La prise d’acte de rupture du contrat de travail

2 février 2023

Prise d’acte de rupture du contrat de travail

Il existe de nombreuses façons de mettre fin à la relation contractuelle entre employeur et employé. D’aucunes peuvent être prises à l’initiative de l’employeur, tandis que d’autres à l’initiative de l’employé. La rupture peut aussi être envisagée de commun accord entre les parties. Beaucoup moins connue que les autres formes de rupture du contrat de travail, la prise d’acte de rupture du contrat se distingue par un régime juridique particulier qu’il convient d’examiner. Il sera alors question de répondre aux questions : qu’est-ce que la prise d’acte de rupture du contrat de travail ? Quelles sont ses conditions et suivant quelle procédure peut-elle être invoquée ?

Qu’est-ce que la prise d’acte de rupture du contrat de travail ?

Définition juridique de la prise d’acte

La prise d’acte de rupture du contrat de travail est d’origine jurisprudentielle (Cass. soc, 25 juin 2003, n°01-42.335) ; elle a été encadrée par les juges avant d’être insérée dans le Code civil par la loi n° 2014-743 du 1er juillet 2014. La prise d’acte de rupture est un acte de volonté par lequel un salarié rompt unilatéralement son contrat de travail pour des faits particulièrement graves qu’il reproche à son employeur, à effet immédiat et devant être validé par le Conseil de prud’hommes (CPH).

Quatre critères permettent de qualifier une prise d’acte de rupture du contrat de travail.

  • L’initiative de l’employé ;
  • La sanction d’une faute ou manquement grave de l’employeur ;
  • L’effet immédiat ;
  • La validation du Conseil des prud’hommes.

Quelles différences avec les notions voisines ?

La prise d’acte est à distinguer d’autres notions voisines :

  • Licenciement : rupture du contrat à l’initiative de l’employeur.
  • Démission : rupture à l’initiative de l’employé, mais n’exige pas de manquements graves de la part de l’employeur.
  • Rupture conventionnelle : rupture de commun accord entre employeur et salarié.
  • Résiliation judiciaire : se distingue de la prise d’acte dans la procédure.

Quelles sont les conditions d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail ?

La prise d’acte de rupture du contrat de travail permet à un cocontractant de mettre fin à la relation contractuelle si l’autre partie ne remplit pas ses engagements. C’est sur ce fondement qu’un salarié peut rompre son contrat de travail avec son employeur. Les manquements ou fautes de celui-ci doivent alors être particulièrement lourds et graves, de nature à empêcher la poursuite ou la continuité du contrat.

Le Code du travail ne donne pas une définition de la gravité qui doit caractériser la faute de l’employeur. C’est alors la jurisprudence, notamment la Cour de cassation, qui a retenu certains cas comme étant constitutifs de fautes suffisamment grave.

  • Le non-paiement d’heures supplémentaires. (Cass. soc., 16 mars 2011, n° 08-42.218).
  • La modification unilatérale de certaines conditions du contrat de travail, notamment de la rémunération du salarié. (Cass. soc., 18 janvier 2012, n° 10-23.332).
  • Le harcèlement moral d’un supérieur hiérarchique direct (Cass. soc., 12 juin 2014, n° 13-13.951).
  • Le retrait injustifié d’une voiture de fonction (Cass. soc., 16 décembre 2015, n° 14-19.794).
  • Les violences morales ou physiques entre salariés (Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-15.133).

Pour aller plus loin, la Cour de cassation a déclaré que ne sont pas constitutifs de fautes suffisamment graves le retard dans le paiement des salaires, lorsque ce retard n’est pas imputable à l’employeur (Cass. soc., 26 septembre 2012, n° 10-28.242).

Quelle est la procédure à suivre pour une prise d’acte de rupture ?

La procédure de prise d’acte de rupture est ouverte aussi bien aux salariés (en CDI Contrat à durée indéterminée), qu’à ceux en CDD (Contrat à durée déterminée). Toutefois, est exclue cette possibilité durant la période d’essai.

La procédure repose sur 2 étapes :

1- Notifier l’employeur la prise d’acte de rupture

La notification ici ne tient pas à un formalisme particulier. Le but étant de simplement et par tout moyen informer l’employeur de l’intention de faire une prise d’acte. Le salarié peut alors opter de le faire de façon orale ou écrite. Il devra ainsi informer l’employeur des faits qui lui sont reprochés. L’écrit prend alors le nom de lettre de prise d’acte de rupture du contrat de travail.

Il n’est pas obligatoire de réaliser un préavis avant la prise d’acte. Celle-ci entraîne une rupture à effet immédiat, avec suspension de salaire du salarié.

2- Saisir le Conseil de prud’hommes

Après avoir notifié son employeur, le salarié dispose d’un délai d’un an à compter de ladite notification pour saisir le Conseil de prud’hommes. La saisine du CPH a pour effet de demander aux juges d’examiner les faits reprochés à l’employeur et évoqués par l’employé. La charge de la preuve incombe alors à ce dernier, qui devra prouver l’existence de tous les faits qu’il reproche à son employeur ; Article L.1451-1 du Code du travail.

Le juge dispose d’un délai d’un mois pour se prononcer sur la validité de la prise d’acte de rupture du contrat de travail.

Quelles sont les conséquences encourues ?

Passé le délai d’un mois après la saisine du CPH, le juge se prononce sur la validité de la prise d’acte. Il peut alors choix entre deux décisions.

La confirmation de la prise d’acte de rupture : licenciement injustifié

Lorsque le juge confirme la prise d’acte de rupture du contrat de travail, il la re-qualifie en licenciement injustifié et applique toutes les conséquences qui s’imposent. Outre la cessation immédiate et définitive du contrat de travail occasionnée par la prise d’acte, l’employeur a l’obligation de remettre à l’employé un certain nombre de documents relatifs à la fin du contrat :

  • Le certificat de travail ;
  • Le solde tout compte ;
  • L’attestation Pôle emploi ;
  • Les dispositifs de participation, d’intéressement, plan d’épargne salarial, etc.

Il doit également verser au salarié licencié injustement certaines indemnités :

  • Indemnité de licenciement ;
  • Indemnité compensatrice de congé payés et de préavis ;
  • Indemnité pour licenciement injustifié ;
  • Autres sommes dues en cas de rupture du contrat.

Échec de la prise d’acte de rupture : démission du salarié

Lorsqu’après examen des preuves présentées par le salarié, les juges établissent que la prise d’acte de rupture n’est pas justifiée, cette dernière est re-qualifiée en démission du salarié. La re-qualification en démission entraîne le versement d’une indemnité compensatrice de préavis par le salarié au bénéfice de l’entreprise, s’il est établi que sa démission est abusive. Mais le salarié reçoit tout de même une indemnité compensatrice de congé et autres sommes dues en cas de rupture du contrat (épargne salariale, éventuelles primes, etc.).

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