Stream & Cheat : l’Arsène Lupin des temps modernes (Tome 1)
Stream & Cheat : l'Arsène Lupin des temps modernes (Tome 1)

Fin 2020, la chaîne Twitch annonçait le bannissement de sa plateforme d’un streamer français très suivi, MrPIXL, accusé de triche en plein direct. Son cas est loin d’être isolé : à mesure que la popularité des jeux vidéo croît, la quantité de joueurs souhaitant partager leur « gameplay » en live sur Facebook & Consorts va crescendo… et le nombre de tricheurs aussi. En effet, plus la communauté est grande, et plus les dons des fans s’accumulent ; certains voient donc dans l’appât du gain une fin justifiant les moyens ! De quel œil le droit voit-il ces pratiques ? Dans ce premier article, nous nous intéresserons au gaming et au streaming. Prochainement, nous constaterons que le stream conduit parfois au « cheat » et que celui-ci pose de réels problèmes juridiques. 

I – Le jeu vidéo : une œuvre numérique à part entière

La catégorie des jeux vidéo est difficile à cerner. Ils sont protégés par le droit d’auteur, sous réserve d’être originaux. 

À la frontière entre la base de données et l’œuvre visuelle, ils étaient d’abord envisagés comme de simples logiciels à l’image des jeux « Tennis for Two », « Oxo » ou « Pong ».

Les générations de jeux vidéo se sont ensuite succédées et ces derniers sont devenus de plus en plus élaborés, allant du support qui change aux ressources utilisées (image, sons, script, code), et même à la création de base de données, de fichiers sauvegardés gérant les performances des utilisateurs, etc… 

Toutes ces ressources qui font la base de notre culture sont chacune protégées par le droit d’auteur, et leur réunification dans un ensemble aussi complexe que le jeu vidéo nous permet de penser que celui-ci doit faire l’objet d’une protection en tant que tel. 

Pour certains, le jeu vidéo est avant tout un logiciel, et pour d’autres, une œuvre audiovisuelle interactive. Et c’est la Cour de cassation le 21 juin 2000 qui est venue appliquer la qualification de logiciel de manière unitaire et exclusive à un jeu vidéo, c’est-à-dire que le jeu vidéo est une catégorie à part entière des multimédias. Un tel arrêt vient présenter le jeu vidéo comme un simple logiciel sans pour autant appréhender la complexité de l’œuvre et l’effort créatif qui peut y être apporté.

Mais depuis l’arrêt du 25 juin 2009 « Cryo », dans lequel le jeu vidéo a été défini comme une œuvre complexe non réductible à sa seule dimension logicielle, il n’est plus possible de négliger la dimension graphique, narrative et musicale du jeu vidéo. 

C’est ainsi que nous voyons l’importance du contenu de l’œuvre, et que celle-ci peut être protégée point par point, avec des créations tellement importantes que leur simple existence au sein d’une œuvre se doit d’être protégée individuellement.

II – Œuvre dérivée ou œuvre de l’esprit ? Le streaming part en live !

Pourtant, malgré des œuvres vidéo-ludiques qui commencent à être reconnues, leur diffusion n’en reste pas moins complexe. C’est notamment ce qui a pu exaspérer la communauté de créateurs présente sur Youtube, Twitch ou d’autres plateformes de vidéos en ligne/streaming en ligne, qui ont pu voir certains de leurs contenus retirés pour des questions de droit d’auteur. D’un simple jeu où l’OST (Original Sound Track) peut y être soumise, à des jeux tels que Guitar Hero ou Just Dance où les musiques, connues de tous, sont forcément protégées, beaucoup de questions juridiques se posent quant à la qualification du streaming. 

D’abord, jusqu’en 2019, les plateformes en ligne rémunéraient les créateurs pour leurs contenus, sans prêter attention aux droits d’auteur. Or, dans le monde physique, tout diffuseur paye normalement le droit de diffuser une œuvre à l’auteur de celle-ci. Le Parlement européen souhaite donc que sur internet, les plateformes ne soient plus considérées comme de simples hébergeurs, mais bien comme des diffuseurs (Directive européenne du 26 mars 2019 concernant le droit d’auteur dans le marché unique numérique)

Ensuite, le streaming pourrait juridiquement être considéré comme les œuvres sonores connexes vis-à-vis de la musique. En effet, le CPI protège et reconnaît les œuvres musicales dérivées. Il faut cependant préciser que l’artiste streamer et son live ne font pas l’objet d’une simple exécution d’une oeuvre préexistante. En effet, le montage vidéo du contenu, la façon de jouer, le talent e-sportif, voire la subtilité apportée par les choix du joueur dans des jeux type film interactif permet d’envisager le streamer comme un artiste-interprète d’une oeuvre de l’esprit, qui lui est à la fois propre, et composite, car dérivée du jeu vidéo. 

Tout comme « le disc jokey » ou « DJ’s », qui s’est vu attribuer un statut spécifique par la SACEM pour la protection de son mix, le streamer pourrait donc se voir attribuer un statut particulier pour la composition historique qu’il peut apporter à une œuvre vidéo-ludique.

III – Streamer lambda et joueur e-sport : quelles différences ?

Du simple loisir au véritable métier, le Gaming se popularise en même temps qu’il s’institutionnalise et se diversifie, au point de devenir un véritable business.

En effet, plus le « Gameur » est talentueux, plus il se fait un « nom » (ou un pseudo, disons-le ainsi) dans la sphère publique des jeux vidéo, jusqu’à parfois pouvoir en vivre !

Aussi, pourquoi ne pas allier l’utile à l’agréable ?

On voit aujourd’hui une scission plus ou moins nette entre deux catégories de gamers qui empruntent le chemin du stream : les joueurs professionnels E-sport et les gamers amateurs qui streament leur contenu (attention, un joueur professionnel peut tout à fait, en dehors de ses heures de travail, faire du live-stream pour son compte personnel avec les avantages ci-après présentées).

Les premiers, faisant de leur passion un métier, perçoivent généralement un salaire en contrepartie d’un contrat de travail. Leur rémunération est financée par les revenus dégagés de la participation et du ranking à des tournois et compétitions officielles réglementés, comprenant notamment les paris sportifs gérés par la SSCJ, partenariats, chiffres d’audience, droits de diffusion divers, etc…

Les seconds, en revanche, mènent cette activité à titre de loisir mais peuvent quand même en tirer des revenus, à titre indépendant, notamment grâce aux contrats de sponsoring (s’ils sont assez connus) ou aux dons versés par les viewers du stream (qui s’analysent comme des donations, sauf à ce que le donateur en retire un bénéfice particulier tel un tag ou une dédicace, auquel cas il s’agit alors d’un contrat de prestation de service). 

On citera pour exemple le blaze de Ninja qui, en 2019, a empoché près de 17 millions de dollars grâce à ses partenariats et aux publicités figurant sur ses vidéos et lives…

De quoi donner l’envie aux plus geeks d’entre nous de tenter d’enflammer la Game-osphère !

Attention, toutefois, à ne pas dépasser la ligne rouge : le cheat est un fléau qui ronge nos serveurs, et, si le monde amateur, plus laxiste que l’e-sport dans lequel la triche est formellement interdite et sanctionnée, est dépourvu de mesures véritablement dissuasives, la loi pénale ne permettra néanmoins pas au streamer malhonnête d’en profiter pour dépouiller d’honnêtes spectateurs (Tome 2).

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