Rupture forcée des contrats dans le sport professionnel et droit du travail : quelles sont les limites ?

25 décembre 2021

Rupture forcée des contrats dans le sport professionnel et droit du travail : quelles sont les limites ?

Il est d’usage pour les clubs professionnels d’avoir recours à des CDD lors de recrutement des joueurs. L’article L222-2-3 et L222-2-4 du code du sport prévoit à ce titre que la durée du contrat ne peut être inférieure à douze mois soit la durée d’une saison et ne peut être supérieure à cinq ans.

Les règles spécifiques du contrat sportif font que le contrat peut être rompu avant son échéance par un accord entre l’employeur et le salarié, en cas d’inaptitude constatée par le médecin du travail, en cas de force majeure, de faute grave de la part du joueur ou encore en présence d’une clause libératoire inséré préalablement au contrat.

Mais le fait que le contrat sportif soit différent des contrats de travail habituels, emporte t-il les mêmes règles juridiques en cas de litige ?

Un club professionnel peut-il pousser à la porte un joueur du club, peut-il mettre au placard un joueur s’il refuse de partir ?

De même concernant les joueurs, peuvent-ils refuser de s’entraîner ou de jouer s’ils veulent impérativement changer de club ?

Les litiges entre les parties ayant des répercussions sur le droit des contrats

On a pu observer plusieurs énormément de cas de litiges entre les joueurs et leur club mais certains ont été beaucoup plus populaires et médiatisés que d’autres. Les cas les plus connus sont Ben Arfa avec le PSG ou Mesut Özil à Arsenal.

Dans le premier cas, le PSG a opéré une mise au placard pour Ben Arfa. En effet, le club voulait le transférer alors que celui ci ne voulait pas changer de club allant même jusqu’à lui interdire l’accès au centre d’entraînement du club. Dans un litige qui les mènera jusqu’aux prud’hommes et où le footballeur demande le paiement de 6,3 millions d’euros pour mise à l’écart et perte de chance de prime individuelle. Dans une décision du 16 décembre 2019 le conseil des prud’hommes a tranché et ne donnera rien au joueur.

Dans le second cas, celui de Mesut Özil, le club d’Arsenal a également mis au placard le joueur, mais pour des raisons différentes. En effet, celui-ci a été mis de côté en raison de ses prises de positions politiques au sujet du traitement des Ouïghours. Arsenal avait alors estimé que ces positions faisaient perdre de l’argent au club, et avec donc pris l’initiative de résilier son contrat.

Récemment, Pierre-Emerick Aubameyang a été écarté du groupe d’Arsenal depuis début décembre et s’est vu retirer le brassard de capitaine pour un retard à l’entraînement et le club envisage même la vente du joueur.

Toujours au Paris- Saint-Germain, Layvin Kurzawa est devenu un indésirable dans l’effectif de la capitale et a été totalement mis à l’écart du groupe par le technicien Mauricio Pochettino.

La réponse du droit quant aux obligations liant les parties

L’article 508 de la charte de la ligue de football professionnel dispose que les joueurs professionnels jouissent des droits que leur accorde l’ensemble des dispositions du Code du travail.

Le code du travail ne fournit pas de définition de la mise au placard en revanche, l’article 1194 du code civil dispose que les contrats obligent à ce qui y est exprimé. Le droit français obéit au principe de force obligatoire des contrats ce qui signifie que l’employeur doit fournir au salarié les missions prévues au contrat de travail.

Un arrêt du 14 janvier 2004 de la cour de cassation en ce sens juge que l’employeur qui n’a pas satisfait à son obligation de fournir du travail commet une faute grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail à durée déterminée.

L’autre particularité de cet arrêt est d’avoir admis que le salarié, qui peut valablement opposer à son employeur l’exception d’inexécution pour cesser de respecter ses propres engagements (chambre sociale de la cour de Cassation du 27 octobre 1998) puisse exercer contre son employeur une action en résolution judiciaire du contrat de travail.

Les joueurs professionnels ont la possibilité d’un recours sur le fondement pénal, en effet l’article 222-33-2 du code pénal dispose que le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

Un changement opéré dans les conditions de travail d’un salarié sportif par son club employeur relève soit du pouvoir de direction de l’employeur et la rupture qui s’ensuit à l’initiative du salarié est imputable à ce dernier, soit constitue une modification contractuelle que le salarié peut refuser sans que la rupture du lien contractuel lui incombe, il s’agit d’un arrêt de la cour de cassation chambre sociale du 12 juillet 2007.

Récemment, l’UNFP (syndicat des footballeurs professionnels) s’est déjà opposé à plusieurs reprises à la mise à l’écart de certains joueurs en soulignant que ces joueurs sont donc dans l’impossibilité de fournir la prestation de travail pour laquelle ils ont été embauchés et que ces mises à l’écart sont contraire à la Charte du football professionnel.

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