La Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) est un organe indépendant chargé de surveiller les comptes des clubs de football français. A ce titre, la DNCG fait parler d’elle en régulant fréquemment les transferts de joueurs. Qui est-elle, comment fonctionne t’elle, et pourquoi les clubs tremblent devant-elle ?
Le but de la création de la Direction Nationale du Contrôle et de Gestion
Quand a été créée la DNCG ?
La Direction nationale de contrôle et de gestion (DNCG) a été créée en 1984 à la suite d’une loi du 16 juillet de la même année, désormais inscrite au sein de l’article L.132-2 du Code du sport disposant que : “Les fédérations qui ont constitué une ligue professionnelle créent un organisme, doté d’un pouvoir d’appréciation indépendant, assurant le contrôle administratif, juridique et financier des associations et sociétés sportives participant aux compétitions qu’elles organisent”.
Sa création fait suite à l’épisode de la caisse noire de l’AS Saint-Étienne qui a permis à ce dernier de conserver les meilleurs joueurs de l’époque au sein du club comme Gérard Janvion, Michel Platini ou encore l’entraîneur de la fameuse épopée verte de 1976 en Coupe d’Europe des clubs champions, Robert Herbin. A titre purement indicatif, une caisse noire constitue une réserve d’argent généralement illicite, permettant de financier des actes prohibés.
Quel est l’objectif de la DNCG ?
L’objectif de la DNCG est d’assurer la longévité et la durabilité des associations et sociétés sportives. L’idée de cette structure étatique est de “favoriser le respect de l’équité sportive et de contribuer à la régulation économique des compétitions. »
Initialement, cette DNCG avait pour dessein de vérifier la sincérité des comptes de chaque club professionnel. Concernant le contrôle de la gestion des clubs amateurs, la DNCG qui aux prémices de sa création se voyait confier cette mission de contrôle seulement vis-à-vis des clubs professionnels, a vu sa mission être étendue aux clubs amateurs. Le Conseil d’État a, en effet relevé que la loi instituant cette DNCG n’interdit aucunement d’organiser le contrôle de la gestion des clubs amateurs.
L’objectif principal découlant de l’article susmentionné est donc d’empêcher les clubs de s’inscrire à des compétitions pour lesquelles ils ne bénéficient pas de moyens financiers requis et d’éviter ainsi que la disparition de l’un d’entre eux durant le championnat pour les raisons susmentionnées, affecte le déroulement loyal et régulier des épreuves. Pour reprendre, les termes de l’avocat à la Cour, spécialiste en droit du sport, Thierry Granturco, l’objectif initial était de s’assurer qu’un club qui s’engage dans le championnat n’implose pas en plein vol, c’est-à-dire que le club qui commence le championnat soit capable financièrement de le terminer.
De ce fait, la DNCG sanctionne les clubs ne répondant pas aux exigences financières, juridiques imposées par le règlement fédéral. Ces décisions sont contresignées par le comité exécutif de la « trois F » selon l’expression de certains spécialistes, ce qui remet en cause d’une certaine manière son indépendance. Ce comité exécutif peut tout à fait outrepasser la décision de la DNCG comme l’illustre parfaitement l’exemple du Mans en 2011/ 2012 où la FFF contre la décision rendue par la DNCG avait décidé de maintenir le Mans en Ligue 2.
Toutefois, il convient de rappeler que cette DNCG ne possède pas de personnalité morale distincte, elle n’est pas sujet de droit. En effet, le Conseil d’État s’est penché sur la nature des relations entre la DNCG et la Fédération Française de Football. Dans un litige impliquant la société Football Club Sochaux Montbéliard SA et l’association Football Club Sochaux Montbéliard, les juges avaient considéré que la lettre de l’article L 132-2 du Code du Sport attribuant « un pouvoir d’appréciation indépendant » à la DNCG, démontrait la volonté du législateur avait accordé une autonomie structurelle à cette dernière. Par conséquent, les décisions de la DNCG seraient dispensées de la procédure de conciliation de même que du pouvoir de révision de l’entité fédérale. Toutefois, la juridiction suprême de l’ordre administratif français, n’a pas suivi l’avis des juges du fond. Le Conseil d’État a estimé que la DNCG constitue un organe interne de la fédération. Malgré l’octroi par la loi d’un pouvoir d’appréciation indépendant, elle ne lui confère pas pour autant la personnalité morale et de ce fait ses décisions constituent des actes fédéraux soumis à la procédure de conciliation conformément à l’article L 141-1 du Code du sport.
