Classiquement, les associés sont considérés comme les « propriétaires économiques de la société » du fait des apports qu’ils réalisent au profit de celle-ci. Si effectivement, dans la pratique, ce mode de financement prédomine puisqu’il est exigé au titre des conditions de constitution de la société (C. civ., art. 1832 in fine), un autre mode de financement intervient fréquemment en complément : le compte courant d’associé. Entrepreneurs, connaissez-vous la réalité qu’abrite cette notion ?
I. Définition et mise en œuvre du compte courant d’associé
- Définition
Tout au long de son existence, une société peut bénéficier de la part de ses associés ou dirigeants sociaux de dépôts d’argent dont elle peut se servir à sa guise.
Fréquemment appelé « compte courant d’associé », ce dépôt ne peut pas s’analyser comme un apport puisque la personne qui l’effectue peut, par principe, retirer la somme à tout moment. De même, il ne s’agit pas véritablement d’un « compte courant » entendu au sens du droit bancaire, le compte ainsi ouvert au bénéfice de la société ne pouvant être que créditeur.
En réalité, ce type d’avances s’assimile davantage à un contrat de prêt productif d’intérêts, par le biais duquel une société peut améliorer sa trésorerie et renforcer son fonds de roulement sans recourir aux services d’une banque, s’exposant donc au versement d’intérêts moindres.
- Mise en œuvre
Cette avance peut prendre deux formes différentes :
- Le versement effectif d’une somme d’argent à la société
- La renonciation temporaire à percevoir une somme à laquelle le prêteur a normalement droit (dividende, salaire…).
Quoiqu’il en soit, le compte courant d’associé repose sur un acte purement volontaire du préteur, de sorte que la société ne peut en aucun cas exiger la participation à un appel de fonds sans avoir obtenu le consentement des associés (C. civ., art. 1836, al. 2). Il en va cependant différemment si l’appel de fonds découle d’une décision prise conformément aux statuts et qu’il entre dans le cadre de l’objet social.
II. Quels avantages pour le prêteur ?
- Le droit perpétuel au remboursement
Le contrat de prêt peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée.
Dans le premier cas, le prêteur ne pourra solliciter le remboursement de la somme qu’à l’issue du terme alors que dans le second, il pourra réclamer le remboursement à tout moment, quelle que soit la situation financière de la société.
On observe ici une différence importante avec le régime des apports, dans lequel il n’est possible de récupérer les sommes mises à disposition que lors de la dissolution de la société ou d’une opération de réduction de son capital social.
- L’octroi éventuel d’une rémunération
Il est possible de prévoir dans le contrat de prêt une rémunération du prêteur sous forme d’intérêts. Cette stipulation doit impérativement être mise par écrit (C. civ., art. 1907, al. 2).
Attention, toutefois, à ce que la rémunération prévue ne soit pas excessive : perçue comme usuraire, elle donnerait alors lieu à une restitution du « trop-perçu » au profit de la société.
Reste à noter que ces intérêts pourront, dans certaines hypothèses, constituer une charge financière déductible du résultat imposable de la société (CGI, arts. 212 et 39).
III. Limites du dispositif
- Limites de forme
Le compte courant d’associé est un contrat qui n’obéit à aucune condition de forme particulière et qui peut même, parfois, être conclu verbalement.
Son utilisation est d’ailleurs encouragée par le législateur puisque celui-ci, au travers de la loi Pacte du 22 mai 2019, a élargi le champ des personnes pouvant y avoir recours :
- S’agissant des mandataires sociaux, les directeurs généraux délégués et les présidents de SAS peuvent désormais être titulaires d’un tel compte ;
- Concernant les associés, l’exigence traditionnelle qu’ils détiennent au moins 5% du capital pour recourir à ce mode de financement a été supprimée.
Pour autant, ce contrat s’analysera comme une convention réglementée dans le cadre d’une société par actions ou d’une SARL. Dans cette hypothèse, il sera nécessaire de la faire approuver par l’assemblée des associés, sous peine d’engager la responsabilité du prêteur, associé comme dirigeant.
- Limites de fond
Globalement, le recours à un compte courant d’associé ne pose pas de difficultés.
Toutefois, plusieurs éléments sont à prendre en considération.
D’abord, il est possible que des clauses du contrat de prêt aménagent le droit au remboursement du prêteur :
- La clause de blocage des fonds, ayant pour effet de différer dans le temps le droit de remboursement du prêteur, ou lui imposant le respect d’un délai de préavis ;
- La clause de rétrogradation, en vertu de laquelle le prêteur ne sera payé qu’une fois qu’un créancier en particulier ou tous les créanciers de la société l’auront été.
Ensuite, comme l’a récemment rappelé la Cour de cassation, il faut certes user de ce mode de financement, mais pas en abuser pour masquer le mauvais état de santé de la société.
Enfin, relativement au solde du compte courant d’associé en lui-même, l’associé ne pourra jamais débiter le compte ouvert au profit de la société ; à défaut, il s’exposerait à des sanctions civiles et pénales et pourrait, entre autres, faire l’objet de poursuites pour abus de biens sociaux.