Dans un arrêt du 10 février 2021, la Haute juridiction rappelle le principe selon lequel “la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise”.
Pour mémoire, le licenciement pour motif disciplinaire peut être prononcé pour faute simple, faute grave ou encore faute lourde.
Pour ces deux derniers types de faute, le salarié est en principe privé de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ainsi que de l’indemnité compensatrice de préavis. En effet, depuis la décision du Conseil Constitutionnel du 2 mars 2016 et la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, le salarié licencié pour faute lourde n’est plus privé de son indemnité compensatrice de congés payés.
I. Les conditions de la faute lourde
La Cour de cassation a notamment pu considérer que le salarié avait commis une faute lourde dans le fait :
- de débaucher des salariés de son employeur et de tenter de détourner des clients importants [Soc., 31 mai 2011] ;
- de poursuivre l’occupation des locaux de travail et le blocage de l’accès au site alors qu’ils ont été informés du caractère illicite de leur mouvement par la notification d’une décision de justice ordonnant leur expulsion [Soc., 3 mai 2016].
A contrario, la Haute juridiction n’a pas considéré que le salarié avait commis une faute lourde :
- du seul fait de son niveau de responsabilité dans l’entreprise nonobstant le fait qu’il a pu dénigrer la stratégie tarifaire de celle-ci [Soc., 8 février 2017] ;
- du seul fait de la déloyauté éventuelle d’un salarié [Cass. Soc., 2 février 2011, n°03-14.112].
II. L’arrêt du 10 février 2021 : précision sur la faute lourde
En l’espèce, un salarié recruté en tant que responsable des ressources humaines avait conclu plusieurs contrats avec des clients de son employeur. Le salarié intervenait via l’intermédiaire d’une société conseil dans laquelle il était associé majoritaire, à l’insu de son employeur. Cette intervention a donné lieu à plusieurs factures dont l’employeur ignorait l’existence. Ce dernier a licencié le salarié pour faute lourde.
Le salarié soutenait notamment que la faute lourde n’était pas caractérisée en l’espèce, puisque son intention de nuire n’était pas démontrée et que sa seule déloyauté ne suffisait pas à caractériser la faute lourde.
La Cour de cassation rejette le pourvoi du salarié et considère que la Cour d’appel a justement constaté d’une part, que “la réalité des divers contrats conclus par le salarié par l’intermédiaire notamment de la société STT Conseils dont il était, à l’insu de son employeur, associé majoritaire, avec plusieurs sociétés, clientes ou filiales de la société, ayant généré des facturations ignorées de celle-ci, n’était ni contestable ni contestée et que l’intéressé avait laissé sans réponse la légitime interrogation de l’employeur, qui face à la découverte des fonctions exercées par le salarié au sein des groupements concernés, évoquait à juste titre une situation de conflit d’intérêts” et d’autre part, que “la dissimulation par le salarié de son intérêt personnel dans la réalisation d’opération financière mettant en cause le fonctionnement de la société, constitutive d’un manquement à l’obligation de loyauté, établissait la volonté de l’intéressé de faire prévaloir son intérêt personnel sur celui de l’employeur, a fait ressortir l’intention de nuire du salarié”.
Cette décision semble en adéquation avec la jurisprudence habituelle de la Cour de cassation puisqu’en l’espèce ce n’est pas la seule déloyauté du salarié qui a permis de caractériser la faute lourde de celui-ci, mais bien le conflit d’intérêts cumulé à la volonté du salarié de faire prévaloir son intérêt personnel.