La démultiplication des dupes et des produits reprenant des caractères propres à certaines marques : un usage déloyal des efforts intellectuels

30 décembre 2024

Sur le marché de plus en plus de produits similaires ou bien même des copies/contrefaçon sont commercialisés. Le but est de tirer le maximum d’argent de ces produits, tout en limitant les efforts intellectuels. 

Ce marché n’est pas destiné qu’à une seule classe et ne vise pas qu’un seul secteur commercial. En effet, les produits peuvent être de plus ou moins bonne qualité et réalisée par des marques populaires comme inconnues. 

Récemment, c’est le monde de la mode qui a connu une décision retentissante. Celle de la condamnation de JONAK pour avoir imité (et non contrefait) la célèbre chaussure bicolore « Slingback » de chez CHANEL.

I. Le principe d’un dupe à ne pas confondre avec une contrefaçon 

Depuis quelque temps, la différence entre dupe (A) et contrefaçon (B) devient de plus en plus complexe à réaliser pour la majorité d’entre nous. 

Les techniques de marketing mensongères où des personnes font la promotion de ces produits sans réellement connaître la qualification de ce dernier selon le droit inondent le web. Alors comment différencier un dupe d’une contrefaçon ?

A. Le principe du dupe

La notion de « dupe » provient du terme anglais « duplicate », qui désigne le fait de s’inspirer d’un produit d’une grande marque afin de créer un ou plusieurs produits. La volonté de la personne qui s’inspire n’est pas de faire passer ses produits pour ceux de la marque dont il s’est inspiré pour les concevoir mai d’attirer une partie des consommateurs du sillage de la marque d’origine. 

Ainsi, le dupe se présente comme un « produit inspiré de » et non une contrefaçon. Le produit vient ainsi reprendre un ou quelques traits ou les codes esthétiques de la pièce d’origine tout en ajoutant ou modifiant certains points afin de rendre le produit différent. Ces différences sont essentielles, car sans elles le produit peut devenir une reproduction et donc une contrefaçon aux yeux de la loi. 

La pratique du dupe touche aujourd’hui tous les secteurs (mode, cosmétique, alimentation…). Une poignée d’influenceurs en ont même fait leur marque de fabrique qui est de rechercher dans des enseignes de mode populaire des pièces inspirées des collections de grande Maison de Luxe.

B. La définition de la contrefaçon et engagement de l’action

Contrairement aux dupes qui s’inspirent, la contrefaçon est considérée comme le fait de reproduire, l’imiter ou l’utiliser de manière totale ou partielle d’un droit de propriété intellectuelle sans l’autorisation de son propriétaire. Il peut s’agir d’une marque, d’un modèle (L521-1 CPI), d’un brevet (L615-1 CPI), d’un droit d’auteur, d’un logiciel, d’un circuit intégré ou encore d’une obtention végétale (L623-25 §1 CPI).

Décrite comme un délit, pour être caractérisée, le titulaire du droit de propriété intellectuelle se doit de prouver qu’une personne reproduit ou utilise sans son autorisation l’un de ses titres industriels ou l’une de ses œuvres. 

L’atteinte au droit de propriété est le fondement de l’action en contrefaçon. Cette action a pour but de sanctionner ainsi que de mettre un terme à l’infraction.

II. L’affaire JONAK contre CHANEL

Dans les années 1950, la célèbre Coco Chanel a créé la célèbre paire de souliers « Slingback ». Modèle iconique, la paire de chaussures beige au bout noir est devenue un code identitaire au même titre que ses ensembles en tweed. 

Le prix de la paire étant relativement onéreux, Jonak a eu l’idée de commercialiser un modèle similaire pour un prix plus abordable. Le modèle de Jonak, Dhapop de son nom, a conquis bon nombre de personnes excepté Chanel. Tout comme le modèle Ivana qui reprend dans son design une chaîne entrelacée de cuir. 

La célèbre marque de haute couture a alors assigné Jonak en justice. D’abord passée devant le Tribunal (A), l’affaire vient de connaître un nouveau tournant devant la Cour d’appel de Paris (B).

A. Jonak devant le Tribunal de commerce de Paris

Le 17 octobre 2022, le tribunal de commerce de Paris (RG 2021005707) a reconnu le parasitisme uniquement sur le modèle Ivana qui se constitue d’une chaîne entrelacée de cuir. Cette reconnaissance a fait découler une peine d’amende de seulement 17 500 euros. 

Il est pertinent de souligner que le montant de la sanction est étonnant, du fait que par principe, une action en parasitisme, également appelée concurrence déloyale donne lieu à des sanctions financières dont le but « est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle » (Cassation, commerciale, 12 février 2020 n° 17-31614). 

L’appel de Chanel face à ce jugement est donc compréhensible. Jonak étant une marque dont la notoriété n’est plus à faire. 

Également, certains avocats soulèvent le fait que la marque Jonak aurait pu soulever l’incompétence du Tribunal de commerce au profit du Tribunal judiciaire, car ce dernier est normalement le seul à être compétent pour apprécier des faits de concurrence déloyale (Cass. com., 6 déc. 2016, n° 15-18.470).

B. La récente décision de la Cour d’appel de Paris

L’appel réalisé par Chanel a été plus fructueux que la décision de première instance. 

En effet, la décision du 16 octobre 2024 (n°22-19513) a condamné la marque de souliers Jonak de parasitisme non pas pour la reprise d’un code, mais de plusieurs codes. Ainsi, en plus du modèle Ivana, La Cour d’appel juge que le parasitisme touche également les modèles Dhapou et Dhapop (souliers beige au bout et au talons noir qui s’inspirent de la célèbre « Slingback »). 

La Cour condamne Jonak à verser la somme de 180 000 euros à Chanel en réparation de l’acte de parasitisme sur ces trois modèles. Ce préjudice économique se base à la fois sur l’appréciation de la concurrence déloyale ainsi que sur l’estimation du nombre de produits vendus. Pour apprécier la concurrence déloyale, la Cour va se baser sur trois point : 

  1. Que l’on trouve l’existence d’une valeur économique résultant du savoir-faire, du travail intellectuelle, de la notoriété de la marque et des investissements réalisés : bien que les couleurs soient classiques et régulièrement utilisées dans la vente de souliers, Chanel démontre un usage de la composition depuis des décennies au sein de leurs campagnes publicitaires et autres expositions remarquées. 
  2. Qu’un avantage concurrentiel peut être observé grâce à l’inspiration : même si les souliers présentaient entre deux des différences de conception, les consommatrices associaient les paires entre-elles. 
  3. Que l’inspiration, objet du litige est intentionnelle : Chanel qui est une Maison extrêmement connue, l’intention de reprendre une inspiration peut découler de la volonté de gagner des parts de marché ainsi que des clientes.

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