Maintenir une entreprise en bonne santé n’est pas toujours chose facile mais le droit français s’est pourvu d’un arsenal de solutions amiables et judiciaires pour aider les entreprises à surmonter ces difficultés. Le mandat ad hoc, actuellement régi aux articles L611-1 à L611-16 du Code de commerce et R611-18 à R611-21-1 du même Code, y joue un rôle tout particulier du fait de sa souplesse intrinsèque.
Une procédure aux conditions d’accès souples
Le mandat ad hoc se veut avant tout accessible. Les conditions pour bénéficier de cette assistance d’un mandataire judiciaire sont donc marquées par leur souplesse. Consacré par le législateur en 2005, le mandat ad hoc est une procédure amiable consistant à nommer un mandataire judiciaire qui aura pour rôle d’épauler le dirigeant d’une entreprise qui connaît certaines difficultés. Le mandat ad hoc est particulièrement approprié pour les entreprises connaissant des difficultés économiques, juridiques ou financières. Il existence néanmoins une limite importante en pratique : le recours au mandat ad hoc n’est pas envisageable lorsque l’entreprise débitrice est en situation de cessation des paiements. Dans ce cas, il faudra se rediriger vers d’autres procédures telles que la conciliation, la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire.
Le mandat ad hoc ne peut être sollicité que par le représentant de la société en difficulté ou par le chef de l’entreprise individuelle (article L611-3 du Code de commerce). Son domaine d’application est très large puisque toute personne physique ou morale exerçant une activité commerciale, artisanale ou indépendante peut en bénéficier. Il faudra alors saisir le tribunal commercial ou le tribunal judiciaire, de manière motivée, afin que le président du tribunal saisi nomme un mandataire judiciaire pour une durée qu’il fixera.
Une procédure confidentielle permettant de trouver des solutions négociées
Le mandat ad hoc, comme d’autres procédures collectives (conciliation, sauvegarde judiciaire et redressement judiciaire), permet au dirigeant de l’entreprise concernée de se maintenir à la tête de celle-ci. Ainsi, le mandat ad hoc offre une solution discrète au dirigeant.
Les textes législatifs ne définissent pas en détail son déroulement pour préserver sa souplesse. Cependant, il résulte des textes législatifs que le mandataire est libre d’agir selon les directives données par le président du tribunal compétent sans pour autant remplacer le dirigeant à la tête de l’entreprise. Son rôle est ainsi bien d’assister les dirigeants et non de les remplacer. Il aura pour mission de trouver des solutions négociées avec les créanciers et tâchera d’obtenir des efforts financiers de leur part pour permettre à l’entreprise de dépasser ses difficultés. On touche ici à la limite de la procédure qui repose essentiellement sur la capacité du mandataire judiciaire à négocier avec les créanciers qui, s’ils ne le souhaitent pas, ne seront pas tenus de s’engager vis-à-vis du débiteur. Le mandataire judiciaire pourra également suggérer des restructurations au sein de l’entreprise.
L’intérêt majeur du mandat ad hoc est la discrétion qui s’impose à toute personne qui participe ou qui a simplement connaissance de la procédure (article L611-15 du Code de commerce). Cette confidentialité est d’ailleurs largement étendue par la Cour de cassation puisque celle-ci considère que l’obligation de confidentialité s’impose à tous, sauf si la diffusion de l’information relève de l’information du public sur une question d’intérêt général (Cass. com., 13 juin 2019, n°18-10.688). De plus, il a été accordé au débiteur la possibilité de ne pas avertir le Comité social et économique (CSE) ou, à défaut, les délégués du personnel de la désignation d’un mandataire judiciaire pour préserver la discrétion de cette solution préventive (article L611-3 du Code de commerce).
Le dirigeant qui bénéficie du mandat ad hoc n’est pas cependant autant protégé que dans d’autres procédures collectives. Il ne bénéficie pas de la suspension des poursuites des créanciers ou de l’arrêt du cours des intérêts par exemple contrairement à certaines procédures collectives judiciaires.
L’avenir du mandat ad hoc ?
Avec une progression de 53% du recours au mandat ad hoc entre 2008 et 2018 selon le CNAJMJ (Conseil National des Administrateurs judiciaires et Mandataires judiciaires), le mandat ad hoc est désormais au cœur des solutions utilisées par la pratique pour faire face à certaines difficultés.
Il semblerait que la pratique apprécie cette procédure bien que la conciliation (+101% sur la même période) connaisse une progression plus importante encore. Cette comparaison avec la conciliation peut être pertinente à certains égards puisqu’il s’agit dans les deux cas de procédures amiables de prévention des difficultés. Néanmoins, elles ne suivent pas la même finalité et, parfois, ces deux procédures peuvent être complémentaires : le mandat ad hoc peut servir de point de départ à une future conciliation ou à toute autre procédure judiciaire.
Finalement, la souplesse du mandat ad hoc lui accorde l’avantage certain de s’adapter aux difficultés des entreprises, mais il aura des effets limités et devra parfois aboutir à l’ouverture d’une procédure amiable ou judiciaire plus exigeante et restrictive pour l’entreprise débitrice.