Très récemment, la jurisprudence est venue apportée une nouvelle position concernant le délit d’abus de confiance en affirmant que le détournement est applicable aux immeubles. Une décision qui était attendue d’une grande part de la doctrine et qui ne manque pas à cet effet d’être remarqué.
La définition d’abus de confiance
Le délit d’abus de confiance est encré aux articles 314-1 et suivants du code de pénal, dans son livre trois répertoriant les crimes et délits contre les biens.
Pour rappel, le code définit l’abus de confiance, comme le fait pour une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a accepté à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.
En somme, l’infraction consiste, pour l’auteur, à détourner un bien quelconque lui ayant été remis à titre précaire, c’est à dire sans que la propriété ne lui en soit transmise.
Il convient également de prêter attention à la définition de l’immeuble. L’on parle d’immeuble par nature, au sens juridique, de biens qui ne peuvent être déplacés dont font partie les bâtiments ainsi que leurs accessoires. Par ailleurs au sens de l’article 552 du code civil, la propriété du sol emporte également celle du dessus et du dessous.
La question que les juges de droit ont eu à trancher dans cette affaire est celle de savoir si un détournement peut donc porter sur un immeuble pouvant alors entraîner un abus de confiance.
Après tout, rien n’empêche qu’un immeuble soit remis dans un but déterminé puis détourné par suite. Le détournement peut donc simplement constituer à utiliser un bien à des fins autres que celles prévues initialement.
Pour comprendre l’apport novateur, il faut tout d’abord étayer l’évolution ayant amener à ce revirement.
La position antérieure de la Cour de cassation relativement à la notion de bien
La Haute Cour avait déjà eu a statué sur cette question et elle avait d’abord répondu par la négative, excluant alors les biens immeubles de l’article 314-1 du code pénal (Crim. 10 oct. 2001, n°00-87.605). Cette position pouvait surprendre étant entendu, que la la chambre criminelle avait quelques mois auparavant admis que les biens incorporels pouvaient faire l’objet d’un abus de confiance (Crim. 14 nov. 2000, n°99-84.522). On pouvait alors penser qu’elle poursuivrait sa lignée en élargissant l’application de la notion de bien.
D’autant que la définition préalablement restituée fait état de la formule « bien quelconque », ce qui pouvait laissé penser que l’immeuble y était inclus. Parallèlement, en droit des biens, le code civil admet également que tous les biens sont meubles ou immeubles en son article 516. L’immeuble dispose notamment d’un chapitre qui lui est consacré dans ce même code lui octroyant une définition de façon plus élargie.
En définitive, la Cour de cassation semblait faire une application homogène des différentes infractions pénales. En effet, il était admis que le vol ou l’escroquerie ne pouvait avoir pour objet un bien immeuble (Crim. 15 juin 1992, n°91-86.053) en ce que la remise d’immeubles construits n’entrait pas dans les prévisions du délit.
Certains auteurs de doctrine écrivaient que ces deux infractions étant considérées comme la qualification devant par excellence protéger la propriété mobilière. Alors, de fait qu’on ne puisse pas voler un immeuble il apparaissait incohérent de parler de détournement d’un immeuble (B. de Lamy, L’abus de confiance peut-il porter sur un immeuble).
Le revirement admettant l’abus de confiance portant sur un immeuble
En l’espèce, il était question de l’exploitation d’un marché d’enfouissement entre une société et des collectivités territoriales. L’utilisation de ladite exploitation a été considéré comme non conforme au cahier des clauses techniques qui avaient été stipulé entre les parties. Il a été résulté d’une réduction, à l’insu des collectivités et en fraude de leurs droits, des capacités d’enfouissement résiduelles du site qu’elles avaient remis à titre précaire, portant de ce fait une atteinte à l’utilité de l’immeuble.
Or l’on sait que le détournement peut constituer en une simple utilisation de biens à des fins autres que celles prévues initialement alors tel est ici le cas du titulaire d’un marché d’enfouissement de déchets sur un terrain lui ayant été remis à titre précaire par des collectivités territoriales, qui réduit irrémédiablement les capacités d’enfouissement de ce site en y enterrant des déchets autres que ceux pour lesquels le marché a été conclu.
Une majeure partie de la doctrine annonçait déjà cette évolution. L’arrêt rendu par la Cour en 2001 (Crim. 10 oct. 2001, n°00-87.605) avait fait coulé beaucoup d’encre quant à la non-inclusion de l’immeuble à l’infraction d’abus de confiance et les juges de droit ont ici admis qu’il y avait une nécessité d’un nouvel examen de la question.
Il faut rappeler que certaines infractions pénales n’ont pas été réformées et que de facto, le champ d’application en est le même depuis 1992 ce qui en a nécessité une extension de ce champ par la présente décision. En effet, la Haute Cour a également changé sa position et elle a admis que le délit d’escroquerie puisse porter sur un immeuble (Crim. 28 sept. 2016, n°15-84.485).
En faisant évolué sa position pour une infraction voisine, il apparaissait certainement nécessaire donc de faire entrer l’immeuble dans le champ des biens pouvant faire objet d’un détournement frauduleux entraînant un abus de confiance. C’est désormais chose faite, il est acté qu’un détournement puisse concerner un bien immeuble.