Le respect de la vie privée est un principe cardinal auquel le droit accorde une grande importance. Il est consacré par de nombreux textes internationaux et communautaires (Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Convention Européenne des Droits de l’Homme etc.). En droit français, c’est l’article 9 du Code civil qui le consacre, appuyé en cela par de nombreuses décisions de justice. Pour bien comprendre l’article 9 du Code civil, il convient d’examiner le principe du respect du droit à la vie privée, ses limites et les sanctions encourues en cas de violation ?
Le principe du respect du droit à la vie privée
Qu’est-ce que la vie privée ?
L’article 9 du Code civil dispose « Chacun a droit au respect de sa vie privée. ». Le législateur n’a pas expressément défini la vie privée. Sa définition s’obtient par déduction des analyses jurisprudentielles et du rapport à la vie publique.
En effet, si l’on considère que rentre dans la sphère publique, toute information pouvant faire l’objet d’immixtion ou de divulgation ; la vie privée à contrario renfermerait au sens strict, toute information ne pouvant être publiée ni faire l’objet d’ingérence.
Le droit au respect de la vie privée
Il faut d’abord rappeler que le droit au respect de la vie privée est un droit civil. Il prescrit l’inviolabilité de la vie privée, sans aucune distinction. Ce droit fondamental pose une interdiction d’ingérence dans la vie privée d’autrui, sous peine de poursuites judiciaires. Ce principe consacre par la même occasion l’interdiction de porter atteinte au droit à l’image d’une personne.
Le droit au respect de la vie privée implique principalement le respect de :
- La dignité (Cass. Civ 1ère, 20/12/2000) ;
- Le domicile (Cass. Civ. 2ème, 05/06/2003) ;
- La religion (Cass. Civ 1ère, 06/03/2001) ;
- La sexualité, orientation sexuelle (CEDH, 25/03/1992, Botella c/ France) ;
- La vie sentimentale (Cass. Civ 1ère, 05/11/1996) ;
- La santé (Cass. Civ. 1ère, 06/07/1987) ;
- Les correspondances (TGI Paris, 02/11/2000) ;
- La protection des données personnelles (RGPD, 25/05/2018).
Qui a droit à la vie privée ?
La Cour de cassation est également venue apporter des précisions sur la notion de vie privée et plus précisément sur son champ d’application. Elle déclare dans un arrêt du 23/10/1990 « Toute personne quel que soit son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée. ». Sa position pourrait sembler imprécise sur la distinction entre personne morale et personne physique.
S’il était déjà difficile de reconnaître une protection de la vie privée aux personnes morales, la jurisprudence va achever de confirmer que seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d’une vie privée au sens de l’article 9 du Code civil (Cass, 1ère civ. 17/03/2016). Toutefois, il faut préciser que les personnes morales restent détentrices de droits à la protection de leur nom, de leur réputation ou encore de leurs correspondances (CEDH 16/04/2002, CEDH 28/06/2007).
Quelles sont les limites au respect de la vie privée ?
Le principe de non-ingérence dans la vie d’autrui condamne tous les actes qui portent atteinte aux droits et libertés de la personne. Cependant, son application possède quelques limites. Au-delà de l’exigence de respect de l’ordre public et des tiers, le respect de la vie privée se heurte à :
La sécurité générale
Elle autorise l’administration à poser des actes qui peuvent porter atteinte aux droits de la personne comme conserver certaines informations privées (passeport, carte d’identité, casier judiciaire, acte d’état civil etc.), ou à employer des méthodes de surveillance des individus comme l’usage de caméras de surveillance dans les lieux publics ou l’installation de GPS dans les véhicules (CEDH 02/09/2010 « Uzun c/ Allemagne »).
Le contexte professionnel
Dans certaines conditions, il est permis à un chef d’entreprise de s’immiscer dans la vie privée de ses employés telles qu’en matière vestimentaire, ou en accédant aux messages que ce dernier a émis depuis sa boîte mail professionnelle (CA Orléans 23/04/2020), sauf s’il les a au préalable déclarés personnels (Cass. Soc., 19/06/2013). Ce principe reste néanmoins très limité. En effet, pour ne pas porter atteinte à la liberté des salariés, le droit du travail a mis en place un droit de la vie privée du salarié dans l’entreprise ou encore les évolutions récentes sur la conciliation entre vie privée et télétravailleurs.
Droit à l’information et personnes publiques
Les personnes publiques sont des personnes dont la vie publique occupe une place trop importante, laissant parfois peu de place à leur vie privée. Il peut s’agir de célébrités ou de personnalités politiques. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que leur vie privée est inexistante. Mais ici, le droit à la vie privée doit s’accorder avec le droit à l’information du public et le respect des libertés (la liberté de presse ou liberté d’expression). L’équilibre est trouvée au cas par cas, et c’est au juge qu’il revient de déterminer en fonction des circonstances lequel des droits doit le plus être protégé.
L’intransmissibilité à cause de mort
Le droit à la vie privée fait partie des droits de la personnalité, inhérent à la personne humaine. Seules les personnes vivantes peuvent s’en prévaloir. Il n’est pas transmis à la mort. Cependant, les ayants-droit des personnes décédées disposent d’un droit d’opposition ou action en responsabilité civile, fondée non pas sur la base de l’article 9 du Code civil, mais sur la base d’un préjudice découlant d’une publication ou diffusion de l’image du défunt portant atteinte à sa mémoire (Cass. Civ. 1ère, 01/07/2010), ou portant atteinte à la vie privée des personnes constituant ainsi une violation de la vie privée (Cass. Civ 1ère, 20/12/2000).
Quelles sont les sanctions aux atteintes au droit au respect de la vie privée ?
Avant d’être sanctionnées, les atteintes doivent d’abord être constatées.
Comment constater une atteinte à la vie privée ?
Pour être constitutif d’un acte qui porte atteinte à la vie privée, l’acte illicite ou délit doit remplir 2 conditions essentielles, à savoir :
- Être une immixtion dans une vie privée : peu importe son but, même s’il est fait de bonne foi, même sans publication.
- Être posé sans autorisation préalable : cette absence d’autorisation achève de caractériser la violation du droit à la vie privée.
Quelles sont les sanctions prévues ?
Tout acte qui pourrait porter atteinte au respect du droit à la vie privée comme un harcèlement une publication d’informations relatives à l’identité de la personne (nom, domicile, image, voix etc.), ou à l’intimité de la personne, engage la responsabilité de son auteur. Deux régimes de sanctions sont alors prévus.
• Les sanctions civiles
Conformément à l’article 9 du Code civil qui dispose : « Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »
L’auteur du préjudice encourt alors :
- La condamnation au paiement des dommages et intérêts. Cette réparation du préjudice subi est conforme à l’article 1240 du Code civil.
- Les mesures civiles, généralement utilisées pour faire cesser l’atteinte à leur droit.
• Les sanctions pénales
Elles sont fondées sur les articles 226-1 et suivants du Code pénal. Si les individus victimes décident de porter plainte, les infractions commises peuvent être punies de 45.000€ euros d’amende et une peine d’un an d’emprisonnement. Notons qu’une sanction pénale peut s’ajouter à une sanction civile s’il est prouvé que l’atteinte aux droits a été faite volontairement.