« Comme un organisme vivant, l’entreprise naît, vit et peut être le siège de désordres divers » selon Françoise PÉROCHON. À travers cette métaphore, le professeur PÉROCHON exprime parfaitement l’idée que la vie de l’entreprise est faite de hauts et de bas et que celle-ci n’est donc pas dispensée de connaître des difficultés la poussant, malgré elle, à manquer à ses engagements et à perturber l’ordre juridique. Dès lors, toute entreprise qui éprouve des difficultés, au point de se trouver en état de cessation des paiements, doit impérativement déclarer cette situation auprès du tribunal.
L’état de cessation des paiements
L’état de cessation des paiements a été défini par le législateur comme « l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ». Cependant, les empêchements anodins ou de simples difficultés passagères ne sont pas considérés comme une difficulté insurmontable.
L’actif disponible regroupe l’ensemble des liquidités du débiteur : caisse, solde des comptes bancaires, actifs immédiatement disponibles (autorisation de découvert bancaire) ou réalisables à très court terme (valeurs mobilières, effets de commerce escomptables). À l’inverse, le passif exigible représente toutes les dettes exigibles, c’est-à-dire échues, liquides et certaines, peu importe que leur paiement ait été effectivement exigé par le créancier. Les moratoires (c’est-à-dire les délais) intègrent également le passif exigible, contrairement aux dettes litigieuses dépourvues de certains caractères.
La détection de la cessation des paiements est décisive pour l’entreprise en difficulté. Cela influe sur le choix de la procédure de traitement. En l’absence de cessation des paiements, l’entreprise en difficulté est libre de recourir à une procédure de prévention : la procédure de sauvegarde, la conciliation ou le mandat ad hoc.
Au contraire, si l’entreprise est en état de cessation des paiements, alors celle-ci est soumise à une obligation de déclaration de son état dans les quarante-cinq jours qui la suivent, aux fins d’ouverture d’une procédure de conciliation, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
La déclaration de l’état de cessation des paiements
La déclaration de l’état de cessation des paiements, auprès du tribunal compétent, est indispensable à la survie de l’entreprise en difficulté. Cette déclaration se fait au tribunal de commerce lorsque l’entreprise exerce une activité commerciale ou artisanale ; ou auprès du tribunal judiciaire pour les exploitations agricoles et les professions libérales (compétence matérielle). Pour les entreprises individuelles, le tribunal compétent est celui du ressort duquel est situé le principal établissement ; pour les personnes morales, il s’agit de celui du siège social de la société (compétence territoriale).
La déclaration de cessation des paiements est directement liée à l’ouverture d’une procédure collective. Ainsi, cette déclaration doit être faite par l’entreprise en difficulté (le débiteur), dans les quarante-cinq jours à la survenance de ladite cessation des paiements. À défaut, le tribunal peut se saisir lui-même aux fins de prononcer une liquidation judiciaire. De plus, les créanciers peuvent assigner l’entreprise en difficulté. Enfin, le ministère public peut demander l’ouverture d’une procédure collective par requête.
La demande de constatation de la cessation des paiements est faite via un formulaire dit de « Déclaration de cessation des paiements », fourni par le greffe du tribunal ; celui-ci devant être accompagné d’un certain nombre de pièces datées, signées et certifiées sincères et véritables par le dirigeant.
Attention, lorsque l’entreprise en difficulté est assignée par l’un de ses créanciers ; cela ne la décharge pas de déclarer l’état de cessation des paiements et donc de procéder à cette déclaration.
La constatation judiciaire
Le tribunal prononce l’ouverture d’une procédure collective après avoir vérifié, au jour où il statue, que l’état de cessation des paiements soit effectivement caractérisé. Ainsi, le jugement doit suffisamment motiver la caractérisation de la cessation des paiements, mais également déterminer la date de survenance de la cessation des paiements.
La fixation de la date de l’état de cessation des paiements est importante, car elle permet à l’entreprise de connaître la procédure vers laquelle elle doit se tourner, mais également de déterminer la période suspecte. Cette dernière peut être définie comme le laps de temps entre la date de cessation des paiements et le jugement d’ouverture de la procédure. Durant cette période, le dirigeant disposait encore de l’ensemble de ses pouvoirs et a pu effectuer certains actes dits « suspects », qui seront donc remis en cause par le tribunal afin de reconstituer l’actif du débiteur.
La période suspecte est fixée par le tribunal lors du jugement d’ouverture de la procédure collective. Cependant, le législateur a limité la durée de cette période suspecte à 18 mois. Autrement dit, la date de l’état de cessation des paiements ne peut être fixée au plus tard plus 18 mois avant la date du jugement d’ouverture.
Pour conclure, le législateur a véritablement changé l’esprit des procédures collectives ; tel le Clark Ken du droit, il revêt désormais sa cape de sauveur des entreprises en difficulté et privilégie la prévention des difficultés à la répression des débiteurs défaillants d’antan.
Dès lors, vous devez être très vigilant dès la survenance des premières difficultés de votre entreprise. Plus tôt vous avez conscience de vos difficultés en procédant aux premières démarches pour vous faire aider ; plus votre entreprise a de chances de survie. À l’inverse, comme disait Pablo NERUDA, « il meurt lentement celui qui ne se laisse jamais aider ».