CA Montpellier, 26 mai 2021 : abus du droit d’agir dans la rupture du CDD spécifique d’un rugbyman

10 juillet 2021

CA Montpellier, 26 mai 2021 : abus du droit d'agir dans la rupture du CDD spécifique d'un rugbyman

Dans les faits, un rugbyman a été condamné au paiement de dommages et intérêt au bénéfice de son ancien club, pour avoir abusé de son droit d’agir dans le cadre d’un litige les opposant à la suite de la rupture d’un commun accord de son CDD spécifique. Dans les faits, ce rugbyman a été embauché par son club en 2011 pour deux saisons de 2011 à 2013. Son contrat de travail a fait l’objet d’une première prolongation pour les saisons 2013 -2014 et 2014-2015 puis une seconde fois pour les saisons 2015-2016 et 2016-2017. Néanmoins, le 22 mai 2015, un avenant de résiliation est réalisé à cette relation de travail à laquelle les parties ont décidé d’y mettre fin au regard de l’article 1243-1 du Code du travail, à savoir de manière anticipée à compter du 30 juin 2015. Les documents de fin de contrat sont ainsi transmis le jour même au joueur. Ce dernier saisit toutefois le Conseil de prud’hommes de Montpellier, considérant que la rupture de manière anticipée n’avait pas eu lieu à sa propre initiative et sollicite de son ancien club le paiement de différentes sommes. Ayant été débouté de sa demande par les juges du fait, il a interjeté appel et souhaite faire reconnaître le caractère abusif de la rupture… pour subir un plaquage des juges d’appel. Voyons ce qui a été retenu.

I – Les modalités de ruptures du CDD spécifique

Comme chacun sait, ou non, la relation de travail mise en place dans le sport professionnel, qu’il concerne un sportif ou un entraîneur, est subordonnée à la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée dit « spécifique », né à l’occasion de la loi n°2015-1541 du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale, elle-même transposée à la suite du Rapport Karaquillo, notoirement connu par les praticiens juridico-sportifs. Ce mécanisme a permis de s’adapter à la spécificité sportive qui, par sa nature temporaire, ne peut contractualiser une relation de travail dans une temporalité indéterminée. C’est donc naturellement que la nature d’un contrat de travail sportif est formalisé par un CDD.

Au regard de l’article L.1243-1 du Code du travail, ces contrats ont la possibilité d’être résiliés de manière anticipée selon 4 modalités :

  1. D’un commun accord ;
  2. Licenciement pour faute grave ;
  3. Cas de force majeure ;
  4. Inaptitude

Cela implique par ailleurs qu’il n’est pas question d’une quelconque possibilité de démission, ce qui consiste en un abus de langage de la part des média sportifs (Ex : les médias ont souvent, à tort, abordé le départ de l’OM de l’entraîneur Andrés Villas-Boas comme résultant d’une démission).

II – L’initiative de l’employeur

Notons également que la notion de l’initiative n’est nullement relevée ici, ce qui est important au regard de la demande du demandeur qui s’appuie sur l’article L.1243-4 du même Code disposant que « la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8. »

A ce titre, la Cour d’Appel de Montpellier considère que la question de l’initiative de la rupture n’a pas d’effet ici. La présente ayant effet de par un commun accord, le versement des dommages et intérêts n’est pas acté et la rupture demeure valable, dès lors que le consentement du rugbyman ne fait pas l’objet d’un vice.

Au surplus, le rugbyman soutient cette initiative de l’employeur considérant qu’ayant été évincé du groupe professionnel (en réalité il participait toujours aux entraînements collectifs et aux préparations physiques), son employeur avait manqué à son obligation de lui fournir du travail. La Cour établit une certaine confusion émanant du demandeur qui confond le maintien au sein du groupe professionnel et la participation aux matchs. Elle considère par ailleurs que le retrait de la feuille de match est une décision purement sportive que les juridictions ne peuvent connaître.

III – Une procédure abusive

Le joueur, à travers la mention de l’avenant de résiliation précisant que l’indemnité de fin de contrat ne sera pas due, a lui-même mis en doute la validité de la résiliation, ce qu’a infirmé la Cour d’Appel. Selon elle, cette mention ne saurait restreindre la validité de l’accord entier, dès lors que l’effet recherché par les parties étaient la rupture du contrat, et non une quelconque transaction.

En outre, la saisine du Conseil de Prud’homme alors que le joueur avait accepté la rupture avec son club, en connaissance de cause de sa situation sportive, sur la base d’une éviction hypothétique alors qu’il s’agissait véritablement d’une absence sur la feuille de match, est considéré comme abusive par la juridiction de Montpellier, qui le condamne à verser la somme de 5 000 € au titre de dommages et intérêts à son ancien employeur. Elle considère ainsi que cette démarche procédurale avait pour but de tromper, ce qui est constitutif d’un abus du joueur de son droit d’agir.

CA Montpellier, 26 mai 2021, n° 17/01237

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