé les paiements. Le débiteur principal n’étant pas nécessairement défaillant, il n’y a pas lieu de favoriser les créanciers dans le cadre de cette procédure. La protection de la caution se retrouve à tous les stades de la procédure.
II – Le jugement d’ouverture, un obstacle à l’action des créanciers
Dès lors que le jugement d’ouverture est publié, les créanciers ont l’interdiction d’agir en justice contre le débiteur. C’est la règle de l’arrêt des poursuites et voies d’exécution, qui profite également à la caution. Ainsi, tant que le plan de sauvegarde est exécuté par le débiteur, la caution ne peut pas être appelée en paiement. En revanche, si le débiteur ne l’exécute pas, la caution pourra être poursuivie. De plus, ce jugement n’a plus pour effet la déchéance du terme. Les dettes ne peuvent arriver à échéance du simple fait de l’ouverture de la procédure et la caution, comme le débiteur principal, conserve le bénéfice du terme inscrit dans le contrat. En sauvegarde, comme en redressement, la caution ne peut pas subir la déchéance du terme et une clause contractuelle en ce sens ne peut lui être imposée. Toute clause en ce sens serait réputée non écrite.
Le second effet du jugement d’ouverture de la procédure est la mise en place d’un délai pour la déclaration des créances au passif de la procédure. En cas de manquement à cette déclaration, la sanction est une inopposabilité de la créance à la procédure. La conséquence de cette omission sur l’acte de cautionnement suit également cette voie, puisque le législateur a précisé que les créances non déclarées ne peuvent être opposées à la caution pendant l’exécution du plan de sauvegarde. Cela ne vaut qu’au cours de l’exécution du plan, à l’inverse de la solution adoptée pour le débiteur lui-même, qui, s’il exécute le plan, bénéficie de l’inopposabilité de la créance même après cette exécution. Cela pourrait changer avec la réforme à venir. Le législateur alignera très certainement le sort de la caution sur celui du débiteur dans le cadre de cette inopposabilité des créances déclarées.
Une fois le jugement publié s’ouvre la période d’observation. Pendant cette période, la caution n’est pas tenue de payer les dettes de la société en vertu de l’arrêt des poursuites et l’absence de déchéance du terme, qui vaut également durant l’exécution du plan.
III – Le plan de sauvegarde, une aubaine pour la caution
Au jour de l’adoption du plan, la personne ayant consenti une sûreté personnelle à l’un des créanciers du débiteur principal bénéficie des remises de dette et délais de paiement consentis par ledit créancier dans le cadre du plan. La Cour de cassation a d’ailleurs affirmé, dans un récent arrêt du 10 mars 2021, que les cautions personnes physiques pouvaient se prévaloir des dispositions présentes dans le plan et ce, peu important que ses engagements soient antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005. Cela renforce la clarté de cette faveur donnée à la caution, parce que la date de conclusion de l’acte de cautionnement n’influe pas sur la position de cette dernière. La caution est, en outre, toujours protégée par la règle de l’arrêt des poursuites.
Enfin, en cas d’inexécution du plan de sauvegarde, la caution peut à nouveau être poursuivie. Toutefois, bien souvent, cette inexécution provient d’une cessation des paiements. Dans ce cas, la procédure peut être convertie en redressement judiciaire par le tribunal. La règle de l’arrêt des poursuites et voies d’exécution vaut aussi en redressement, donc bien souvent, le créancier ne pourra pas agir.
L’ouverture d’une procédure de sauvegarde à l’encontre du débiteur principal n’est donc pas réellement mauvais signe pour la caution. Au contraire, se placer sous la protection de cette procédure peut permettre le redressement de l’activité. In fine, la caution en profite nécessairement, car elle peut espérer que le débiteur puisse finalement exécuter son obligation à l’égard du créancier. Cette protection n’est toutefois que temporaire. Parfois, la procédure de sauvegarde ne suffit pas et le débiteur est bien souvent soumis au redressement judiciaire, voire à la liquidation judiciaire. Dans ce cas, la caution ne bénéficie plus des avantages de la sauvegarde et c’est le paiement du créancier qui devient la priorité.