La revente de produits cosmétiques de luxe d’occasion et le risque de contrefaçon

2 avril 2025

La revente de parfums ou de produits cosmétiques d’occasion d’une marque de luxe est prohibée. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 6 décembre 2023 s’agissant de produits cosmétiques de la marque Chanel. Toute commercialisation exposerait son auteur à être poursuivi pour contrefaçon de marque.

Le principe de l’épuisement des droits du titulaire de la marque sur son produit

Le droit de l’Union européenne a introduit un tempérament au monopole d’exploitation conféré au titulaire d’une marque. Le respect de la libre circulation des marchandises est ainsi permis par le principe de d’épuisement des droits. Ce principe codifié en droit français prévoit que le titulaire d’une marque ne peut plus s’opposer à la revente d’un produit dès lors que ce produit a été mis dans le commerce au sein de l’Espace économique européen par lui-même ou avec son consentement

Néanmoins, ce principe d’épuisement des droits connait une exception centrale. Ainsi, le titulaire peut s’opposer à une commercialisation ultérieur de ses produits s’il justifie de motifs légitimes. L’article L713-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que ces motifs légitimes peuvent tenir « à la modification ou à l’altération, ultérieurement intervenue, de l’état des produits » . Ce tempérament vise notamment les marques de luxe, leur permettant de préserver la qualité de ses produits et leur image de marque.

L’exception applicable aux échantillons : l’absence de première mise dans le commerce

Ce principe d’épuisement des droits rencontre une application particulière dans la cas de la distribution gratuite d’échantillons de produits cosmétiques de luxe. En effet, cette distribution même lorsque les produits sont revêtus de la marque, ne constitue pas une première mise dans le commerce. Ainsi, le principe de l’épuisement des droits ne peut pas jouer et le titulaire de la marque conserve son monopole d’exploitation. Il est ainsi fondé à s’opposer à toute revente de ces échantillons sans son autorisation.

La Cour de justice de l’Union européenne a en effet jugé que la fourniture par le titulaire de la marque à ses distributeurs agréés d’unités de démonstration ou d’échantillons destinés à être offerts gratuitement aux consommateurs ne constitue pas, sauf preuve contraire, une mise sur le marché . A cela s’ajoute qu’il appartient à celui qui veut se prévaloir du principe de l’épuisement des droits de prouver qu’une première mise dans le commerce a bien eu lieu avec le consentement du titulaire.

La Cour de cassation a jugé dans l’affaire Chanel a énoncé que la revente d’échantillons portant la mention « échantillon gratuit -ne peut être vendu » constituait une contrefaçon en l’absence de consentement du titulaire à leur commercialisation.

Le déconditionnement et l’usage partiel du produit : des altérations au produit

La jurisprudence est venue apporter des précisions quant à la portée de la notion de « motifs légitimes », et « la modification ou l’altération du produit après la première vente ».

La CJUE dans une jurisprudence du 12 juillet, L’Oréal c. eBay a ainsi jugé que le retrait de l’emballage d’origine d’un parfum de luxe peut constituer une altération susceptible de porter atteinte à l’image de marque. Il appartient par ailleurs au titulaire de prouver qu’une telle altération porte effectivement atteinte à l’image de sa marque, cette appréciation étant menée au cas par cas. En effet, la Cour a souligné qu’un tel retrait est susceptible de priver le consommateur d’informations essentielles relatives à l’origine du produit comme l’identité du fabricant, du responsable de la mise sur le marché ou encore les indications relatives à la composition, la date de péremption ou bien des précautions d’emploi. Cette absence d’informations entrave la capacité du consommateur à vérifier notamment l’authenticité et la qualité du produit. Cela pouvant porter atteinte à la réputation et à l’image de la marque.

La jurisprudence française a également identifié un autre critère d’altération. La Cour de cassation a ainsi jugé dans l’affaire Chanel que toute utilisation partielle d’un produit de luxe conduit à son altération, laquelle est gravement préjudiciable à l’image de la marque. En effet, s’agissant notamment de parfums ou de cosmétiques de luxe, leur ouverture ou leur usage altère nécessairement leur intégrité mais également leur perception par le consommateur. L’usage partiel remet ainsi cause les garanties sanitaires et de composition, notamment lorsque le produit ne bénéficie plus de son opercule. Dès lors, la revente de tels produits cosmétiques ou parfums de luxe déconditionnés ou entamés, sans l’autorisation du titulaire de la marque, peut constituer une contrefaçon de marque.

Ainsi, la revente de produits cosmétiques ou de parfumerie de luxe, qu’il s’agisse d’échantillons non destinés à la vente, de produits déconditionnés ou partiellement utilisés, se heurte aux limites du principe d’épuisement des droits de marque. Le titulaire de la marque est ainsi pleinement fondé à s’opposer à toute commercialisation non autorisée de ces produits. Une telle revente constitue un acte de contrefaçon, exposant son auteur à des sanctions.

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