Trois conditions que vous devez connaître avant de créer votre marque : licéité, distinctivité, disponibilité

18 avril 2024

Ces trois gardes-fou juridiques de la marque à ne surtout pas contrarier : Licéité, distinctivité, disponibilité

Hier encore avions-nous vingt ans, et, jouant de la vie, quelles merveilles idées ensemencèrent nos jardins d’esprit… ces graines ont depuis germé, et nous nous apprêtons à développer notre première société. Félicitation ! Et puisque ce projet éclora au travers de représentations, images, ou symboles, déjà envisageons-nous une ou plusieurs marques.

Si la loi nous accompagne dans l’édification de notre activité, elle l’encadre également de règles insoupçonnées. Et s’il nous arrivait de les enfreindre, notre marque ne saurait plus jouir d’une quelque reconnaissance ; pire encore, elle provoquerait un dommage. Ainsi et, hélas, le dépôt d’une marque n’est point de tout repos ; il requerra de notre part attention, diligence, et efforts.  

Au-delà des seules formalités de dépôt – qui s’accomplissent directement en ligne sur le site de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (dit INPI) -, l’enjeu de la création de notre marque portera essentiellement sur des exigences de fond. En effet, les articles 711-2 et 711-3 du code de la propriété intellectuelle déterminent trois critères essentiels de validité de la marque :

  • 1. Une marque licite (I)
  • 2. Une marque distincte (II)
  • 3. Une marque disponible (III)

Le présent article éclairera et précisera ces conditions. Si elles répondent chacune de régimes juridiques précis et difficiles d’accès (d’où la nécessité de se faire conseiller), ces quelques connaissances gratifiées soutiendront sans aucun doute la démarche.

I. Une marque licite

La marque ne doit point porter atteinte à l’ordre public, et cela indépendamment des produits ou services vendus. L’ordre public comprendra ici les bonnes mœurs (un signe obscène ne peut constituer votre marque) et le respect de la loi (la marque ne peut faire l’apologie d’une infraction ni louer un comportement illicite).

La marque ne doit point tromper la nature, qualité, ou provenance des produits et services vendus. Par exemple, la marque (inventée pour le présent article) Acacia pour toujours vendant des tables construites à partir de chêne tromperait la qualité du produit. La marque Douces Sardines Sardes servant des sardines pêchées autre part qu’en Sardaigne tromperait la provenance de la marchandise. Ect.

Ainsi, le critère de licéité entend deux impératifs : ordre public d’une part, signe qui ne trompe pas d’autre part.

II. Une marque distincte  

La marque ne peut se prévaloir du commun d’un nom pour décrire les biens ou services qu’elle commercialisera. En d’autres termes, elle ne peut être descriptive. Elle doit afficher une identité, une signature qui permette de singulariser ses prestations. Par exemple, je ne peux déposer une marque Carrosserie pour vendre des carrosseries. Je pourrai cependant déposer valablement la marque pour vendre des livres. Le consommateur moyen percevra alors des livres issus de la maison d’édition Carrosserie (et pourquoi pas !).

Pour contourner le critère distinctif, des syntagmes (associations de mots) émergèrent dans la pratique. C’est l’exemple d’une marque Stylo Plomb qui vend des stylos et argue respecter la distinctivité car le mot Plomb modifierait la représentation du mot Stylo, prit seul ; la marque ne décrirait plus le produit vendu.

Quid du droit ?

 Dans une célèbre décision européenne (affaire Baby Dry, 2001), les magistrats recherchèrent si le syntagme désignait des caractéristiques essentielles du produit, ou si, autrement, il constituait une expression connue (dans la langue de la marque).

Application :

Le plomb est étranger aux stylos, et l’expression « Stylo de Plomb » ne semble pas notoire. La marque Stylo Plomb paraît alors distincte. Apportons néanmoins deux nuances :

  • Si d’aventure je souhaitais commercialiser des stylos composés, destinés, ou liés de quelque façon directe au plomb, je risquerai la descriptivité.
  • L’appréciation de la distinctivité de la marque relèvera du juge en cas de litige. Cette appréciation, malléable, comporte une part importante d’aléa. Un magistrat est compétent à faire le lien entre la marque et les produits ou services vendus, malgré un stylo 100% plastique.

Nous ne pouvons ainsi que recommander un comportement prudent ; un signe qui ne s’approche pas – quand bien même ce soit un syntagme – du secteur, du produit ou de la prestation concernée. Faisons ainsi une seconde fois nos adieux à Acacia pour Toujours et Douces sardines sardes, décidément indésirées.

III. Une marque disponible

Troisième et plus important critère : la disponibilité. La marque vous octroyant un monopole, faut-il encore que celle-ci n’eut déjà été enregistré par un autre ! Si jusqu’ici je confondais marque et signe, je me dois toutefois d’apporter une nuance nécessaire à la compréhension de la disponibilité :

La marque désigne un signe (verbal, figuratif, semi-figuratif, sonore, ect…) auquel s’associe une activité précise et déterminée lors de son enregistrement. L’on peut ainsi trouver deux signes identiques, mais dont les libellés respectifs visent des activités différentes ; les marques seront différentes.

Illustrons : je souhaite créer ma marque BNT Jukebox. J’édicterai donc le signe verbal BNT Jukebox, auquel j’associerai la vente de figurines en marbre (activité classe 19 selon la classification de Nice). Si une BNT Jukebox existe déjà et qu’elle vend des figurines en marbre, la marque sera indisponible ; un tiers l’aura déjà déposée. Je devrai choisir un signe différent. Si toutefois le signe BNT Jukebox (antérieur) a pour objet la fabrication de climatisations (classe 11), la marque que je souhaite créer sera disponible. En d’autres termes, je puis déposer une marque dont le signe est identique à une marque antérieure, mais dont l’activité est différente.

Attention toutefois à ne pas jouer sur les classes. Il convient de cerner avec précision l’activité de ma future marque et ne pas empiéter sur celles d’une autre. Le droit prohibe l’activité similaire (et pas seulement identique) ! Votre marque doit suffisamment se distinguer de la précédente, de telle sorte à ce qu’un consommateur moyen ne puisse vous confondre. En cas de litige (ce qui arrive tous les jours), vous risquez – en plus de la déchéance de votre marque – la contrefaçon, le parasitisme, et la concurrence déloyale. En bref, beaucoup (énormément) d’argent.

Pour effectuer les recherches d’antériorité, rendez-vous sur la base de données des marques de l’INPI. Vous pourrez rechercher un signe et l’activité (produits et services) associée.

En cas de doute, privilégiez toujours un signe unique et distinguable, une identité propre et personnelle. Si vous empruntez un signe déjà existant (ou un signe similaire), vous pouvez rayer des activités de votre marque celles enregistrées antérieurement par le tiers.

Notez enfin que l’enregistrement de votre marque par l’INPI ne vaut pas validation de ces critères. Votre marque n’est pas à l’abri d’une surprise, ce même après plusieurs années d’activités. Non, l’enregistrement ne vous préservera pas des ennuis ; cela est le rôle des professionnels du droit. Alors pour la viabilité d’acacias, sardines ou figurines, il paraîtra plus prudent d’être accompagné, non ? C’est du moins ce que je recommande !

Cet article vous a plu ? Jetez un œil à mes deux autres contributions !

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