Comment le FC Barcelone a-t-il pu laisser partir Messi ? Les raisons de la non-prolongation de l’argentin

14 août 2021

Comment le FC Barcelone a-t-il pu laisser partir Messi ? Les raisons de la non-prolongation de l’argentin

Coup de tonnerre sur la planète football, Lionel Messi quitte le FC Barcelone après 20 ans de bons et loyaux services et signe libre au PSG. Aussi invraisemblable soit elle, cette situation nous amène à nous interroger : comment une institution du football mondial comme le FC Barcelone peut-elle échouer à prolonger le meilleur joueur de l’histoire, alors même que ce dernier souhaitait prolonger ? 

Le foot business n’a pas que des bons côtés, l’agonie financière du FC Barcelone en est le parfait exemple. Retour sur un naufrage structurel et financier qui a conduit à la fin de l’histoire d’amour entre Messi et le club catalan. 

I – Les problèmes financiers du FC Barcelone pointés du doigt 

C’est la fin d’une aventure de 21 années entre la Pulga et son club de toujours. Bien que libre de tout lien contractuel et officiellement agent libre depuis le 1er juillet, Messi était en pleine négociation avec le club catalan. 

L’Argentin était même prêt à faire de gros effort financier, au point de baisser son salaire de 50%. Le club catalan et le clan Messi avaient trouvé un accord, avec une intention claire des deux parties de signer rapidement ce nouveau contrat, mais rien n’y fait… Dans un communiqué du 5 août, le FC Barcelone a annoncé que la relation contractuelle entre Lionel Messi et le club était définitivement terminée.

Comment expliquer un tel revirement de situation ? La situation financière du club catalan est-elle si catastrophique ? 

  • 2017 : Bien que la situation institutionnelle du club ait commencé à se dégrader depuis plusieurs années, le naufrage financier du club commence dès 2017 suite au départ de Neymar. Ce dernier est parti pour 222 millions d’euros comptant, le club n’était donc pas en ruine. Le président de l’époque, Josep Maria Bartomeu, avait toutes les cartes en main pour remplacer le vide laissé par le Brésilien, mais il a préféré flamber toutes ses économies : 145 millions pour Coutinho, 130 millions pour Dembélé, 40 millions pour Paulinho. La masse salariale augmentait de 200 millions d’euros en un été… 
  • 2019 : Pour un club avoisinant le milliard de chiffre d’affaires, les bénéfices de 4,5 millions d’euros semblent dérisoires. Pourtant, le club a trouvé les moyens de recruter Antoine Griezmann pour 120 millions d’euros. Ce transfert a conduit à une masse salariale hors de contrôle, une explosion des amortissements annuels et une inflation de la dette du club. 
  • 2020 : Les revenus extraordinaires du club catalan lui permettaient de maintenir le cap et les mettaient à l’abris des restrictions du fair-play financier et du salary cap de la Liga. Cependant, la pandémie de la Covid-19 a mis à mal les plans des barcelonais puisque le club a enregistré une perte de 97 millions d’euros au terme de la saison 2019/2020…
  • 2021 : Laporta arrive à la tête du club avec pour objectif de prolonger Messi, mais en vain. Il rapporte que la situation est bien pire que ce à quoi il s’attendait… Le club a enregistré une perte de 487 millions d’euros au terme de la saison 2020/2021 et cumulerait un peu plus d’un milliard d’euros de dettes. La masse salariale dépasse désormais les revenus de 10% tandis que le salary cap imposé par la Liga n’est pas respecté. 

II – Les obstacles économiques et structurels de la Liga comme responsable ? 

Tous les championnats professionnels de football règlementent leur compétition nationale à travers différents règlements. La Liga de Fútbol Profesional (la Liga) n’échappe pas à la règle et est règlementée notamment par le Règlement de contrôle économique des Clubs et Sociétés Anonymes Sportives (SADS). 

En établissant les règles de supervision et de contrôle financier applicables aux clubs et aux SADS participant aux compétitions organisées par la Liga (en coordination avec la Fédération royale espagnole de football), ce règlement poursuit des objectifs clairs. Il renforce la solvabilité des clubs et SADS, améliore la capacité économique et financière des participants, accroît la transparence et la protection des créanciers en garantissant le paiement en temps voulu de leurs dettes ; et promeut une plus grande discipline des finances des clubs de football. 

