Si vous êtes dirigeant d’entreprise et qu’elle est sous le coup d’une procédure collective, vous pourriez être personnellement condamné par un tribunal à supporter ce qui manque à l’entreprise dans certaines situations selon l’article L.651-2 du Code de commerce.
Quel dirigeant ou type de dirigeant est concerné par l’article L.651-2 du Code de commerce ?
Dirigeant de droit et dirigeant de fait
Le dirigeant de droit est celui qui assure la gestion d’une entreprise en vertu d’un titre (nominatif, électif ou de propriété). Le dirigeant de fait par contre ne dispose d’aucun titre pour la gestion de l’entreprise (conjoint du dirigeant, ancien dirigeant, actionnaire ou associé, etc.). Sur le fondement de l’article L.651-2 C. com, la jurisprudence sanctionne indistinctement aussi bien le dirigeant de droit que le dirigeant de fait, dès lors que leurs agissements ont conduit à une insuffisance d’actif de l’entreprise. Les deux peuvent également être sanctionnés solidairement (Cass. com, 30 janvier 2019, n°17-21403).
Dirigeant en fonction, ancien dirigeant, dirigeant d’association et représentant du dirigeant personne morale
En principe, en cas d’insuffisance d’actif de l’entreprise, c’est le dirigeant en fonction qui est interpellé au premier titre. C’est lui qui assure la gestion de l’entreprise au jour de l’ouverture de la procédure collective. Toutefois, lorsqu’il est démontré que la situation de l’entreprise précède la nomination de l’actuel dirigeant, alors l’ancien dirigeant peut être interpellé et voir sa responsabilité engagée pour des fautes commises avant sa cessation de fonction et ayant entraîné l’insuffisance d’actif de l’entreprise (Cass. com, 24 mars 2021, n°20-10677).
Le dirigeant bénévole est sanctionné au même titre que le dirigeant rémunéré, car le bénévolat ne l’exonère pas de sa responsabilité en cas d’insuffisance d’actif de l’entreprise (Cass. com, 9 décembre 2020, n°18-24730). Le juge soutien que l’article 1992 du Code civil qui prescrit une diminution de la responsabilité d’un mandataire bénévole, est inopérant dans ce cas.
Lorsqu’une entreprise est dirigée par une personne morale, cette dernière peut voir sa responsabilité engagée, que ce soit elle, son représentant personne physique, ou les deux, solidairement, en cas de faute ayant entraîné l’insuffisance d’actif de l’entreprise (Cass. com., 8 janvier 2020, n°18-15-027).
Bon à savoir :
Un EI (entrepreneur individuel) ou une EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée) peut malgré leur distinction, voir son patrimoine personnel appelé à contribution pour son patrimoine professionnelle, en cas de faute ayant causé l’insuffisance d’actif de l’entreprise.
Quelles sont les fautes qui peuvent entraîner la responsabilité du dirigeant ?
Le législateur évoque à l’article L.651-2 du Code de commerce la faute de gestion et la simple négligence. Ces deux agissements ont chacun un régime différent.
La faute de gestion
Lorsque le fait ou l’agissement ayant entraîné l’insuffisance d’actif est une faute de gestion, la responsabilité du ou des dirigeant(s) peut alors être engagée, qu’il s’agisse d’un dirigeant de droit ou de fait. Deux préoccupations sont ainsi posées. La détermination de la faute de gestion, et le lien de causalité.
La faute de gestion est un manquement à l’obligation de bonne gestion de l’entreprise.
La bonne gestion prescrit des actions allant dans le sens des intérêts de l’entreprise. Dès lors qu’un acte (action ou inaction) est contraire aux intérêts de l’entreprise et engendre des difficultés pour elle, alors le dirigeant peut être accusé de faute de gestion. La faute de gestion s’apprécie par ses conséquences immédiates, à court terme, moyen terme ou encore à long terme. La faute doit donc avoir causé l’insuffisance d’actif (Cass. com., 18 mai 2022, n°20-22245).
Le lien de causalité est le rapport direct entre la faute de gestion et ses conséquences.
Cela signifie que la conséquence doit directement être consécutive à la faute. Il doit donc être établi le lien de causalité entre l’insuffisance d’actif et les agissements du dirigeant (Cass. com., 23 novembre 2022, n°21-18108).
La simple négligence
L’article L.651-2 du Code commerce dispose : « Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée. ».
C’est la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique (article 146).
Dans une jurisprudence du 13 avril 2022, n° 20-20137, la Cour de Cassation casse et annule une décision de la Cour d’appel et réitère, au motif que la faute commise par le dirigeant relève davantage d’un manque de vigilance donc d’une simple négligence, celle-ci étant impropre à engager sa responsabilité pour insuffisance d’actif.
L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif
Encore appelée action en comblement de passif, c’est une action qui n’existe que dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, et non durant la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. C’est en réalité une action en responsabilité civile délictuelle dont le succès tient à l’existence d’une faute, un préjudice et un lien de causalité ; toutefois, elle ne peut être fondée sur l’article 1382 du Code civil.
Le demandeur
L’initiative de l’action relève du liquidateur. Cependant, l’article L.651-3 du Code de commerce autorise également le parquet à intenter une action, de même que les éventuels contrôleurs en cas de carence de liquidateur.
Quel que soit le demandeur, le dirigeant ou chef d’entreprise concerné est convoqué par voie huissier devant le tribunal de la procédure collective. L’assignation doit indiquer les faits reprochés avec des justificatifs, le préjudice subi par les créanciers, l’aggravation des difficultés depuis la faute.
La conduite de l’audience
Durant l’audience, le dirigeant a le choix de désigner un avocat pour se défendre ou non. Dorénavant, conformément à l’article R651-2 du décret du 12 février 2009, il n’y a plus de comparution personnelle du dirigeant en chambre de conseil. Le juge commissaire produit un rapport sur la base duquel va statuer le tribunal. Les parties échangent les conclusions, le juge peut ordonner une expertise. L’audience est publique et le ministère public prend la parole dernier lieu sauf s’il est demandeur.
Le jugement
Le jugement est rendu au terme du processus et il est susceptible de recours. Le tribunal peut ordonner son exécution provisoire de plein droit (Article R.661-1).
L’action est prescrite dans les trois ans qui suivent le jugement de liquidation. C’est la délivrance de l’assignation qui interrompt la prescription. Le juge peut ordonner des mesures conservatoires sur le patrimoine du dirigeant dans la limite des dommages et intérêts demandés.
Les parties peuvent faire une transaction pour éviter une procédure judiciaire et arrêter le passif mis à la charge du dirigeant.