En matière de fiscalité internationale, l’optimisation principale réside dans le mécanisme des prix de trasnfert. Ceux-ci sont souvent associés en tant qu’antonyme des prix de pleine concurrence (arm’s lengh prices). En effet, en dehors des paradis fiscaux, les États les considèrent souvent comme des transactions entre entreprises associées. L’idée étant pour les entreprises de jouer sur les prix qu’elle pratique afin de réduire sa facture fiscale en utilisant le levier du différentiel des fiscalités étatiques.
Le principe de pleine concurrence et les prix de transfert
L’obligation de pleine concurrence pour toutes transactions effectuées par des sociétés liées est établie dans l’article 9 du modèle des conventions fiscales OCDE, et est reprise par le Code Général des Impôts (CGI, art. 57). Toutefois, afin d’améliorer la marge bénéficiaire, certains groupes de sociétés peuvent être tentés d’effectuer une politique de prix de transfert afin de déclarer plus de bénéfices dans un territoire à fiscalité privilégiée. En cela, la localisation des bénéfices et la différence des taux d’imposition entre les États sont importants dans de telles transactions. En effet, une double démarche est alors effectuée. D’une part, la filiale achète à un prix supérieur à celui du marché des biens et services nécessaires pour ses sociétés sœurs. D’autre part, elle revend lesdits biens et services à ses sœurs mais à un prix inférieur que celui de la pleine concurrence. Toutefois, cette optimisation n’est pas sans risque.
Plusieurs méthodes furent mises en place afin de savoir si le principe de pleine concurrence est respecté s’agissant de transaction entre entreprises liées. En effet, l’administration fiscale peut, dans le cas contraire, imposer les déductions des avantages consentis avec l’article 57 du CGI établissant une présomption de transferts indirects de bénéfices. Ce redressement effectué entraîne alors une double imposition du fait d’un non-remboursement de la part de l’État initial et une imposition supplémentaire par l’État qui redresse la pratique. Néanmoins, il reste important de comprendre qu’un tel redressement est le plus souvent régi par une convention fiscale internationale établie entre les deux pays en question. Le but premier d’une convention fiscale internationale est en effet d’éviter les doubles impositions.
Précision : Au titre des méthodes de fixation du prix, nous trouvons d’une part des méthodes traditionnelles et préconisées par l’OCDE :
- Le prix comparable sur le marché libre, aussi dite méthode directe, avec une méthode sur les transactions (Comparable uncontrolled price)
- Le prix de revente via une méthode sur les marges par le circuit de commercialisation (Resale less)
- Le prix de revient majoré (Cost plus)
D’autres méthodes, appelées méthodes transactionnelles peuvent également être appliquées à défaut des premières. Alors que les méthodes traditionnelles effectuent une comparaison entre les différentes transactions pour déterminer le prix de pleine concurrence, du fait du secret d’affaires entourant les négociations, les méthodes transactionnelles comparent les bénéfices effectués. À ce titre, 2 méthodes peuvent être énoncées :
Une obligation de documentation prix de transfert
La documentation prix de transfert est au cœur des enjeux de l’administration fiscale en cas de redressement d’une entreprise. En effet, l’article L13 AA du LPF énonce une nécessité de justifier la politique de prix de transfert en cas de vérification de comptabilité. Néanmoins ne sont régies par cette obligation que les entreprises appartenant à un important groupe économique et dont l’une des conditions suivantes est réunie. Sont concernées par cela les personnes morales, ou établissements stables, établis en France et dont :
- Le chiffre d’affaires annuel hors taxe ou l’actif brut figurant au bilan est supérieur ou égal à 400 000 000€
- La détention à la clôture de l’exercice, directe ou indirecte, est de plus de la moitié du capital ou des droits de vote d’une entité juridique satisfaisant à l’une des conditions susmentionnées
- Plus de la moitié du capital ou des droits de vote est détenue, à la clôture de l’exercice, directement ou indirectement, par une entité juridique satisfaisant à l’une des conditions mentionnées ci-dessus.
