La répression de la corruption : encadrement chimérique ou détraqueur efficace des corrupteurs ?

26 mai 2021

La répression de la corruption : encadrement chimérique ou détraqueur efficace des corrupteurs ?

La corruption est un véritable fléau. En effet, l’ONU qualifie cette infraction de « crime grave qui sape le développement économique et social dans toutes les sociétés ». Ce phénomène touche tous les pays et engendre de lourdes pertes pour l’économie mondiale. Véritable caméléon…son caractère multiforme lui permet de se dissimuler facilement ; détournement de fonds publics, Emplois fictifs, favoritisme, billet de foot offert lors d’une Coupe du monde, versement d’un pot-de-vin pour l’attribution d’un marché public. Elle engendre de lourdes conséquences économiques, indépendamment de sa forme. D’après une étude menée par, « Transparency International », la France occupe la vingt-troisième place des pays les plus touchés par la corruption. Il semble que la corruption soit à la hausse ; De l’affaire de l’héritage Crawford en 1855, à l’affaire plus récente des « écoutes » de Nicolas Sarkozy (2021), cette infraction a toujours coloré de façon retentissante le monde des affaires en France.  De plus le nombre annuel de condamnés pour corruption de fonctionnaires, atteint en 2010 « un niveau historique, jamais observé ». Ainsi on peut se demander si la répression de la corruption proposée par le droit français est réellement dissuasive et efficace ? Si non, quel plan d’action, quelles alternatives, faudrait-il activer pour obtenir plus de transparence ? Comment pallier les insuffisances de la répression de la corruption ? 

La corruption en droit français : 

La corruption vise une pratique illicite visant à utiliser et à abuser d’une fonction publique ou privées ayant pour finalité un enrichissement personnel. Le Code pénal de 1810 punissait les faits de corruption mais il limitait la définition des infractions commises « contre la chose publique ». Un élargissement du champs des actes et des personnes a eu lieu. 

I/ Un encadrement pénale en pleine abondance : 

Une dualité en droit français : 

En droit français, on réprime à la fois la corruption active et la répression passive. Ainsi, est puni le fait d’une personne de rechercher exerçant une fonction publique de profiter de cette fonction en sollicitant ou en acceptant des dons, des promesses ou des avantages en vue d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction. Cette forme de corruption vise le corrompu (article 432-11 Code pénal).  

Le Code pénal punit également la corruption passive, c’est-à-dire « le fait pour un agent compétent de se laisser « acheter » pour accomplir ou ne pas accomplir un acte de sa fonction » (Dalloz-Fiches orientation). La personne corrompue peut être à l’origine de l’acte délictueux. L’élargissement de la répression à la personne corrompue permet à la répression de la corruption de gagner en efficacité et d’acquérir un champs d’application plus large. Par ailleurs, cette dualité permet de distinguer la répression du corrupteur et du corrompu, ils pourront donc être poursuivie de manière indépendantes. Ces deux formes de corruption, convergent vers un seul objectif commun : dissuader les personnes exerçant une fonction publique de tirer un profit personnel en abusant de leur pouvoirs. Donc cette dualité apporte plus de force à l’aspect dissuasif de l’infraction. 

II/ Un champs d’application large 

En France on distingue trois acteurs de corruption ; les agents publics nationaux, les agents publics étrangers ou internationaux et les agents du secteur privé. Il semble donc que la répression de la corruption touche un panel assez large de secteurs et d’acteurs. 

D’ailleurs, concernant la corruption d’agents public nationaux : la loi n°2000-595 du 30 juin 2000 précise que le délit de corruption peut intervenir « à tout moment ». Ainsi, le législateur met de côté toutes les préoccupations temporelles. Peu importe que la rémunération ait été versée avant ou après l’acte. Alors qu’avant cette loi, le législateur exigeait une antériorité des manœuvres, cette exigence avait engendré de nombreuses difficultés pratiques. En effet, les rémunérations versées après l’acte de corruption n’étaient pas réprimées au titre de cette infraction, sauf s’il s’agissait de répondre à une promesse antérieure (Cas. Crim, 16 décembre 1997). Concernant la corruption à l’échelle européenne : l’infraction est constituée dès lors que l’agent public accomplit ou s’abstient d’accomplir un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction. Par conséquent le champs d’application est encore une fois large, même les personnes morales peuvent être concernées par cette infraction 

