La gestion d’une société ou d’une association est généralement confiée à ses dirigeants sociaux (le président pour la SA, ou encore le gérant pour la SARL). Il est des cas cependant, où au gré d’un jeu de forces officieux, ces représentants sociaux ne sont des dirigeants qu’à titre emblématique, et que la gestion concrète de la structure est exercée par un ou d’autres individus. On parle alors de gestion de fait. Cette gestion de fait, qui mérite d’être précisée entraine d’importantes conséquences à l’endroit du dirigeant de fait sur plusieurs plans.
Définition et caractéristiques du dirigeant de fait
On parle de dirigeant de fait, lorsque qu’une personne non statutairement ou légalement désignée exerce les fonctions de dirigeant social à la place du dirigeant de droit. Le Code de commerce dispose en ses articles L241-9 et L245-16 que le dirigeant de fait c’est « toute personne qui, directement ou par personne interposée, a, en fait exercé la direction, l’administration ou la gestion [de l’entreprise] sous le couvert ou en lieu et place de ses représentants légaux ». Pour la plupart des cas, il s’agit d’un actionnaire ou associé de la structure, d’un directeur salarié, un parent du dirigeant de droit, une société mère sur sa filiale ou encore une banque créancière.
Deux constances sont à retenir de la notion de dirigeant de fait. Tout d’abord il y a l’absence du droit d’exercer, caractérisée par la non-désignation du dirigeant de fait, ni dans les statuts de la société, ni par la loi, et parfois même ni par délégation de pouvoir. Il y a également la gestion concrète de la société. Cela signifie que pour qu’on parle de dirigeant de fait, il faudrait que ce dernier ait eu une emprise certaine sur la gestion de la société.
La jurisprudence est d’ailleurs assez florissante sur la notion de dirigeant de fait, citons l’arrêt du 24.06.2008 ; jurisdata 2008-044616 de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation qui qualifiait un directeur salarié d’une association de dirigeant de fait au motif que celui-ci avait pris seul la décision d’augmenter la ligne de crédit dont bénéficiait l’association auprès d’un organisme financier, qu’il s’opposait à toute intervention du Président de l’association dans son domaine d’intervention et se considérait comme investit du pouvoir de procéder seul à la conclusion de nouveaux contrat de travail en opposition aux recommandations du conseil d’administration.
Une autre constance est à retenir de la jurisprudence, c’est qu’un acte isolé ne saurait suffire à retenir le qualificatif de dirigeant de fait, il faut en effet un certain nombre d’actes de gestion de faits significatifs pour prouver la gestion de fait.
Responsabilités du dirigeant de fait
Le dirigeant de fait qui s’immisce dans la gestion de l’entreprise supporte selon les cas, les mêmes responsabilités que le dirigeant de droit, et encourt les mêmes sanctions que celui-ci sans que ces dernières n’en soient réduites. Rappelons déjà que le problème de la gestion de fait se pose dès lors qu’il y a faute engageant la responsabilité du dirigeant social. Le dirigeant de fait peut donc se voir appliquer la législation relative à l’interdiction d’exercice, à la banqueroute, ou encore à la responsabilité pour insuffisance d’actif. Il est ainsi exposé à différentes sanctions qui peuvent aller jusqu’au plan fiscal.
La responsabilité personnelle
Le dirigeant de fait peut être poursuivi pour faute personnelle s’il est prouvé que les faits qui lui sont reprochés sont personnelles, détachables de ses fonctions et ont conduit à l’insuffisance d’actif. Il peut alors être poursuivi pour complément de passif si la société fait l’objet de redressement ou de liquidation judiciaire (Cass., Com., 7 mars 2006, n° 04-16.536).
La responsabilité pénale
Le Code de commerce consacre en ses articles L. 241-9, L. 246-2 et L. 245-16 la solidarité des dirigeants de fait et de droit sur leurs responsabilités et les sanctions pénales qui en découlent. C’est donc à juste titre qu’en septembre 2000, la Chambre Criminelle de la Cour de cassation a condamné un dirigeant de fait pour homicide involontaire à cause du décès d’un employé, au motif que ledit dirigeant de fait aurait eu un manquement dans le cadre de la règlementation de la sécurité.
La responsabilité fiscale
Si des manœuvres frauduleuses ont été découvertes, ou si des manquements aux obligations fiscales ont rendu impossibles le recouvrement des impôts, alors le fisc peut tenir pour solidairement responsables le dirigeant de fait et celui de droit du paiement des impôts de la société en redressement fiscal.
La qualification de dirigeant de fait est donc un préjudice terrible, qui tombe brutalement sur les personnes physiques dirigeantes qui n’en avaient pourtant pas toujours consciences. La responsabilité des dirigeants d’une société n’est donc pas à négliger. Que vous pratiquiez ce rôle de manière claire ou dissimulée, consciemment ou inconsciemment, le risque pèsera tout de même sur le dirigeant de la société.