- L’appartenance à un groupe relève du régime fiscal de l’article 223 A du CGI ou de l’article 223 A bis du CGI (cf. régime d’intégration fiscale : Les conditions d’accès au régime d’intégration fiscale) lorsque celui-ci comprend au moins une personne morale satisfaisant à l’une des conditions mentionnées précédemment.
La documentation prix de transfert est composée de 2 fichiers, l’un principal (Master file) avec une description générale du groupe et l’autre local (Local file) contenant les différentes informations de chaque société.
D’autres obligations concernant les prix de transfert :
La déclaration annuelle
Selon certaines conditions d’applications, des obligations déclaratives doivent s’ajouter. L’obligation déclarative annuelle par la liasse 2257-SD doit être effectuée dans les 6 mois de la date limite de dépôt de la déclaration de résultat de l’entreprise établie en France.
Cette déclaration est due si l’une des conditions suivantes est remplie :
- Le chiffre d’affaires annuel hors taxe ou l’actif brut figurant au bilan est supérieur ou égal à 50 000 000€ ;
- La détention à la clôture de l’exercice, directe ou indirecte, est de plus de la moitié du capital ou des droits de vote d’une entité juridique satisfaisant à l’une des conditions susmentionnées
- Plus de la moitié du capital ou des droits de vote est détenue, à la clôture de l’exercice, directement ou indirectement, par une entité juridique satisfaisant à l’une des conditions mentionnées ci-dessus.
- L’appartenance à un groupe relève du régime fiscal de l’article 223 A du CGI ou de l’article 223 A bis du CGI lorsque celui-ci comprend au moins une personne morale satisfaisant à l’une des conditions mentionnées précédemment.
Toutefois, une exception de ladite obligation est faite aux sociétés n’effectuant pas de transaction avec des entreprises liées établies à l’étranger ; ou lesdites transactions ne dépassent pas 100 000€.
Cette déclaration annuelle est une version allégée de la documentation prix de transfert et donc comprend des informations générales sur le groupe d’entreprises associées et des informations spécifiques sur l’entreprise déclarante. Le défaut de production, ou production tardive entraîne une amende de 150€ par document administratif non fourni. En parallèle, en cas d’omission ou d’inexactitude, une amende de 15€ pour chacune d’elles est due (CGI, article 1729 B)
La déclaration pays par pays
L’obligation de reporting, ou country-by-country reporting (Cbcr), est introduit par l’action 13 du BEPS et est issue en France de la Loi de finances de 2016 (CGI, article 223 quinquies C). Actuellement, elle est à l’ordre du jour au niveau de l’Union européenne avec l’adoption d’un accord entre le Conseil de l’UE et le Parlement européen. Le Cbcr, au contraire de la déclaration, peut être déposé jusque dans les 12 mois suivant la clôture de l’exercice.
Cette déclaration, complétant ainsi la trilogie de l’obligation documentaire, permet la répartition des fonctions du groupe dans les pays où il est implanté. Cette obligation n’est nécessaire que si les filiales ou succursales étrangères détenues par une société mère réalisent un chiffre d’affaires consolidé supérieur ou égal à 750 000 000€. L’obligation légale (CGI, annexe III, article 46 quater 0 YE) induit une déclaration 2258-SD si la société mère n’est pas française ou que l’entité étrangère n’est pas soumise à ladite obligation. Une transmission par voie électronique est nécessaire dans les États où ladite entité est implantée. Le défaut de production est d’ailleurs sanctionné par une amende a minima de 100 000€ (CGI, article 1729 F).
Enfin, il est à noter que même si les conventions fiscales internationales disposent de procédure amiable, une procédure d’arbitrage est également prévue au niveau européen concernant cette double imposition. La procédure d’arbitrage fut instaurée par une convention multilatérale du 23 juillet 1990 et non pas une directive. Cette dernière nécessitant un accord unanime par les États membres, cela montre l’enjeu significatif entourant la notion des prix de transfert. Cet espace normatif est d’ailleurs suppléé d’un Forum conjoint sur les prix de transfert. Un tel forum permet de rassembler acteur privé et administrations fiscales afin d’apporter des solutions à ce sujet épineux (cf. article 2 : les montages de prix de transfert).