La clause « Shot Gun » : l’argent ou le nerf de la guerre

26 avril 2021

« Le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent » (Le Bon, la Brute et le Truand – Sergio Leone). 

Et si l’univers juridique des affaires n’était en réalité qu’un gigantesque Western ? 

C’est en tout cas l’image que l’on se fait classiquement de la clause « Shot gun » (aussi dite « Buy or Sell », « Texane », « Omelette » ou « Roulette russe), laquelle organise en cas de blocage institutionnel de la société un véritable duel où se font face les associés en désaccord, ceux-ci ayant alors pour seule arme de poing…leur portefeuille. Explications.

La clause « Shot gun », véritable feuilleton juridique du Far West sociétaire

Esprits échauffés, yeux plissés et mains crispées : le conflit n’a que trop duré

Tout au long de l’existence de la société, associés comme actionnaires disposent de droits politiques – et notamment, en principe, d’un droit de vote – qui les amènent à contribuer ensemble, sur le long terme, au développement et à l’épanouissement de la structure sociale.

Pour autant, si les associés étaient initialement sur la même longueur d’ondes au moment de la création de la société, il est possible que leur conception des orientations à donner à la société diverge progressivement, débouchant potentiellement sur une situation de paralysie de la société.

C’est précisément dans cette hypothèse qu’intervient la clause « Shot gun », soumettant aux deux protagonistes un véritable ultimatum : 

  • Solution 1 : demeurer dans la société en rachetant la totalité des actions de l’adversaire (« Buy…)
  • Solution 2 : lui vendre la totalité des action possédées et quitter la société (…or Sell »)

La guerre pécuniaire ainsi déclarée sera féroce ; il est donc impératif qu’elle s’effectue dans les règles de l’art.  

Gentlemen, les règles de l’affrontement sont les suivantes

Puisque la clause « Shot gun » est extrêmement radicale, il est préférable d’en prévoir des conditions d’existence et de mise en œuvre vigoureuses :

  • Commandement premier : « Dans les statuts ou dans un acte séparé tel qu’un pacte d’associés, la clause ‘Shot gun’ devra figurer ». 
  • Commandement second : « Ses cas d’application, démarches et délais, par écrit seront précisés. Tout recours immoral ou intempestif en sera prohibé ».
  • Commandement dernier : « Les violations de sa mise en œuvre, par le versement de dommages et intérêts et par toute autre sanction prévue dans l’acte, seront sanctionnées ». 

En bons adversaires, les deux prétendants à l’hégémonie sociétaire s’attèleront donc à respecter les préceptes de ce « code de l’honneur » une fois la bataille amorcée. 

Le décor de la lutte entre les belligérants ainsi exposé, encore faut-il désormais s’intéresser à son intrigue et à ses multiples rebondissements. 

La clause « Shot gun » : quand suspens et mélodrame s’en mêlent

1, 2, 3… dégainez, et que le meilleur gagne !

Certes, la clause « Shot gun » se résume à un choix simple : vendre et partir, ou acheter et rester ; mais en réalité, la donne est bien plus complexe et, comme souvent lorsqu’il est question de gros sous, il faut faire preuve de stratégie. 

En effet, dans la pratique, l’un provoquera l’autre à lui vendre ses actions à un prix déterminé (exemple : 100€ l’action) : si le bénéficiaire de l’offre accepte, il cèdera ses actions et quittera la société ; mais s’il décline, il restera et sera en contrepartie tenu d’acheter les actions de l’offrant, et ce au prix qui lui avait été proposé dans l’offre initiale (ici : 100€).

De sorte que deux variables importantes entrent en jeu : 

  • Le facteur temps, puisque le premier à provoquer l’autre est en position de force et impose le prix de l’action
  • Le facteur argent, puisque la valeur de rachat proposée doit être calculée au juste prix : ni trop élevée (sinon, l’offrant ne fait pas une bonne opération), ni trop basse (sinon, la situation se retournera contre l’offrant car le bénéficiaire déclinera l’offre et rachètera ses parts à moindres coûts)

Le premier à braquer la clause « Shot gun » contre son adversaire aura donc effectivement l’avantage ; mais encore faut-il qu’il ne tire pas à blanc…

Mais prenez garde : il n’en restera qu’un…

A l’issue de tout duel, il y a un vainqueur et un vaincu. Toutefois, le jeu de la clause « Shot gun » se veut plus nuancé et équilibré : si tout se passe bien, ni l’associé cédant ses actions, ni celui en faisant l’acquisition, ne seront lésés par la transaction dès lors qu’ils en tireront chacun un gain différent.

Ainsi, le premier ne prendra plus part à l’activité de la société, mais obtiendra en principe une contrepartie pécuniaire satisfaisante ; alors que le second aura le champ libre pour mener comme bon lui semble les politiques qu’il envisage pour la société.

Quoiqu’il en soit, au-delà de ce dénouement « gagnant-gagnant » au conflit des protagonistes, la clause « Shot gun » emporte un intérêt important : l’éviction de l’un d’entre eux au profit de la pérennité de la société.  

En définitive, le scénario de la clause « Shot gun » offre un spectacle au moins aussi captivant qu’un véritable western ; à certains égards, sa chute semble même digne d’une production hollywoodienne. Il faudra néanmoins certainement attendre encore un moment avant que les géants américains du cinéma n’y consacrent un blockbuster… À bon entendeur.  

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