D’après le syndicat de Bercy Solidaires Finances Publiques, le montant de la fraude fiscale s’élèverait chaque année à environ 100 milliards d’euros. Un chiffre colossal qui justifie les moyens importants dont bénéficie l’administration fiscale pour lutter contre la fraude. Parmi ces moyens, l’un des plus impressionnants et redoutés, est la procédure de visite et saisie domiciliaire, plus communément appelé perquisition fiscale. La perquisition fiscale est une mesure d’instruction de nature civile permettant à l’administration fiscale de démontrer une éventuelle fraude de la part d’un contribuable. Il s’agit d’une procédure très intrusive et attentatoire aux droits du contribuable, qui est donc encadrée par des règles très strictes, décrites à l’article L 16 B du Livre des procédures fiscales. Ces dernière années, le nombre de perquisition fiscale a diminué, mais ce sont tout de même près de 200 perquisitions par an qui sont réalisées.
Quand est-il possible pour l’administration d’avoir recours à une perquisition fiscale et quels sont ses pouvoirs ?
La perquisition fiscale est susceptible de s’appliquer dès lors qu’il existe des présomptions de fraude en matière de taxes sur le chiffre d’affaires, d’impôt sur les sociétés et d’impôt sur le revenu. C’est une mesure d’instruction d’exception à laquelle l’administration fiscale ne recours que lorsqu’elle estime que c’est le seul moyen d’obtenir les preuves nécessaires à constater une fraude. La perquisition fiscale peut avoir lieu avant ou après une vérification de comptabilité, notamment lorsque l’administration estime que certaines informations lui sont dissimulées.
Chaque perquisition fiscale doit préalablement être autorisée par une ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention (JLD) sur demande de l’administration fiscale. Il n’est pas nécessaire de démontrer l’existence d’un élément intentionnel de la part du contribuable pour obtenir l’autorisation du JLD.
Lors d’une perquisition fiscale, l’administration bénéficie de prérogatives très importantes lui permettant d’avoir accès à tous les documents et pièces utiles qui peuvent attester de la réalité des infractions présumées.
La perquisition fiscale peut se dérouler en tout lieux, mêmes privés (siège social, locaux secondaires, entrepôts, domicile du dirigeant …) entre 6 heure et 21 heures. Elle doit être effectuée par les agents des impôtshabilités, en présence d’un officier de police judiciaire, ainsi que de l’occupant des lieux, de son représentant ou, à défaut, de deux témoins indépendants.
Peu importe le support des documents et des pièces, s’ils sont susceptibles de se rapporter à des agissements frauduleux, l’administration est en droit de les consulter. Durant la perquisition fiscale, l’administration aura même la faculté de dresser des inventaires des marchandises ou d’exiger la communication des codes et mots de passe informatiques.
La jurisprudence est également venue préciser que rien ne pouvait interrompre ou ralentir une perquisition fiscale, peu importe que le contribuable ait eu le temps de lire l’autorisation du juge ou d’appeler un avocat (Cass. com. 1er mars 2017, 15-26.654, publié au bulletin).
À l’issue de la perquisition, les différents agents ont la possibilité de poser des questions et de démarrer des auditions, toutefois, nul n’est tenu d’y répondre.
Quels sont les droits et recours du contribuable à l’issue d’une perquisition fiscale ?
Une fois la perquisition achevée, un procès-verbal reprenant le déroulé de l’opération, les constations effectuées et les différents éléments relevés par l’administration fiscale est dressé. Le procès-verbal doit être signé par les agents des impôts, l’officier de police judiciaire et l’occupant des lieux. Si le contribuable est en désaccord avec le procès-verbal, il n’est pas tenu de le signer et peut y inscrire les points de divergences. En principe il n’est pas possible de lui refuser d’inscrire ces remarques et si tel est le cas il est nécessaire d’en avertir le juge ayant ordonné la perquisition.
Concernant les pièces pouvant être relevées par l’administration fiscale, il existe une limite : certains documents sont protégés par le secret professionnel. Cela concerne notamment les consultations adressées par l’avocat à son client perquisitionné, leurs correspondances, et même les factures d’honoraires, dès lors qu’elles sont jointes à une correspondance d’avocat (Cass. com. 4 mars 2020 n°18-19632).
Pour finir, il est toujours possible pour le contribuable de contester la perquisition fiscale dont il a fait l’objet.
Depuis un arrêt de la CEDH datant de 2008 (CEDH, 21 févr. 2008, n° 18497/03, Ravon c/ France) le contribuable dispose d’une double voie de recours. Le contribuable a la faculté de diriger son recours soit contre l’ordonnance du JLD ayant autorisé la perquisition fiscale, soit contre le procès-verbal établi à l’issue de l’opération. Ces voies de recours consistent en un appel non suspensif devant être sollicité dans les 15 jours suivant la remise ou la signification de l’ordonnance et des procès-verbaux. Il est ensuite possible de se pourvoir en cassation.
En pratique, suite à une perquisition fiscale, il est recommandé d’interjeter appel. En effet, cela permet au contribuable d’obtenir les pièces présentées par l’administration à l’appui de sa demande de perquisition. En dehors de cette procédure, l’administration fiscale n’a pas l’obligation de communiquer ces pièces.
Dans l’hypothèse où l’ordonnance d’autorisation serait annulée, aucune des pièces recueillies lors de la perquisition fiscale ne pourra être exploitée.