Lorsqu’une entreprise est en difficultés financières et fait l’objet d’une procédure collective, d’un plan de redressement ou d’un plan de sauvegarde, le législateur a prévu un certain nombre de mesures qui visent à maintenir le statu quo sur son passif. Parmi ces mesures, il y a l’interdiction des paiements de ses créances, mentionnée à l’article 622-7 du Code de commerce.
Le principe de l’interdiction des paiements de l’article L.622-7 du Code de commerce
La compréhension du principe d’interdiction des paiements des créances passe par la maîtrise de son énoncé et l’étendue de son champ d’application.
L’énoncé du principe d’interdiction des paiements
L’article L.622-7 du Code de commerce dispose que « Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, … Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L. 622-17 ».
Ainsi formulé, le principe indique qu’à partir du jugement d’ouverture de procédure collective (ou d’un plan de sauvegarde ou de redressement), le débiteur doit surseoir le paiement ou procéder au remboursement de ses dettes.
Le champ d’application de l’article L.622-7 du Code de commerce
L’article L.622-7 du Code de commerce cite particulièrement deux types de créances :
- Les créances nées avant le jugement d’ouverture de la procédure ;
- et celles nées après le jugement, exceptées les créances mentionnées à l’article L. 622-17 du même Code.
Les créances antérieures
L’antériorité de la créance est déterminée par la position à l’égard du juge d’ouverture de procédure collective. Le texte parle des créances nées avant que soit rendu le jugement d’ouverture. La détermination de l’antériorité de la dette donne tout son sens à son origine.
On s’est longtemps interrogé si l’origine d’une créance dépendait de sa date de naissance (fait générateur) ou de sa date d’exigibilité. Dans un arrêt du 20 février 1990, la Cour de cassation a retenu que l’antériorité d’une dette est déterminée par sa date de naissance, et non par celle de son exigibilité. Cette position sera confirmée plus tard par la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005.
Les créances postérieures non mentionnées à l’article L. 622-17 du Code de commerce
La postériorité de la dette est déterminée dans les mêmes conditions que son antériorité. Lorsque le caractère alors la question de savoir si la dette ou créance a été mentionnée à l’article L.622-17 du Code de commerce. Autrement dit est-ce qu’elle respecte les conditions des créances postérieures qui échappent au principe d’interdiction des paiements.
Le législateur pose trois conditions à l’article L. 622-17 du Code de commerce :
- La postériorité de la créance qui est déterminée en même temps que son antériorité ;
- La régularité de la créance qui voudrait qu’elle soit née dans le respect des pouvoirs du mandataire (administrateur ou liquidateur) ;
- L’utilité de la créance qui voudrait qu’elle soit née d’un acte qui a servi à la procédure ou au maintien provisoire de l’activité.
Les créances postérieures qui remplissent ces conditions sont payées conformément aux alinéas I et II de l’article L.622-17 du Code de commerce.
La sanction à la violation du principe d’interdiction des paiements
Le principe est assorti de sanctions en cas de violation.
Annulation du paiement
L’annulation du paiement est prescrite à l’alinéa III de l’article L.622-7 du Code de commerce « Tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé ». Le créancier devra alors rembourser les sommes payées par le débiteur (Cass., com, 3 octobre 2000).
L’action en remboursement est introduite par le ministère public ou toute personne intéressée, dans un délai de prescription de 3 ans, à compter de la réalisation du paiement ou de la publication de l’acte de paiement.
Faillite personnelle
Le juge commissaire peut prononcer la faillite personnelle lorsqu’une personne a payé ou fait payer, « après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers » (article L.653-5, 4° du Code de commerce). A noter que cette sanction ne s’applique pas lorsque la société est en procédure de sauvegarde.
Sanction pénale
La violation du principe d’interdiction des paiements est également sanctionnée pénalement. L’article L.654-8 du Code de commerce dispose que, « Est passible d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros le fait … pour toute personne mentionnée à l’article L. 654-1, de passer un acte ou d’effectuer un paiement en violation des dispositions de l’article L. 622-7 ».
La dimension pénale de la sanction témoigne de l’importance que le juge accorde à l’égalité des créanciers et à la préservation du patrimoine du débiteur.
Les exceptions au principe de l’interdiction des paiements de l’article L.622-7 du Code de commerce
Certaines exceptions au principe d’interdiction des paiements sont prévues par le législateur. Hormis le cas des créances privilégiées mentionnées à l’article L.622-7 du Code de commerce, le principe d’interdiction admet plusieurs exceptions à l’article L.622-17 du même Code.
Le paiement par compensation de créances connexes
La compensation désigne, selon l’article 1347 du Code civil « l’extinction simultanée d’obligations réciproques ». Auparavant, il était admis selon le droit commun que les créances sur lesquelles porte la compensation soient liquides, exigibles et échues.
Mais l’on observe un relâchement de ces critères, la Cour de cassation a reconnu dans un arrêt du 28 septembre 2004 que « la compensation fondée sur la connexité des créances n’exige pas de réunion des conditions de compensation légale. Dans un arrêt du 19 mars 1991, la Cour de cassation a admis que la compensation puisse s’opérer entre deux créances dont l’une est née après le jugement d’ouverture, à la condition que le créancier l’ait déclarée.
Le paiement des créances alimentaires
L’article L622-7 du Code de commerce dispose : « ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires ». Le législateur exclut expressément les créances alimentaires du champ d’application du principe des paiements des créances antérieures. De plus, ce type de créances n’est pas soumise à une exigence de déclaration.
Le paiement des créances salariales
Il ressort de l’article L.625-8 du Code de commerce que les créances salariales garanties par le privilège des articles L.143-10 et suivants du Code du travail doivent être payées en dépit de toute autre créance. Lorsque la créance salariale est antérieure au jugement, elle doit être payée sous 10 jours ; lorsqu’elle est postérieure au jugement, elle est payée à échéance.
Par ailleurs, le législateur a également prévu d’autre dérogation au principe :
- Le paiement des créances assises sur un gage ou droit de rétention une fiducie ou un crédit-bail.
- Le paiement des assises sur une clause de réserve de propriété.
- Le paiement provisionnel de créances assises sur des sûretés.