La convention d’agent sportif : simple mandat ou contrat « béton » ?

17 juillet 2021

La convention d’agent sportif : simple mandat ou contrat « béton » ?

Après une série d’articles ayant abordé la profession d’agent sportif, elle-même soumise à une réglementation qui lui est propre, il convient d’aborder également la spécificité contractuelle rattachée à son exercice. En effet, l’agent sportif exerce des missions de représentation, de négociation et de placement, entre autres, faisant parfois l’objet de montants considérables. Il est tantôt qualifié de représentant, de courtier ou plus globalement d’intermédiaire, entre un sportif et un club. La qualification juridique des contrats lui permettant d’exercer de telles missions est parfois complexe, et le législateur lui-même n’est pas suffisamment précis.

I – Rappel des missions d’un agent sportif

L’agent sportif peut être considéré comme l’intermédiaire mettant en relation des parties intéressées à la conclusion d’un contrat de travail dans le secteur sportif. Plus formellement, le Code du sport définit l’activité d’agent sportif dans son article L.222-7 comme étant « l’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d’un contrat soit relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, soit qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement […]. »

Le même article dispose qu’une licence d’agent sportif est obligatoire pour pouvoir exercer et devant être octroyée qu’aux seules personnes physiques ayant validé l’examen requis.  

L’agent ne peut agir que pour le compte d’une seule partie au contrat (L.222-17 CDS). Cela signifie qu’il ne peut intervenir simultanément pour la conclusion d’un contrat de travail au profit du joueur et du club ou pour le compte de deux clubs dans le cadre d’un transfert. Il doit fournir ses meilleurs conseils à la personne qu’il représente.

Au-delà de l’intermédiation dans le cadre de la conclusion d’un contrat de travail, l’agent a également la faculté d’aider au développement de la carrière de sportifs au sens global, mais également à l’échelle de sa vie privée, par des services de conciergerie par exemple, bien distincts de l’activité de placement.

Quoi qu’il en soit, la relation entre le donneur d’ordre et l’agent est subordonné à une convention particulière dont les contours juridiques ne sont pas encore bien déterminés.

II – La nature hybride du contrat

La nature contractuelle des missions de l’agent sportif va dépendre du champ d’action qui lui sera conféré au regard de la convention d’agent conclue avec un club ou un joueur.

Lorsque l’agent réalise une mission exclusive d’intermédiation au sens de l’article L.222-7 du Code du sport, force est de constater que la convention prend la forme d’un contrat de courtage, faisant de l’agent un acteur « rapprocheur » des parties en vue de la conclusion d’un contrat de travail. Le courtage s’illustre réellement comme cette faculté de mettre en rapport des parties.

Au contraire, lorsque le contrat confèrera en outre à l’agent des missions de représentation, tel que la signature d’un acte au nom et pour le compte du sportif (chose rare), encaissement d’une somme, négociation d’un contrat de sponsoring, etc., ou des missions de négociations ponctuelles tel qu’une indemnité de transfert par exemple, la convention sera assimilable à un mandat.

C’est pourquoi parfois la qualification est vaste en matière de convention d’agent sportif, et la pratique, notamment jurisprudentielle, a plusieurs fois rappelé que la distinction n’est pas spécifiquement évidente. Les effets découlant de la qualification, notamment la rupture, seront substantiellement différents qu’il s’agisse, selon les juges, d’un contrat de courtage ou de mandat.

Agissant en tant que courtier, l’agent est redevable de ses engagements pris à l’égard des tiers contrairement au mandat où il est déchargé, en principe de toute obligation, et peut également voir sa responsabilité engagée lorsque les agissements dolosifs ou fautifs sont constatés à l’occasion du contrat. Par exemple : un agent qui oublie de répondre à une prise de contact d’un club intéressé et/ou qu’il oublie de tenir le joueur au courant de la situation peut effectivement voir sa responsabilité engagée dans quelques hypothèses. La jurisprudence a néanmoins considéré que l’agent sportif ne peut être responsable du niveau sportif du joueur ni des mauvaises relations pouvant se développer entre les parties, compte tenu du caractère aléatoire de recrutement d’un joueur (CA Nancy, 2ème ch., sect. com., 1er juin 2011).

En tant que mandataire, la convention peut être qualifiée de mandat simple lorsque n’est pas prévues de modalités d’irrévocabilité et/ou d’exclusivité au bénéfice de l’agent. Le mandat simple va pouvoir être, en principe, résilié ad nutum, soit sans motif particulier. Au contraire, lorsque le mandat revêt un caractère présentant les caractéristique d’un intérêt commun entre l’agent et le sportif, notamment lorsque le mandat octroi une volonté commune de développer la carrière du second et sur le long terme. Cette faculté n’est pas supposée car le mandat n’est pas d’intérêt commun par nature. L’agent doit en outre expliquer expressément et de manière non équivoque en quoi le mandat est d’intérêt commun, d’autant plus que ce type de mandat n’est pas résiliable sans cause sérieuse et justifiée.

Les mentions du contrat en question doivent être suffisamment précises pour qualifier la relation des acteurs, notamment pour éviter des conséquences indésirables liées à la rupture.

III – Les mentions obligatoires

Pour être valable, au regard de l’article L.222-17 du Code du sport, la convention doit mentionner obligatoirement :

Ce contrat doit obligatoirement être formalisé par un écrit. La Cour de cassation a récemment admis la validité d’un échange de mail, à partir du moment où est apposée une signature électronique et les acteurs aisément identifiables (Cass. 1ère civ., 7 octobre 2020). Le défaut de mention obligatoire entraînera la nullité du contrat litigieux, et cela a souvent fait l’objet de décisions de la part de la jurisprudence.

IV – Conclusion

Par conséquent, la convention d’agent n’a pas de nature spécifique si ce n’est que cette dernière dépend réellement de la nature des missions conférées. Selon ces missions, les effets liés à cette qualification seront différents et amèneront des conséquences différentes. Malgré la volonté du législateur de vouloir encadrer la profession d’agent sportif, force est de constater que la réalité de la pratique fait l’objet d’une conception floue en matière relationnelle entre un agent et un acteur du sport l’ayant missionné.

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