La clause léonine : associés, attention au traquenard !

19 avril 2021

La clause léonine : associés, attention au traquenard !

Lors de la création d’une société, il est courant que les associés prévoient de s’investir à des degrés d’intensité différents dans la structure à naître. 

A ce titre, il est normal que les avantages octroyés dans les statuts à chaque associé correspondent aux risques pris individuellement. Cependant, le droit ne saurait tolérer que s’instaurent dans la société des rapports de force démesurément disproportionnés.

En témoigne l’hypothèse de la clause léonine, prohibée en tant que telle par l’article 1844-1 du Code civil.  

Propos liminaire : et si le droit m’était conté…

Commençons le récit des péripéties de la clause léonine par une courte fable :

« Le lion, l’âne et le renard s’étaient associés pour aller à la chasse. 

Le butin ayant été recueilli, le lion chargea l’âne de faire les parts. 

Ce dernier avec sa simplicité proverbiale, forma tout bonnement trois lots ; mais le lion indigné lui fit expirer sa méprise en le mettant en pièces ; puis il ordonna au renard de faire un nouveau partage. 

Le rusé animal, instruit par le châtiment de son compagnon, donna toute la proie au lion, et ne réserva pour lui que quelques faibles débris. 

Le lion approuva hautement cette justice distributive, et adressa au renard des éloges sur son habileté à discerner les droits de chacun ».

Troplong, Le droit civil expliqué, Du contrat de société civile et commerciale, tome II, Paris, 1843, p. 96-97.

Bien qu’imaginaire, cette situation trouve tout de même un certain écho dans la pratique sociétaire, où il est fréquent que l’associé en position dominante abuse de son influence au détriment des autres, et ce, quelle que soit la forme de la société.

Se pose alors la question suivante : qui, du lion ou de ses compagnons, le droit des sociétés fait-il triompher ?

De la fiction à la réalité : la clause léonine, véritable loi du plus fort

Aux termes de l’article 1832 du Code civil, tout associé a vocation à participer aux résultats de la société, qu’ils soient bénéficiaires ou déficitaires.

Cette participation se fait normalement proportionnellement à la part de chacun dans le capital social (et donc aux apports), mais il est possible que les statuts aménagent ce dispositif pour convenir d’une clef de répartition différente.

Cette liberté de répartition non proportionnelle n’est néanmoins pas absolue : encore faut-il que les associés en usent raisonnablement lors de la rédaction des statuts ou au moment de la conclusion d’un acte séparé (un pacte d’associés par exemple), sous peine que la clause de répartition de la participation aux résultats soit qualifiée de clause léonine.

Ainsi, sont dénommées de la sorte et de fait prohibées les clauses attribuant la totalité du profit à un seul associé, ou à l’inverse, excluant totalement un associé du partage des profits. 

De même, sont interdites les clauses qui viseraient à exonérer un associé de toute contribution aux dettes, ou qui a contrario en feraient supporter tout le poids sur un seul associé. 

De sorte qu’en réalité, le lion ne peut espérer voir sa conception de la justice valablement prospérer : le droit répressif semble en effet avoir fait des clauses léonines son gibier de prédilection… 

Le réputé non-écrit : une fin pour le moins tragique pour la clause léonine

Certes, les clauses léonines sont interdites ; mais elles demeurent monnaie courante dans la pratique et reçoivent parfois -à tort- application, au détriment des comparses mal avertis du lion. 

Pourtant, la loi vole au secours de ces derniers et les protège en tant que de raison de ce genre de comportement de prédation. Chassées par le législateur, les clauses léonines sont ainsi considérées comme étant abusives et se voient dès lors réputées non-écrites lorsqu’elles sont stipulées.

Entre les lignes, cette sanction signifie qu’en toutes hypothèses, la clause léonine sera censée ne jamais avoir existé et qu’elle se verra, en conséquence, privée de tout effet présent ou à venir. Il en découle, dans les faits, qu’en présence d’un litige entre associés, le juge écartera systématiquement cette clause et optera, le plus généralement, pour le régime de répartition proportionnelle prévu par défaut par le législateur.

En définitive, il est préférable de veiller dès la création de la société à ce que pareille clause ne voie pas le jour. Mais si tel était le cas, pas d’inquiétude : la clause léonine ne pourrait, en tout état de cause, aucunement être mise en œuvre par l’associé avide de profit. 

De telle manière qu’à certains égards, la « chaîne alimentaire sociétaire » semble quelque peu bousculée…Un constat à faire rugir de fureur les plus féroces d’entre nous.

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