Les “Intelligences Artificielles Génératives” deviennent des outils de plus en de plus utilisés. Les résultats aux demandes qui peuvent être de plus en plus précises et contrôlées posent ainsi la question de savoir si les « résultats » obtenus peuvent être protégés intellectuellement ?
Quelques décisions en la matière admettent l’octroi de protection, mais sous quelques conditions.
La mobilisation du droit d’auteur pour la protection des créations de l’IA
Comme l’ensemble des protection offertes en propriété intellectuelle, le droit d’auteur possède des conditions à respecter. Un point d’honneur est mis sur ces mêmes conditions par les juridictions, du fait qu’elles les apprécient de manière très restrictive.
A. Le principe du droit d’auteur
La première forme de protection possible pour les œuvres d’une I.A. est celle du droit d’auteur.
Le droit d’auteur est une forme de protection exclusive et opposable à tous. Il est attribué à l’auteur de l’œuvre lorsque celle-ci remplie un certain nombre de conditions (empreinte de la personnalité de son auteur, originale et formée/matérialisée). Cette protection offre à l’auteur un bouquet de prérogatives à la fois patrimoniales (monopole d’exploitation) et morales (respect du nom et de la qualité de l’œuvre).
Cependant, pour jouir de cette protection dans le cadre d’une œuvre créée par l’I.A., il faut en plus des conditions pouvoir analyser « qui » est l’auteur de l’œuvre.
Par principe, la notion d’auteur vise une personne physique et non une autre forme de personnalité. Il en découle que la protection par le droit d’auteur ne peut pas être délivrée à une Intelligence Artificielle.
La création venant, à première vue, directement de la machine, il faut alors réfléchir à la manière avec laquelle elle doit être reliée à l’humain afin d’autoriser une forme de protection de l’œuvre.
B. L’IA en tant qu’assistant dans la rédaction : le contrôle de la personne physique sur l’œuvre de l’IA
Une des premières jurisprudences en la matière juge qu’il faut, pour être auteur d’une œuvre générée par une Intelligence Artificielle, avoir le contrôle sur celle-ci.
Pour illustrer, le Tribunal internet de Pékin (Beijing Internet Court) a, le 27 novembre 2023 (décision originale sans traduction) admis qu’une image créée par l’IA soit protégée lorsqu’une personne physique choisit les paramétrages en amont de la création de l’image (images représentées au sein d’un article).
On entend par “paramétrages” l’ensemble des données d’entrée transmises à l’I.A. avant le processus de création.
C’est le choix émis de la personne physique qui va caractériser les conditions d’empreinte de la personnalité de l’auteur.
Ainsi, plus le contrôle sur l’IA Générative sera important, plus l’empreinte de la personnalité de l’auteur le sera également, et de ce fait, il sera plus facile de reconnaître un droit d’auteur sur l’œuvre. Le résultat créé par l’I.A. doit contenir une certaine prévisibilité pour que la création soit considérée comme humaine.
Il en est de même pour les créations littéraires. Seul le fait que l’auteur conserve le plein contrôle du processus de création sur l’œuvre finale est retenu.
Le dépôt de brevet et l’IA
Plusieurs décisions ont été rendues sur la question du dépôt de brevet ayant comme inventeur une I.A..
Tout commence en octobre et novembre 2018, lorsque le Docteur Stephen THALER dépose deux brevets auprès de l’office britannique de la propriété intellectuelle. Dans ces demandes, il est précisé que l’inventeur est son système d’I.A. nommé DABUS (« Device for the Autonomous Bootstrapping of Unified Sentience »).
Via cette demande de dépôt, les différents offices se sont prononcés sur la possibilité de citer comme auteur une I.A., ou à l’inverse ont dû notifier leurs refus avec des justifications.
A. Le refus de déposer une demande de brevet avec comme inventeur une IA
1. Le cas DABUS
Parmi les offices ne souhaitant pas reconnaître cette qualité à une I.A. Générative, on retrouve les offices anglais, européen et américain.
Chaque office va avancer quasiment le même argument afin de justifier leur refus. Cette décision se loge dans la qualité que réserve le Dr. Thaler à l’I.A., celui d’inventeur, en se réservant quant à lui la qualité de déposant. Il reprend ainsi le même mécanisme que celui de l’attribution des droits du salarié à l’employeur.
Cependant, dans le droit anglais, américain comme européen, l’inventeur est nécessairement une personne « physique » ayant apporté une contribution créative sur les points clés de l’innovation. Ces décisions rappellent celle vue précédemment sur le droit d’auteur qui appuie que la qualité d’inventeur procure au titulaire de nombreuses prérogatives (droit moral et patrimonial) qui sont directement reliées à la personnalité juridique de l’auteur. Dans le but de contourner ce principe, le Dr. Thaler soutient qu’étant propriétaire de DABUS, il devient de manière automatique le titulaire des droits générés par le brevet. Toutefois, aucun texte ne prévoit cette possibilité.
2. La récente position de la Chine sur le sujet
Au sein du paragraphe accordant la protection du droit d’auteur sur les œuvres générée par une I.A. était développée une décision du Tribunal de Beijing accordant le droit d’auteur à une personne qui avait été assistée pour générer une image.
Récemment, la Chine a décidé de se prononcer sur la possibilité de déposer une demande de brevet avec comme inventeur déclaré, une I.A..
C’est donc le 6 décembre 2024 que cette information est tombée, non pas à la suite d’une nouvelle décision de justice, mais via le site de l’Office Administratif Chinois de la Propriété Intellectuelle (CNIPA) via la publication de “lignes directrices pour les demandes de brevet relatives à l’intelligence artificielle“(page officielle non traduite en langue française).
Cette dernière, refuse pour le moment d’admettre la possibilité d’accorder le statut d’inventeur aux I.A.. Pour cela, elle y développe la différence entre les inventions assistées par l’IA dont l’attribution du statut d’inventeur est attribuée à une personne physique et les inventions générées par l’I.A. sans contribution humaine qui ne peuvent faire l’objet d’un dépôt. Ces lignes directives ont pour objet d’exposer la politique actuelle d’examen des brevets.
B. Reconnaissance de la qualité d’inventeur à l’Intelligence Artificielle
Au-delà de refus, il existe des offices qui reconnaissent la qualité d’inventeur à l’Intelligence Artificielle, comme l’Office Sud-africain ou encore la Cour Fédérale d’Australie (décision du 30 juillet 2021, Thaler v Commissioner of Patents FCA 879).
Ces offices, pour valider le dépôt, viennent distinguer les notions de propriétaire, d’utilisateur, de titulaire et d’inventeur. Grâce à cette distinction, les offices admettent qu’une entité « non humaine » et « dépourvue de personnalité juridique » puisse être un inventeur.
La décision australienne tenant principalement au respect par le juge de l’esprit de la loi sur les brevets qui promeut l’innovation technologique ainsi que sa diffusion auprès du public. La notion d’inventivité devant primer sur celle d’inventeur.