« Les fidélités ne s’obtiennent pas sans bienfaits », affirmait Maurice Druon dans son livre « Le Pouvoir ». Certes : mais a contrario, l’infidélité aussi se monnaie. C’est là tout l’enjeu, en droit des sociétés, des clauses de « Good & Bad leaver ».
Retour sur cette clause stratégique d’origine anglo-saxonne, devenue monnaie courante dans les sociétés de l’Hexagone.
Pourquoi prévoir une clause de « Good & Bad leaver » ?
Au sein de la société, l’associé a des droits (politiques, financiers…) et des obligations (dont la violation engage sa responsabilité). Parmi ces droits figure notamment celui de céder ses titres sociaux, que ce soit à un tiers ou à un autre des associés. Ce qui paraît logique : l’associé ne doit pas rester prisonnier de la société.
Pour autant, certains mécanismes peuvent tendre, non pas à empêcher la cession, mais à en atténuer le recours (au-delà même de l’agrément éventuel du cessionnaire par la société).
C’est notamment le cas de la clause de « Good & Bad leaver » qui, contenue dans les statuts de la société ou dans un pacte d’associés, vise à assortir la sortie du capital social d’un mécanisme tantôt de sanction, tantôt de récompense. Tout cela dans un unique but : persuader l’associé en mal d’aventures de rester dans la société autant que faire se peut.
On en comprend aisément l’utilité : l’investisseur, qui injecte des fonds dans une société parce qu’il croit en son potentiel de rentabilité, a confiance dans les hommes forts qui en assurent le développement (fondateurs et associés exerçant des fonctions opérationnelles : président, directeur général…). Sinon, il ne prendrait pas le risque d’engager ses capitaux.
Il a donc tout intérêt à les voir faire prospérer son affaire le plus longtemps possible : après tout, on ne change pas une équipe qui gagne !
L’argent, comme dans bien d’autres hypothèses du droit des sociétés (ex : la clause « Shot gun »), sera ainsi là encore le nerf de la guerre…
Qu’est-ce qu’un « Good » ou un « Bad leaver » ?
On l’évoquait, la clause de « Good & Bad leaver » ne conditionne pas la sortie de la société en elle-même mais impacte son déroulement en organisant les modalités de détermination du prix de rachat des titres sociaux par les autres associés.
Elle influence alors indirectement le choix de l’associé de quitter ou non la société puisque celui-ci optera généralement pour la solution qui lui est soit plus avantageuse, soit moins défavorable (financièrement parlant).
On distingue ainsi deux situations au sein d’une clause de « Good & Bad leaver » :
- Le « Good leaver » (« bon partant ») : si le cédant respecte conditions prévues (ex : assurer la transition dans la gérance pendant X mois), le prix de rachat de ses parts ou actions sera évalué de manière favorable et/ou affecté d’une prime ;
- Le « Bad leaver » (« mauvais partant ») : si à l’inverse, le cédant ne se conforme pas son engagement (ex : il quitte la société avant la date prévue), le prix sera évalué de manière défavorable et/ou subira une décote
Ces deux mécanismes ne coexistent pas nécessairement (on peut prévoir l’un sans l’autre) ; mais dans la pratique, il est fréquent de les prévoir ensemble afin de contrebalancer la menace d’une sanction par la promesse d’une récompense (en quelque sorte, c’est la carotte ou le bâton !).
Le jeu de la clause de « Good & Bad leaver » mettra donc en exergue ses deux vertus complémentaires : incitative, d’une part (« restez et enrichissez-vous… ») ; dissuasive, d’autre part (« …ou partez et appauvrissez-vous »).
Attention, toutefois, à la rédiger soigneusement ; au risque de voir l’arroseur arrosé…
Comment rédiger la clause de « Good & Bad leaver » ?
Prudence est mère de sureté : mieux vaut anticiper et rédiger rigoureusement la clause de « Good & Bad leaver » que d’attendre qu’un contentieux naisse pour se rendre compte de ses lacunes. En effet, se dessine logiquement l’hypothèse où le cédant et les associés restants, se quittant en mauvais termes, s’affrontent sur le point de savoir si le premier part en « Good » ou en « Bad leaver » (et donc sur le prix de rachat de ses parts !).
A cet instant, l’issue du conflit dépend des termes de la clause. Il est donc impératif, lors de la rédaction de cette dernière, de soigner les points suivants :
- Personne(s) concernée(s) et statut/fonctions dans la société (associé, président…)
- Critères de mise en œuvre de la clause (départ, décès…)
- Conditions de qualification de « Good » ou « Bad leaver » (durées, périodes, événements, circonstances…)
- Modalités d’évaluation du prix et/ou fixation de la prime/décote (taux, forfaits…)
Ainsi, les jeux seront faits et la personne ciblée aura toutes les cartes en main pour décider de son avenir dans la société, dont une particulièrement intéressante à jouer : celle de la loyauté.