Parmi les principales règles de ce texte, on retrouve une sorte de salary cap, contraignant les clubs et SADS à avoir une masse salariale qui ne dépasse pas 70% de leur chiffre d’affaires. Pour définir la masse salariale des clubs, la Liga retient un critère basé sur la différence entre les revenus du club et les dépenses dérivées de la masse salariale des joueurs, ce calcul permet ainsi d’obtenir le plafond salarial. À noter que ce dernier comprend les salaires de la première et de la deuxième équipe du club, des entraîneurs et les amortissements annuels des joueurs (point 3 de l’annexe I du règlement susmentionné). 

Précisons que l’amortissement des joueurs accroit lourdement la masse salariale des clubs de Liga. En effet, lorsqu’un club ou une SAD achète un joueur, le prix du transfert est réparti sur les années du contrat de ce dernier. Pour illustrer, si un joueur signe pour un montant de 100 millions d’euros avec un contrat de 5 ans, alors l’amortissement représenterait une dépense de 20 millions d’euros par saison. 

Que se passe-t-il en cas de dépassement de la limite salariale en Liga ? 

Le règlement de la Liga prévoit une règle très spéciale en cas de dépassement de la limite salariale : quand un club dépasse la masse salariale maximale établie, il ne peut dépenser que 25% des revenus enregistrés. Illustration : si le FC Barcelone vend un joueur 100 millions d’euros, il ne pourra en dépenser que 25 ; inversement, si le club veut recruter un joueur 25 millions d’euros, alors il doit trouver 100 millions en transferts ou en économies salariales. Schématiquement, tout euro dépensé devra être compensé par l’obtention de quatre euros. 

Dans ce cas, le FC Barcelone avait le choix entre plusieurs solutions : 

  • Soit le club se séparait des gros salaires : on pense notamment à Griezmann, Coutinho, Dembélé, Sergi Roberto, Pjanic ou Umtiti… Cependant, faute d’avoir amortis certains joueurs, les Blaugranas n’en tirerait que des bénéfices moyens, voire des pertes. Ainsi, pour Griezmann, il faudrait obtenir 78 millions d’euros minimum.
  • Soit le club vendait les joueurs les plus « bankable » : on pense ici à Pedri ou à Ansu Fati notamment. Or, le club n’a jamais considéré cette solution. 
  • Soit le club baissait les salaires et réduisait donc sa masse salariale : le club a trouvé un accord avec plusieurs joueurs, mais il a également connu quelques difficultés avec d’autres (puisqu’ils se retrouvent en position de force face aux dirigeants). Or, Juan Laporta, président du FC Barcelone, n’a pas réussi à faire passer son projet de réduction salariale auprès des poids lourds du vestiaire.  

Dos au mur, le club catalan a failli et n’a pas réussi à mettre en place une des trois solutions pour pouvoir prolonger Messi. 

III – Le problème de salary cap était-il véritablement infranchissable ? 

Le mercredi 4 août, un deal a été scellé entre la Liga et le fonds CVC, fonds d’investissement luxembourgeois. Par ce deal, la ligue espagnole a accepté de céder 10% de son capital contre quelques 2,7 milliards d’euros, ainsi cela devait aider le club catalan à prolonger sa superstar argentine (puisque le club devait recevoir 270 millions d’euros grâce à cet accord). Cependant, les deux mastodontes espagnols, que sont le FC Barcelone et le Real Madrid, ne voient pas d’un bon œil la signature de ce deal et s’y oppose immédiatement. Le Barça ne veut pas compter sur ce deal pour finaliser le dossier Messi. 

Pour quelles raisons ? 

Juan Laporta rapporte en conférence de presse que « la masse salariale est 110% supérieure aux revenus du club. Nous n’avons aucune marge sur les salaires. Les règles de la Liga sont régies par le fair-play financier. Nos pertes sont bien plus élevées que prévu, nos dépenses aussi. Ce genre de contrat implique d’avoir une grande marge, ce que nous n’avons pas. (…) Les termes de la prolongation de Messi étaient risqués ». 

C’est le moins que l’on puisse dire puisque le président Blaugrana énonce une hypothèque du club pendant 50 ans s’il accepte cet accord. Juan Laporta a donc privilégié la stabilité de l’institution à la prolongation du meilleur joueur de l’histoire… 

Les problèmes du FC Barcelone ne s’arrêtent pas là puisque des doutes persistent quant à l’enregistrement des nouveaux joueurs arrivés libres cet été. L’article 100 du règlement de la Liga sur la préparation des budgets prévoit que dans le cas où les clubs et les SADS se sont vu assigner une limite sur le coût de l’effectif à inscrire et que celle-ci est dépassée, alors ils ne peuvent plus inscrire de nouveaux joueurs. Les Blaugranas ont donc du pain sur la planche pour réussir à enregistrer les arrivées de Memphis Depay, Sergio Agüero et Éric Garcia avant le début de la saison 2021/2022.  

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