Condamnation pour corruption : Nicolas Sarkozy entre dans l’histoire de la Ve République

5 mai 2021

Condamnation pour corruption : Nicolas Sarkozy entre dans l’histoire de la Ve République

Le 1er mars 2021, Nicolas Sarkozy a été condamné par la Chambre correctionnelle de Paris à trois ans d’emprisonnement dont un an ferme pour corruption et trafic d’influence. Si dans le passé son prédécesseur Jacques Chirac avait écopé d’une peine de prison avec sursis, l’affaire dite « des écoutes Paul Bismuth » est d’une importance particulière. En effet, elle prononce pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, une peine ferme à l’égard d’un ancien Chef d’Etat, Nicolas Sarkozy.

I. Les tenants d’une condamnation historique pour corruption de Nicolas Sarkozy

Dans le cadre de l’affaire « Bettencourt », le Président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, été soupçonné avec son avocat Thierry Herzog et le magistrat à la Cour de cassation Gilbert Azibert d’avoir conclu « un pacte de corruption ». La corruption (active ou passive) est une infraction consacrée au sein de l’article 433-1 du Code pénal.

Le tribunal, pour établir la culpabilité de Nicolas Sarkozy du chef d’accusation de corruption, a fondé essentiellement son raisonnement sur les écoutes téléphoniques. Le tribunal correctionnel a relevé que « La preuve du pacte de corruption ressort d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants résultant des liens très étroits d’amitié noués entre les protagonistes ». (Jugement correctionnel du 1er mars 2021).

Les vingt et une retranscriptions d’interceptions téléphoniques contestées par la très grande majorité des avocats et perçues comme illégales par la défense, n’auraient pas dû être utilisé par les Magistrats du siège à l’audience. Ces dernières sont de nature à violer le respect du secret professionnel entre l’avocat et son client précise l’avocate de Nicolas Sarkozy.

Cependant, la 32e Chambre du tribunal correctionnel de Paris argue son raisonnement en précisant dans sa décision de condamnation pour corruption, que rien « ne faisait obstacle au placement sous interception téléphonique de la ligne utilisée » par Monsieur Sarkozy, à savoir la ligne Bismuth. (extrait du jugement de Nicolas Sarkozy).

II. Le secret professionnel au cœur du débat

L’utilisation de ces écoutes téléphoniques au détriment du respect du secret professionnel, a conduit les avocats dans une grande incertitude. D’une part concernant l’avenir de la confidentialité entre l’avocat et son client et d’autre part, cela a accentué la méfiance à l’égard de la justice. C’est pourquoi, le tribunal correctionnel fait son mea culpa en reconnaissant que le secret professionnel entre l’avocat et son client a été violé par les « actes d’enquêtes diligentés ainsi que l’usage effectué des renseignements obtenus, se heurtait au respect des pouvoirs propres des officiers de police judiciaire ».

Les juges, avec plus ou moins de difficultés admettent l’importance du secret professionnel qui, « constitue la base de la relation entre un avocat et son client et il ne peut se concevoir sans la confidentialité qui génère la confiance indispensable du client et la liberté dans la défense des intérêts ». Néanmoins, la juridiction tempère ses propos et ajoute que si le secret professionnel « est une garantie primordiale du procès équitable, il n’est pas intangible ».

III. Les preuves de corruption active de Monsieur Sarkozy

Pour le Tribunal, la preuve du pacte de corruption ressort d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants. Les juges font ressortir cette preuve notamment par l’existence de liens privés très étroits entre les différents protagonistes, mais aussi de liens d’affaires les unissants.

Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog en qualité de corrupteurs actifs, étaient désireux « d’obtenir ou de vérifier des informations auprès de M.Gilbert Azibert, magistrat, et, dans le cadre du trafic d’influence, de peser sur le contenu d’une décision de la chambre criminelle par l’intermédiaire de M.Gilbert Azibert ».

Enfin, la juridiction du premier degré motive sa décision en considérant que les prévenus « ont porté gravement atteinte à la confiance publique en instillant dans l’opinion publique l’idée selon laquelle les procédures devant la Cour de Cassation ne procèdent pas toujours d’un débat contradictoire devant des magistrats indépendants mais peuvent faire l’objet d’arrangements occultes destinés à satisfaire des intérêts privés ».

La gravité des comportements infractionnels de Monsieur Sarkozy est d’autant plus importante du fait de sa qualité d’ancien Président de la République. Il était en effet à ce titre le garant de l’indépendance de la justice. Or, dans cette affaire, il a été relevé que Monsieur Sarkozy a usé de ce titre et des relations politiques et diplomatiques qu’il avait fondé en tant que Président. La caractérisation de ce type de comportement ne pouvait qu’être perçue comme étant fondamentalement opposée à l’intégrité attendue par une telle fonction.  

Lors de l’audience, le Procureur de la République avait requis quatre ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis à l’égard de Nicolas Sarkozy. Le tribunal correctionnel avait quant à lui requalifié les faits de corruption active par particulier sur une personne dépositaire de l’autorité publique, en fait de corruption active de Monsieur Nicolas Sarkozy sur un magistrat.

Nicolas Sarkozy a donc été condamné à trois ans d’emprisonnement dont un an ferme pour corruption et trafic d’influence et est rentré dans l’histoire de la Ve République le 1er mars 2021. Néanmoins, Nicolas Sarkozy a interjeté appel de la décision de condamnation, affaire à suivre…

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