De plus, la DNCG se charge du contrôle et de l’évaluation des projets, d’achat, de cession et de changement d’actionnaires des sociétés sportives ainsi que du contrôle financier de l’activité des agents sportifs. Ce contrôle a été parfaitement illustré cet été avec la reprise du club des Girondins de Bordeaux par l’ancien propriétaire du LOSC, Gérard Lopez suite au départ du fond d’investissement américain King Street.
En ce qui concerne les possibilités d’appel d’une décision de la DNCG, de multiples recours sont possibles. Dans un premier temps, il est possible de faire appel de ces décisions devant la Commission d’appel siégeant à la FFF dans un délai de 6 jours suivant la date d’envoi de ladite décision. Cette Commission d’appel est composée de :
- 5 membres proposés par la Fédération Française de Football (FFF) dont 2 experts-comptables au moins,
- 5 membres proposés par la Ligue de Football Professionnel (LFP) dont 2 experts-comptables au moins
- 2 membres proposés par la Ligue de football amateur (LFA)
Par ailleurs, il est possible pour un club de former un recours devant le CNOSF, comme susmentionné, qui rend par la suite une proposition de conciliation qui sera acceptée ou refusée par le Conseil fédéral de la FFF. Enfin, il est possible de se pouvoir devant le tribunal administratif statuant soit en référé dans un délai court, soit au fond dans un délai plus long.
La DNCG dispose de ce fait d’un large panel de sanctions plus ou moins coercitives. Un règlement établi par la FFF donne compétence à la DNCG de prendre des sanctions à différents niveaux. Ce règlement établi au sein de son article 11 les différentes dispositions que peut prendre la DNCG comme par exemple l’interdiction de participation d’un club à une compétition, un retrait de points, une amende ou encore une rétrogradation en division inférieure… Compte tenu de la marge de manœuvre importante laissée à l’organisation de gestion des clubs, le juge opère de ce fait un contrôle à la fois restreint et proportionné des sanctions infligées aux clubs en cessation de paiement. A chaque fois qu’une sanction est prononcée par la DNCG à l’encontre d’un club, cette dernière se doit de justifier le quantum de ladite sanction au regard des risques que pouvait faire courir la situation financière du club sur le bon déroulement du championnat. De ce fait, la DNCG n’est pas à l’abri de voir ses décisions entachées d’une erreur de droit ou encore d’une erreur manifeste d’appréciation.
Gros plan sur la rétrogradation des clubs en division inférieure : un pouvoir exorbitant justifié par le déroulement loyal des épreuves sportives
Le contentieux relatif à la contestation de la sanction susmentionnée est riche en affaires. Le Conseil d’État a dû à de nombreuses reprises se prononcer sur la licéité de la sanction. En effet, dans de nombreuses affaires les clubs se voyant infliger cette sanction, contestent sa légalité dans la mesure ou l’article 1 de la loi du 25 janvier 1985 (aujourd’hui article L 631-1 du Code du commerce) élève le redressement de l’entreprise au rang d’objectif essentiel de toute procédure collective. Le raisonnement des clubs partait du postulat suivant : la descente en division inférieure entrainant naturellement une diminution des recettes alors que les charges elles ne baissent pas. En effet, la rétrogradation diminue le rayonnement des clubs, les diverses sources de recettes telles que la billetterie, la vente de maillots ou encore le patrimoine même du club avec la baisse de valeur des joueurs du club. Ainsi, cette sanction au lieu de favoriser le redressement, entrainerait sa liquidation judiciaire synonyme de mise à mort. A fortiori, les offres des candidats repreneurs seraient sensiblement différentes selon la division dans laquelle devrait évoluer le club la saison suivante. Chose que les dirigeants actuels de l’AS Saint Étienne ont bien compris !
