Droit des obligations : l’évolution de la jurisprudence sur la promesse unilatérale de vente

11 mars 2024

La réforme du droit des contrats a permis de clarifier et harmoniser les règles contractuelles, favorisant des évolutions jurisprudentielles. La jurisprudence sur la promesse unilatérale de vente a ainsi évolué après l’entrée en vigueur du nouveau Code civil.

LA PROMESSE UNILATÉRALE DE VENTE : AVANT LA REFORME

Dans un arrêt Consort Cruz du 15 décembre 1993, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation avait considéré que le promettant pouvait revenir sur son consentement et rétracter son option avant l’expiration du délai, mais engageait alors sa responsabilité extracontractuelle. La Cour estimait en effet que le contrat n’avait pas été conclu et que le bénéficiaire lésé ne pouvait obtenir qu’une réparation sous forme de dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Cette solution se justifiait par la liberté contractuelle en vertu de laquelle le promettant n’étant plus consentant, la rencontre des volontés nécessaire à la formation du contrat devenait impossible. Mais son fondement principal était l’ancien article 1142 du Code civil qui disposait que les obligations de faire se résolvaient en dommages et intérêts.

Cet arrêt fut toutefois critiqué par la doctrine. L’ancien article 1142 du Code civil signifiait en réalité que la réalisation forcée du contrat était impossible. La solution était également contraire à la force obligatoire du contrat. Le promettant s’était déjà engagé. Ainsi, en lui conférant un pouvoir de renoncement, cette jurisprudence méconnaissait le principe selon lequel la promesse unilatérale emporte la formation du contrat à la seule condition que le bénéficiaire exprime son consentement.

LA PROMESSE UNILATÉRALE DE VENTE : APRES LA REFORME

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a codifié la promesse unilatérale de vente à l’article 1124 du Code civil.  

L’alinéa 1 de l’article définit ainsi la promesse unilatérale de vente comme « le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire».

La réforme de 2016 a également abandonné la jurisprudence Consort Cruz à l’alinéa 2 de l’article 1124 du Code civil en prévoyant que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ». Cet alinéa marque une rupture avec la jurisprudence antérieure sur la sanction de la rétractation du promettant avant la fin de l’option.

Il permet de protéger le bénéficiaire de l’option en lui garantissant l’exécution forcée du contrat dans le respect du mécanisme juridique de la promesse unilatérale. Désormais, si le promettant revient sur son engagement pendant le délai de l’option alors que le bénéficiaire consent à la lever dans le délai imparti, ce dernier pourra le contraindre à conclure le contrat à condition que le promettant ne se soit pas engagé contractuellement avec un tiers de bonne foi selon l’article 1124 alinéa 3 du Code civil.

Néanmoins, cette règle ne s’appliquait qu’aux contrats conclus après le 1 er octobre 2016. La jurisprudence a ainsi progressivement évolué à la lumière de celle du droit des contrats.

Dans un arrêt du 21 septembre 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation a interprété une promesse unilatérale d’embauche selon l’évolution du droit des contrats, posant les jalons d’un revirement jurisprudentiel.

Toutefois, dans un arrêt du 6 décembre 2018, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a refusé cette interprétation et renvoyé le litige devant les juges du fonds qui ne se sont pas conformés à la décision de la Cour.

Finalement, dans un arrêt rendu le 23 juin 2021, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence concernant le même litige, s’accordant ainsi avec l’évolution du droit des contrats.

Dorénavant, la règle est donc la même que la promesse et le contrat qui en résulte soient antérieures ou postérieures à la réforme.

La rétractation du promettant avant la levé de l’option ne fait plus obstacle à la formation du contrat. Le promettant qui s’engage dans une promesse unilatérale de vente s’oblige alors à conclure le contrat une fois que le bénéficiaire a levé l’option.

Cette solution fut confirmée dans un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation rendu le 20 octobre 2023 (n°20-18.514). Le 15 mars 2023 , la chambre commerciale de la Cour de cassation a également opéré un revirement de jurisprudence conforme à cette évolution jurisprudentielle.

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