Jeunes créatrices et créateurs, comment protéger votre vêtement ?

9 avril 2021

« Pour moi, la copie c’est le succès. Il n’y a pas de succès sans copie et sans imitation, ça n’existe pas ! » affirmait l’illustre Coco Chanel. Mais assurément, une simple ébauche peut rapporter beaucoup dans le secteur de la mode, il est donc impératif de s’interroger sur les différents modes de protection des vêtements dans la législation française.

Ainsi, la propriété intellectuelle, définie comme regroupant l’ensemble des droits exclusifs accordés à un auteur sur ses créations intellectuelles, se dessine alors comme la voie royale de protection. Elle se divise en deux branches principales : la propriété industrielle (qui regroupe notamment le droit des marques et le droit des brevets) et la propriété littéraire et artistique (composée du droit d’auteur et des droits voisins, elle s’applique aux œuvres de l’esprit).

I. Le droit d’auteur comme voie principale pour protéger un vêtement

Le droit d’auteur se rapporte à l’ensemble des droits moraux et des droits patrimoniaux reconnus à l’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique. Dans le cas présent, d’après l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), « le droit d’auteur protège […] les créations de mode ». Par ailleurs, le droit d’auteur s’acquiert automatiquement, sans formalités, du fait même de la création même inachevée de l’œuvre.

Les droits moraux sont perpétuels et ne peuvent être cédés, ils vont protéger le créateur du vêtement d’une divulgation de ce dernier sans son consentement, ainsi que de l’utilisation ou la revendication de son œuvre sans mentionner son nom. Les droits patrimoniaux, quant à eux, permettent d’interdire ou d’autoriser l’utilisation de l’œuvre, moyennant une certaine rémunération. Contrairement aux droits moraux, les droits patrimoniaux ne sont pas perpétuels : ils durent seulement jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur ou après la divulgation si l’œuvre appartient à une personne morale.

Si le droit d’auteur paraît de prime abord particulièrement ingénieux, il comporte tout de même quelques conditions qui peuvent devenir de réelles contraintes. Tout d’abord, pour être protégé, le vêtement doit absolument être original, ce qui n’implique pas seulement d’en être l’auteur mais également d’y griffer une sorte de marque de fabrique, reconnaissable et représentative de la personnalité de l’auteur. De plus, l’auteur du vêtement doit absolument être capable de prouver la date à laquelle il a été créé en cas de litige.

De nombreux mécanismes de dépôt existent pour dater la création afin d’assurer ses arrières. Premièrement, il est possible de s’auto-adresser une lettre recommandée sans l’ouvrir lors de la réception, le cachet de La Poste faisant foi. Dans le même registre et la même tranche de prix (inférieur à 20 euros), il est possible de passer par l’enveloppe Soleau, qui n’est en réalité qu’un simple courrier daté adressé à lNPI. Pour ces deux dispositifs, il suffit de décrire avec grande précision le vêtement concerné par la potentielle protection, mais l’enveloppe Soleau n’est juridiquement viable que pour une période de 5 ans, au terme de laquelle il sera possible de la renouveler une fois. Depuis 2016, l’INPI propose ce mécanisme sous forme numérique par le bais de l’e-soleau. 

Si ces mécanismes sont reconnus en France, leur force probante est controversée sur la scène internationale. D’autres voies sont privilégiées, comme le dépôt auprès d’une société d’auteurs ou d’un office ministériel.

Egalement, l’ère de la révolution numérique a permis de créer de nouveaux modes de preuve : il est désormais possible de procéder à un horodatage par huissier de justice en ligne (comme par exemple sur le site Certisure). Mais également, à une plus petite échelle, il est possible de faire admettre des preuves issues de la blockchain, à charge pour le créateur de démontrer qu’elle bénéficie d’un système d’horodatage fiable afin d’être recevable devant un juge.

⚠ Ces dernières années, la mention du symbole du copyright © s’est démocratisée : par conséquent, il paraît absolument indispensable de préciser qu’il n’a aucune valeur juridique en France et ne donne naissance à aucune prérogative. Cette mention est propre aux pays de Common Law et n’a pas d’intérêt si ce n’est un caractère dissuasif.

II. Le dépôt de marque comme mode de protection attrayant

D’après l’INPI, au sens de la propriété industrielle, « la marque est un signe servant à distinguerprécisément vos produits ou services de ceux de vos concurrents ». Son dépôt permet la protection de signes distinctifs d’une entreprise et de ses produits et services (comme la semelle rouge de Christian Louboutin par exemple, ou un simple logo). Dans le monde de la mode, le droit des marques est le plus intéressant pour protéger un vêtement.

En effet, si le dépôt de marque est conditionné par une procédure bien particulière auprès de l’INPI, il permet de protéger l’ensemble des produits et services lui ayant été rattachés contre redevance. Ce rattachement se fait par le biais de la classification de Nice, au sein de laquelle les vêtements appartiennent à la classe 25. Le dépôt de marque est exclusivement exploitable par le créateur pendant 10 ans, et peut être renouvelé indéfiniment.

III. Le dépôt de dessin ou modèle comme sécurité hybride ultime

Il est également possible de déposer un dessin (2D) ou modèle (3D) auprès de l’INPI, afin de protéger l’apparence du vêtement, soit ses caractéristiques (couleurs, formes…). Ce dépôt constitue une réelle hybridation entre le droit d’auteur et le dépôt de marque, et ouvre le droit pour le déposant à un monopole d’exploitation sur le territoire français pendant une durée minimale de 5  ans qui pourra être renouvelée jusqu’à atteindre une période maximale de 25 ans.

Pour être recevable, le dépôt de dessin ou modèle de vêtement doit remplir un certain nombre de conditions. En premier lieu, il doit être nouveau et posséder un caractère propre, ce qui implique une vérification des créations antérieures (cela ne constitue pas une obligation légale, mais il est indispensable de le faire). Egalement, le dépôt doit avoir été fait par une personne légitime, soit le créateur, une personne ayant passé un accord avec ce dernier ou encore une personne titulaire des droits d’auteur sur le dessin ou modèle. Pour finir, ce dépôt doit être assorti d’éléments visuels permettant la représentation du vêtement et être unique, au risque d’être poursuivi pour contrefaçon.

Il est bien sûr envisageable de combiner plusieurs de ces mécanismes afin de maximiser les chances de protection mais ils ne seront malheureusement jamais infaillibles, ce qui explique la multiplication des recours possibles en cas de plagiat ou de contrefaçon.

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