Gérer votre affaire librement, l’affirmation semble évidente ! Pourtant, dans un monde où la règlementation semble primer sur l’action, la réalité en est tout autre, votre liberté de gestion est limitée.
I. L’affirmation du principe de liberté de gestion
En principe, les entreprises disposent d’une liberté de gestion qui peut s’exercer au travers de leurs choix juridiques et fiscaux. Cette liberté de gestion suppose que l’administration fiscale ne puisse pas remettre en cause un choix exercé par le commerçant sous prétexte que celui-ci lui permet de réaliser une économie d’impôt.
Il s’agit d’un principe de non-immixtion de l’administration fiscale dans la gestion de l’entreprise, qui lui interdit d’apprécier l’opportunité d’un acte de gestion. Dans un arrêt du 15 mai 1961, le Conseil d’Etat a pu affirmer que l’entreprise n’est pas tenue de tirer le maximum de profits des affaires qu’elle traite par rapport aux circonstances. Ainsi, il est impossible de reprocher à une entreprise d’avoir vendu un bien pour un prix inférieur à ce qui aurait pu être obtenu d’un autre client, tant que le prix correspond à un prix normal et ne correspond pas à un prix minoré.
Du point de vue juridique, cette liberté de gestion suppose que l’entreprise puisse choisir le système juridique que celle-ci estime le plus approprié pour son activité. À titre d’exemple, un entrepreneur peut décider d’exercer son activité en nom propre ou sous une forme sociétaire. Puis, dans l’hypothèse où il décide de choisir une forme sociétaire, il pourra librement sélectionner la forme de la société. Dans l’éventualité d’un besoin de financement, il pourra choisir entre le crédit ou une augmentation de capital.
Du point de vue fiscal, cela suppose que l’entrepreneur puisse choisir son régime fiscal, si le choix existe. Ainsi, une entreprise qui achète une machine peut décider de l’amortir de façon linéaire ou selon le mode dégressif. Il est tout à fait possible pour une entreprise exonérée de TVA de décider d’opter pour le paiement de la taxe si l’option lui est ouverte. Ce choix effectué par le contribuable ne pourra ni être corrigé à son initiative ni à celle de l’administration (CE 11-2-1994 n° 117302 : RJF 4/94 n° 388).
Lorsqu’un choix est donné au contribuable, il s’impose à l’administration fiscale qui ne peut pas contester ces décisions de gestion. Le revers de la médaille est qu’une fois exercé, le contribuable ne peut plus revenir en arrière. On dit que le choix est opposable tant à l’administration qu’au contribuable .
Cependant, cette liberté de gestion n’est pas totale. En effet, le droit fiscal a mis en place des limites à cette liberté qui sont laissées à l’appréciation du juge.
II. Les limites à la liberté de gestion
Plusieurs limites ont été posées au fil du temps afin d’encadrer la liberté dans la gestion d’entreprise.
En premier lieu, on retrouve la théorie de l’acte anormal de gestion. L’idée est de venir réprimander les actes qui ont pour résultat d’accorder un avantage à un tiers, sans véritable contrepartie pour l’entreprise et qui atténue par la même le bénéfice imposable de l’entreprise.
En second lieu, il existe également la théorie de l’abus de droit fiscal codifiée à l’article L64 du LPF (Livres des Procédures Fiscales). Cette théorie vise à restreindre le cadre des droits accordés. Elle permet de reprendre la situation d’actes fictifs, de recherche du bénéfice d’une application uniquement littérale des textes ou de décisions prisent à l’encontre des objectifs qui devraient être initialement poursuivis par leurs auteurs. Elle vise donc la dénaturation du caractère des actes inspirés par une motivation d’éluder ou d’atténuer l’imposition. Cette limite fait l’oeuvre de nombreux débats notamment depuis l’avènement de ce qu’on appelle le « mini abus de droit », codifié à l’article L64 A du LPF applicable depuis le 1er janvier 2020.
Enfin, on rencontre une troisième limite qui est celle de la théorie des décisions irrégulières de gestion que l’on appelle également l’erreur comptable délibérée. Une théorie qui permettra à l’administration fiscale de venir contester a posteriori la prise de décision des responsables d’une entreprise, notamment lors d’une procédure de vérification de comptabilité.
En conclusion, méfiance aux divers conseils non professionnels ou aux pratiques qui pourraient vous sembler douteuses. Vous êtes désormais averti du fait que vous n’êtes pas pleinement libre dans votre prise de décision pour votre entreprise. La portée des 3 théories limitantes susmentionnés étant difficile à mesurer, même pour les spécialistes, veillez à être bien conseillé en cas de doute sur l’une de vos opérations.