En France la collecte de l’impôt repose sur un processus déclaratif suivi de facto d’un contrôle a posteriori de l’Etat sur les déclarations fiscales des contribuables. Cependant, depuis quelques années, les affaires de fraude fiscale ne cessent de faire la une de nos actualités. D’abord par le scandale des « Panama Papers » et plus récemment par la condamnation de la Cour d’appel de Paris des époux Balkany, le délit de fraude fiscale continu de faire couler de l’encre.
L’infraction de fraude fiscale… une notion réprimée par le Code pénal
Pour lutter contre l’infraction de fraude fiscale, l’instauration en 2013 du Parquet National Financier a permis d’« organiser un partenariat entre l’administration et la justice ». Notons également que les personnes physiques tout comme les personnes morales, peuvent être condamnées pénalement pour fraude fiscale. Cependant, qu’est-ce que la fraude fiscale ?
L’article 1741 du Code général des impôts (CGI) défini le délit de fraude fiscale comme le fait de se soustraire ou tenter de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts prévus par le Code.
Attention : La notion de fraude fiscale ne doit pas être confondue de celle de l’évasion fiscale. L’évasion fiscale consiste à contourner ou à diminuer l’impôt en bénéficiant des dispositions fiscales.
A travers l’article 1741 du CGI, le législateur détermine une liste non limitative des formes pouvant caractériser la fraude fiscale conduisant à une peine pénale :
- La fraude fiscale pénalement répréhensible pour avoir volontairement omis de réaliser la déclaration d’impôt dans les délais prescrits.
La principale omission de déclaration porte sur le chiffre d’affaires ou les revenus afin de se soustraire à l’impôt. Une fois l’omission constatée par l’administration, cette dernière peut soit remédier à cette situation ou soit engager une action en justice contre l’intéressé devant le tribunal correctionnel pour fraude fiscale.
2. La fraude fiscale caractérisée par la dissimulation volontaire des sommes sujettes à l’impôt
Les sommes sujettes à l’impôt sont toutes les sommes susceptibles de tomber sous le coup de l’imposition. De ce fait, la dissimulation des sommes pour caractériser la fraude fiscale doit être volontaire et devra excéder le seuil de tolérance légale de 153 euros ou du dixième de la somme.
En ce qui concerne les formes de la dissimulation, « l’administration fiscale indique que la dissimulation peut porter notamment : sur les bénéfices, soit que le chiffre d’affaires ou les recettes professionnelles aient été minorés, soit que les charges ou les dépenses aient été abusivement augmentées ; sur le revenu net global, soit que le revenu brut ait été atténué, soit que les charges déductibles aient été majorées ; sur les recettes passibles des taxes sur le chiffre d’affaires ; sur certains éléments de nature à être indirectement pris en compte pour l’octroi de régimes fiscaux particuliers. ».
3. L’organisation par le fraudeur fiscal de son insolvabilité
Il peut s’agir pour le fraudeur fiscal soit de soustraire ou tenter de soustraire les biens pouvant faire l’objet de poursuites en recouvrement de l’impôt, ou soit d’organiser son insolvabilité à travers notamment : une donation de tous biens immobiliers mais aussi des parts sociales à un enfant de bas âge. Néanmoins, il est opportun de préciser que la jurisprudence en la matière reste rares tout comme les poursuites engagées pour ce chef d’accusation.
4. Les autres agissements délictueux de la fraude fiscale
Ce dernier chef d’accusation est en réalité une ouverture offerte par le législateur afin de ne pas cantonner une énumération limitative de la fraude fiscale. Ainsi, il sera plus simple de rentrer dans le champ d’application de la fraude fiscale de tous les faits de soustraction ou de tentative de soustraction à l’établissement ou au paiement de l’impôt.
En revanche, ladite formulation a conduit à des interrogations concernant sa conformité au principe constitutionnel de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui impose au législateur de fournir en des termes suffisamment clairs et précis des infractions, et ce, afin de supprimer l’arbitraire du juge. Bien que la Cour de cassation ait été saisie de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, la Haute juridiction française a refusé de l’adresser au Conseil constitutionnel au motif que « la question posée ne présente pas un caractère sérieux, l’article 1741, alinéa 1er, du code général des impôts étant suffisamment précis en ce qu’il incrimine toute autre manière frauduleuse, visant ainsi tout procédé tendant à se soustraire intentionnellement à l’établissement et au paiement de l’impôt. » (Crim. 22 sept. 2010, n° 10-82.148).
Les éléments constitutifs et le régime répressif du délit de fraude fiscale
Les éléments constitutifs du délit de fraude fiscale sont caractérisés par son élément matériel et moral.
L’élément matériel du délit de fraude fiscale :
L’élément matériel de l’infraction de fraude fiscale défini à l’article 1741 du CGI est constitué dès lors que l’auteur a procédé à une soustraction ou a tenté de se soustraire à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés. De part sa portée générale, tous les impôts et taxes sont concernés.
Dans la pratique, les fraudes fiscales les plus sanctionnées et poursuivies pénalement sont « le défaut de déclaration des revenus, de bénéfices ou de chiffres d’affaires assujettis aux impôts et taxes » sans oublier « les retards significatifs et répétés dans le respect des obligations déclaratives et les dissimulations de bases imposables. ».
L’élément moral du délit de fraude fiscale
Pour commettre le délit de fraude fiscal prévu par l’article 1741 du CGI, en plus de l’élément matériel, l’élément moral de l’infraction doit être constitué.
On entend par l’élément moral, que la soustraction à l’établissement ou au paiement de l’impôt soit intentionnelle.
En vertu des dispositions de l’article L. 277 du livre des procédures fiscales « la preuve du caractère intentionnel de l’infraction incombe au ministère public et à l’administration » (Crim. 25 mai 1987, n° 85-95.191). Par conséquent, la fraude fiscale ne peut pas être caractérisée si la preuve de l’agissement délibéré du contribuable n’est pas apportée.
La peine encourue pour l’infraction de fraude fiscale
Enfin, le délit de fraude fiscale est réprimé par une peine d’emprisonnement de 5 ans et d’une peine d’amende de 500 000 euros.
Si l’infraction a été commise en bande organisée, la peine de fraude fiscale passe à 7 ans d’emprisonnement accompagnée d’une peine d’amende de 3 millions d’euros.