Depuis l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, l’article 1124 du Code Civil dispose que le promettant s’oblige définitivement à vendre. L’alinéa 2 du même article énonce de manière précise que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».
Rappel bref de la notion
Une promesse de vente est un contrat préparatoire à la vente possédant un régime ainsi qu’une qualification propre. La troisième chambre civile du 12 avril 2018 (n°17-13.118) rappelle en ce sens, que la promesse est un contrat distinct de la vente.
Ce type de contrat peut être soit unilatéral, soit synallagmatique. Le contrat est qualifié de promesse unilatérale de vente lorsqu’une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La promesse fait découler un droit de ne pas faire pour le débiteur de l’obligation. En ce sens, le promettant doit s’interdire de réaliser une action susceptible de gêner le bénéficiaire lors d’une levée d’option (conclusion d’un autre contrat avec un tiers ou rétractation par exemple).
Rappel de la position de la troisième chambre civile
Par l’ajout de l’article 1124 au sein du Code, la troisième chambre civile, le 23 juin 2021 (n°20-17.554), pose l’abandon total de la jurisprudence de 1993 des consorts « Cruz ». Cet abandon ne portant seulement que pour les promesses conclues avant l’entrée en vigueur de la réforme du 10 février 2016 selon l’alinéa 2 de l’article 9 de l’ordonnance.
Dans cet arrêt la cour rappelle que, même lorsque la promesse de vente ne vaut pas vente, le promettant est tout de même assujetti à une obligation de faire (réserver le bien contre une indemnité d’immobilisation et s’interdire de vendre à un tiers ou de se rétracter). Seule une exception existe, celle découlant de la volonté des parties de stipuler entre elles une clause permettant la rétractation du promettant.
La même année, le 20 octobre 2021 (no 20-18.514), la troisième chambre civile de la Cour de cassation reprend sa décision en évoquant une seconde fois la force obligatoire du contrat sur l’engagement du promettant.
L’harmonisation de la chambre commerciale
Le 15 mars 2023 (21-20.399), la chambre commerciale de la Cour de cassation use de la motivation enrichie pour s’exprimer sur sa décision de revirement. Ce signifie qu’elle ne se contente pas d’une phrase unique et courte pour rendre sa décision mais fait mention des solutions alternatives non retenues qui ont été source de débats et de discussions. Elle se sert de ce type de motivation dans l’objectif de rendre sa solution plus compréhensible.
Elle commence par faire revenir via son sixième paragraphe, l’état du droit antérieur, faisant référence à la décision des consorts Cruz et son opposition à la réalisation forcée de la vente.
Puis dans son huitième paragraphe, elle évoque tout d’abord la portée du nouvel article 1124 du code civil. Ensuite, c’est par l’article 9 de l’ordonnance, qu’elle précise qu’« il apparaît nécessaire, compte tenu de l’évolution du droit des obligations,de modifier la jurisprudence de la Cour pour juger, désormais, à l’instar de la troisième chambre civile ». Une décision qui, selon elle, devait arriver dans tous les cas. La rétractation du promettant est alors pour elle sans effet, même si le contrat est antérieur à la réforme de 2016.
Un revirement « d’harmonisation » : tueur de la sécurité juridique
Le revirement de la chambre commerciale du 15 mars s’inscrit dans un alignement de positions entre les chambres. Le but de cette opération vise à éviter qu’un cocontractant se retrouve dans une situation moins favorable par rapport à d’autres, en fonction de la date de naissance de son contrat.
En effet, il est à souligner que ce revirement est loin d’être le seul. A titre d’illustration, la Cour de Cassation avait, le 20 avril 2022 (n°20-22.866), au sein de sa première chambre civile, changée sa position vis-à-vis du droit des sûretés.
Il en ressort ainsi pour la doctrine que la généralisation du principe d’harmonisation peut s’analyser comme dangereuse. Pour défendre sa position, la doctrine vise alors l’inutilité pour le législateur de prévoir dans ses ordonnances de réforme des règles de transition ayant pour effet la survie de la loi ancienne.
Pour elle, une application des règles sans prendre en compte la date de naissance du contrat litigieux entraînerait un bafouage des règles de protection juridique. Cet argument se basant sur les articles 6 de la CEDH et 1er du protocole n° 1 (page 7). Argument qui est également fondé par des décisions de la CEDH (n° 20153/04, Unédic c/ France ; n° 23228/08, Legrand c/ France…). Bien que pour la Cour la décision n’a pas pour effet de priver, même rétroactivement, le promettant de son droit à un procès équitable.
La Cour use alors de sa motivation enrichie pour éviter une trop grande vague de critique. Dans ses paragraphes 11 et 12, elle porte une reconnaissance à la doctrine, une manière implicite de demander des critiques bienveillantes envers la position pour laquelle elle a opté.