Toutefois, le Conseil d’État a admis que compte tenu du fait que le déroulement loyal des épreuves constitue l’apanage de la fédération et de la ligue professionnelle par les articles L 131-14 et suivants du Code du sport, elle doit naturellement user leurs prérogatives afin d’assurer cette mission. La rétrogradation des clubs en cessation de paiements en division inférieure s’inscrit dans les prérogatives indispensables pour assurer l’intégrité du championnat. Toutefois, l’usage de cette sanction doit être en accord avec le respect des objectifs propres à la procédure de redressement judiciaire. Ainsi, le Conseil d’État a estimé que même si la rétrogradation d’un club en division inférieure influe irrémédiablement sur le redressement judiciaire d’un club, cette mesure ne remet pas en cause la possibilité d’établir un plan de sauvegarde du club. De ce fait, elle influe simplement sur le montant de la reprise mais en aucun cas sur le principe de la cession. Il est nécessaire de comprendre que le Conseil d’État use par ailleurs d’un raisonnement à contrario dans le sens où il justifie sa décision par la nécessité d’éviter qu’une éventuelle dégradation financière d’un club en situation de cessation de paiements conduise à la liquidation judiciaire en cours de saison l’empêchant de participer aux autres rencontres. Dans le cas où cette situation se produirait, une annulation des résultats serait de mise et aurait pour effet de fausser complètement le déroulement du championnat ainsi que son issue. Au demeurant, pour le Conseil d’État ce type de règlement permet d’empêcher un club d’obtenir des résultats sportifs satisfaisants en utilisant contrairement aux clubs concurrents des moyens financiers totalement en déconnexion avec ses propres ressources. Pour conclure, l’objectif d’un déroulement loyal des épreuves sportives justifie des règlements exceptionnels si les moyens mis en œuvre demeurent proportionnés au dessein légitime poursuivi.
La responsabilité de la fédération en cas de faute de la DNCG :
Il est important de mentionner que les décisions de la DNCG ne sont pas à l’abri d’être entachées d’une erreur de droit, d’un détournement de pouvoir, d’une erreur manifeste d’appréciation permettant au juge administratif d’en prononcer l’annulation. Ainsi, il est tout à fait possible pour un club ayant subi un certain préjudice du fait de la décision illicite, d’en demander la réparation auprès de la fédération qui pour rappel est l’organisme de rattachement de la DNCG.
La DNCG et le fair play financier :
Comme le dispose l’article 11 du règlement de la Direction Nationale du Contrôle de Gestion, la DNCG doit « donner son avis sur le respect des critères d’octroi de la licence « UEFA ». L’UEFA depuis 2004 a mis en place un dispositif de régulation économique de ses compétitions. En effet, les clubs qualifiés pour les compétitions européennes doivent, afin de participer à ces compétitions, obtenir une licence délivrée par l’UEFA. Cette licence est attribuée aux clubs remplissant plusieurs critères non sportifs notamment celui du « fair play financier ». Ce dispositif exige que les clubs présentent un équilibre financier sur une période de 3 ans tout en limitant les ressources issues des apports financiers de leurs actionnaires. L’objectif est de contrôler la rentabilité des clubs et à leur interdire de financer leurs pertes par le recours aux augmentations de capital et apport en compte courant de leurs actionnaires. Ainsi, la DNCG se charge du contrôle de la conformité des clubs aux critères imposés par l’UEFA.
Qui sont ses membres ?
D’un point de vue purement organique, la DNCG est composée d’une commission de contrôle des clubs professionnels, d’une commission fédérale de contrôle des clubs, des commissions régionales de contrôle des clubs et d’une commission d’appel étudiée antérieurement.
La DNCG est composée :
- 6 membres proposés par la FFF dont 4 experts-comptables au moins,
- 5 membres proposés par la Ligue de football amateur dont 3 experts-comptables au moins,
- 3 membres proposés par la Ligue de Football Professionnel (LFP) dont 2 experts-comptables au moins,
- 2 membres proposés par l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP),
- 2 membres proposés par l’Union national des éducateurs et cadres techniques de football (UNECATEF)
- 2 membres proposés par le Syndicat national des administratifs et assimilés du football (SNAAF).
Globalement le bilan de cette DNCG est plutôt une réussite malgré quelques épisodes sombres comme celui de Luzenac. La DNCG a permis d’assurer une certaine stabilité financière dans le football français et son rôle de gendarme financier constatable lors du mercato estival démontre sa réactivité face aux nombreux échanges financiers. Cette DNCG a permis de ne pas avoir des situations similaires à celles que connait actuellement le FC Barcelone avec sa dette abyssale…