III/ Des peines qui sembleraient efficaces

La répression de la corruption dans le secteur public est deux fois plus élevée que celle du secteur privé. En effet, elle est punie de 10 ans d’emprisonnement de 100 000 000 euros d’amende dans le secteur public (article 433-1 du Code pénal), alors qu’elle n’est punie que de 5 ans d’emprisonnement et de 500 000 € d’amende dans le secteur privé (article 433-2 du Code pénal). Cela démontre la sévérité dont fait preuve le législateur à l’égard de la corruption dans le secteur public. Par ailleurs, des peines complémentaires peuvent s’ajouter à la sanction ; telles que : l’interdiction des droits civils et familiaux pendant 5 ans, la confiscation de la chose obtenue irrégulièrement. Cette sanction, s’avère foudroyante. Cependant, elle n’est pas toujours appliquée ; en raison de la complexité de l’infraction. 

IV/ Des difficultés de répression : 

Une matérialisation complexe : infraction difficile à qualifier et à établir. En effet, en raison de son caractère occulte, il est souvent difficile d’établir et de mettre en évidence les corruptions. Par ailleurs, la recherche de preuves est assez délicate, comte tenu de leur dissimulation habile et stratégique (fausses factures, intermédiaires multiples..). Le risque est donc de laisser impunis, des faits de corruption par manque de preuve. Afin d’éviter ce manque de répression, l’autorité judiciaire requalifie les faits de corruption en infraction voisine, plus facilement matérialisables ; tels que : l’abus de biens sociaux, le recel de biens sociaux. Or ces infractions sont punies de 5 ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende. Par conséquent, leur sanction pécuniaire, et leur peine d’emprisonnement sont largement moins importantes que celle infligée en cas de corruption (10 ans). Ainsi, les corrupteurs ou les corrompus (corruption passive), pourront estimer que « le jeu vaut la chandelle ». Ils peuvent tirer un plus grand profit d’avoir adopter un comportements que de payer l’amende pécuniaire. Donc le droit pénal apparait désarmé face à ces comportements intempestifs. Il faudrait donc alléger les critères de qualification de l’infraction de corruption pour pouvoir plus facilement l’a réprimer. Cependant, un tel allègement pourrait engendrer des accusations intempestives pour corruption et un encombrement des tribunaux ; ce qui n’est pas souhaitable. 

Par ailleurs, il semblerait que le problème soit plus profond. En effet, le 9 janvier 2020, à l’occasion de la journée de lutte contre la corruption, le Groupe d’Etats contre la Corruption (Greco) du Conseil de l’Europe estime que la France peut « mieux faire ». Il souhaite qu’”Une plus grande transparence s’impose”, notamment en ce qui concerne les “contacts entre l’exécutif et les groupes d’intérêts afin que leur influence” sur les décisions “soit plus claire”.

Quel plan d’action faudrait-il actionner pour atteindre un tel objectif et pallier les insuffisances de la répression ? 

V/ Traiter le problème à sa racine : « prévenir plutôt que punir » 

Il faut traiter le problème à sa racine, en aval. La solution du législateur contemporain semble donc de lutter contre la corruption en l’anticipant. 

C’est d’ailleurs ce que propose la loi Sapin II, dite « Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique », du 9 décembre 2016 impose aux entreprises d’au moins 500 salariés la mise en place de mesures préventives anticorruption. Ces entreprises ont donc l’obligation de mettre en place des mesures de prévention et de détection de la corruption, comme : 

  • Un code de conduite, un dispositif d’alerte interne ;
  • Une cartographie des risques ;
  • Des procédures de contrôles comptables, internes ou externe ;
  • Un régime disciplinaire ;
  • Un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre.

Les sanctions pécuniaires semblent assez dissuasives, en effet elles s’élèvent à 200 000 euros pour les dirigeants d’entreprises et à 1 millions d’euros pour les personnes morales. Comme le précise le site Jurisdefi, « le dirigeant doit s’interroger sur le degré de vulnérabilité à la corruption de son secteur d’activité et prendre les mesures nécessaires afin de se prémunir le plus efficacement possible contre les risques ».

Toutes ces dispositions revêtent une importance cruciale. En effet, elles devraient pallier les manquements de la répression pénale de la corruption et satisfaire l’attente croissante des citoyens quant à l’exemplarité des membres de l’exécutif et des dirigeants d’entreprises, qui est de plus en plus palpable. 

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