Lorsqu’une entreprise est en procédure collective, il y a une interruption du paiement des créances antérieures et postérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective, comme le rappelle l’article L.622-7 du Code de commerce.
Néanmoins, le législateur a prévu une exception en l’article L.622-17 du même Code : il y prescrit le paiement de certaines créances postérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective.
Il convient ainsi de s’intéresser à ce privilège des créances postérieures ainsi qu’à son régime juridique.
Le domaine du privilège des créances postérieures au sens de l’article L.622-17 du Code de commerce
Le législateur, à l’article L.622-17 du Code de commerce, a déterminé le type de créances qui échappe à l’interruption des paiements relatives à l’ouverture de la procédure collective.
Il dispose que « les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance ».
Ainsi formulé, l’article L.622-17 du Code de commerce permet de ressortir les conditions ou caractéristiques que doit présenter la créance afin bénéficier du privilège des créances postérieures.
La postériorité de la créance
La condition de postériorité d’une créance se détermine par la date du jugement d’ouverture procédure collective.
Une créance est dite postérieure lorsqu’elle est née après que soit rendu le jugement d’ouverture, pendant la procédure collective et jusqu’à sa clôture (cas de liquidation judiciaire), ou jusqu’à l’adoption du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
Les créances nées après l’adoption du plan de redressement ont un simple statut de créance de droit commun (Cass., com, 3 avril 1990 n°88-19807).
La détermination du caractère postérieur ou antérieur de la créance n’est pas toujours aussi simple.
Pour certaines créances, il faut rechercher le fait générateur.
Le fait générateur
À noter à cet effet qu’il faut distinguer la date de naissance du fait générateur de la créance et sa date d’exigibilité. La créance postérieure est caractérisée par la postériorité de son fait générateur et non la postériorité de son exigibilité.
C’est ce qu’a retenu la Cour de cassation dans un arrêt du 20 février 1990, dans une affaire se rapportant aux créances de l’URSSAF (cotisations sociales). Une position confirmée par la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005.
Une autre réflexion sur la détermination même du fait générateur de la créance oppose les créances contractuelles à celles extracontractuelles.
S’agissant des créances contractuelles, le fait générateur pourra être déterminé au cas par cas, selon le type de contrat (contrat de vente, a exécution successive, contrat de prêt, etc.).
S’agissant des créances extracontractuelles, le fait générateur pourra également être déterminé au cas par cas, selon qu’il s’agit de créances sociales, créances de condamnation (créance principale ou créance accessoire), créances fiscales, etc.
La régularité de la créance et son utilité
La régularité de la créance est posée par le législateur à l’article L.622-17 du Code de commerce en ces termes « Les créances nées régulièrement… ».
Le terme régulièrement évoque des créances nées conformément aux règles de répartition des pouvoirs entre les différents organes de procédure et du débiteur.
C’est la mission de l’administrateur dans la sauvegarde et le redressement, ou alors celle du liquidateur dans la liquidation qui donne à la créance son caractère régulier ou pas. La créance doit résulter d’un acte autorisé par la mission de l’administrateur ou liquidateur.
L’utilité de la créance est mentionnée au même article L.622-17 du Code de commerce.
Le législateur parle des créances nées « pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période. ». Il en ressort que la créance doit être née d’un acte qui a servi à la procédure, tels que les frais de justice, les frais d’honoraires des administrateurs, des avocats et autres experts. La créance peut également résulter de l’exécution des contrats en cours, des besoins du maintien provisoire de l’activité autorisée, d’une contrepartie d’une prestation fournie au débiteur.
Quel est le régime des créances privilégiées ?
Le législateur a accordé aux créanciers privilégiés deux principaux types de privilèges, à savoir :
- Le paiement à l’échéance ;
- Un rang favorable parmi les créanciers de l’entreprise.
Paiement à l’échéance
L’article L.622-17 du Code de commerce indique les créances postérieures « …sont payées à leur échéance. ».
Ce privilège accorde un certain nombre de faveur aux créanciers.
- Inopposabilité des principes du gel du passif
Les principes d’interdiction des paiements, d’arrêt du cours des intérêts, d’arrêt des poursuites individuelles sont inopposables aux créanciers qui justifient de créances privilégiées.
- Inopposabilité de la procédure de déclaration et de vérification des créances
Les exigences de déclaration et de vérification des créances ne sont pas opposables aux créanciers privilégiés. Seuls leurs sont opposables pour le paiement de la dette, son exigibilité (créance exigible).
- Inopposabilité du classement des créances privilégiées
En cas de pluralité de créances privilégiées, l’ordre de paiement se fait par ordre de réclamation. La disponibilité des fonds ou l’insuffisance des fonds à rembourser toutes les créances importe peu.
Le classement entre les créanciers privilégiés ne se tient que lorsque les créances n’ont pas été payées à temps.
Classement entre les créanciers privilégiés
Lorsque les créances privilégiées ne sont pas payées à échéance, leur paiement se fait selon un classement des créanciers institué par l’article L.622-17 du Code de commerce.
Lors d’une sauvegarde ou d’un redressement, les créances postérieures privilégiées arrivent juste après le superprivilège des créances salariales, les frais de justices et les frais de conciliation.
Lors d’une liquidation, les créances postérieures privilégiées arrivent juste après les créances antérieures garanties par des sûretés immobilières ou par des garanties sûretés mobilières spéciales, assorties d’un droit de rétention ou par des nantissements.
La loi de sauvegarde de 2005 indique que les créances postérieures privilégiées non payés doivent être déclarées dans un certain délai (un an en cas de sauvegarde ou de redressement et six mois en cas de liquidation) à l’organe légal (mandataire judiciaire, administrateur ou liquidateur), à défaut de perdre leur privilège.