L’abus de confiance est un délit que l’on classe parmi les pans du droit pénal des affaires. Très utilisé dans le langage courant, il semble pourtant difficile de caractériser et cerner ce qu’est réellement ce délit et à quel moment le dissocier d’autres délits proches. Le délit d’abus de confiance est avant tout une atteinte à la propriété d’autrui, le possesseur de la chose remise à titre précaire va se comporter comme le véritable propriétaire de la chose.
Le contenu de l’infraction d’abus de confiance
Le délit d’abus de confiance est défini aux termes de l’article 314-1 du code pénal, « l’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ».
L’abus de confiance dispose d’un point commun avec les délits d’escroquerie et de vol, en effet les trois infractions consistent en des appropriations frauduleuses de la chose d’autrui.
Cependant il est important d’exposer une distinction avec ces deux infractions.
- Le vol est caractérisé par la soustraction frauduleuse de la chose contre le consentement de son propriétaire ;
- L’escroquerie implique l’utilisation de moyens frauduleux pour tromper la victime et la déterminer à remettre à l’escroc sa chose.
L’abus de confiance est consommé par le détournement d’une chose que l’agent détient légitimement, à titre précaire, en vertu d’un contrat ou d’un accord de volontés, d’une disposition légale ou encore d’une décision judiciaire. La qualification de l’abus de confiance peut prendre la relève de l’abus de biens sociaux. C’est d’ailleurs le cas à propos du contrat de société lorsque les détournements sont soumis dans le cadre de personnes morales exclues du champ d’application de l’abus de bien sociaux.
La remise doit porter sur des fonds, valeurs ou un bien quelconque que ce soit un bien corporel ou incorporel. Ces biens doivent avoir une valeur monétaire, les immeubles sont écartés du domaine d’application par la jurisprudence (Crim. 10 oct. 2001, n°00-87.605). Par principe, pour qu’il y ait un abus de confiance, cela suppose au préalable que la remise de la chose doit avoir été effectuée dans le cadre d’un contrat.
Ce qu’on constate aussi est que la jurisprudence accuse une tendance à dématérialiser le délit. Elle admet que les informations relatives à la clientèle puissent être qualifiées d’un bien incorporel susceptible d’appropriation frauduleuse (crim. du 16 nov. 2011, n° 10-87.866).
Le droit à la réparation de la victime
L’individu victime d’un abus de confiance dispose d’un droit à réparation. Cependant récemment la Haute Cour a rendu un arrêt concernant l’étendue de la réparation en cas de négligence de la victime (Crim. 16 mars. 2022, F-D, n° 20-86.502). Désormais une simple faute de négligence de la victime provenant d’une infraction intentionnelle contre les biens diminue l’étendue de son droit à réparation de son préjudice.
L’acte matériel de détournement consiste à utiliser la chose à des fins étrangères à celles qui avaient été convenues.
L’affaire Kerviel : un exemple clé en la matière
Un exemple populaire d’abus de confiance est l’affaire Kerviel et permettra d’illustrer au mieux l’infraction (Crim. 19 mars 2014, n°12-87.416). Jérôme Kerviel trader pour la société générale a engagé intentionnellement et frauduleusement 50 milliards d’euros appartenant à la société sur les marchés financiers. Cet agissement a conduit à une perte de 6,3 milliards d’euros pour la société. Le trader a donc été condamné pour abus de confiance et a donc écopé d’une peine de cinq ans de prison dont deux avec sursis.
Bien que l’enquête menée semble indiquer que le trader n’a pas cherché à s’enrichir personnellement, il résulte toutefois une intention frauduleuse qui est l’élément moral permettant de caractériser l’abus de confiance. L’abus de confiance suppose une volonté chez l’auteur de l’infraction de se comporter comme le possesseur de la chose. Le prévenu doit avoir violé sciemment les obligations contractuelles en ayant pleinement conscience que ce détournement va le mettre dans l’impossibilité de restituer le bien concerné.
La répression du délit d’abus de confiance
La loi de 2020 a modifié la peine encourue concernant l’abus de confiance à l’article 314-1 du code pénal (LOI n°2020-1672 du 24 décembre 2020). La peine encourue est de cinq ans et 375 000 euros d’amende. Il existe également d’autres peines aggravantes à l’article 314-1-1 où les peines prévues à l’article précité sont portées à sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amendes si l’infraction est commise en bande organisée.
Concernant les personnes morales, la règle du quintuple s’applique également en la matière. C’est-à-dire que la peine sera cinq fois plus élevée. Concernant les peines complémentaires, la dissolution de la personne morale peut être prononcée. Le délit d’abus de confiance se doit d’être enfin distingué du célèbre délit d’initié !