La déclaration de créance est la contrepartie du gel du passif s’appliquant à certaines créances dans le cadre de la procédure collective (sauvegarde et redressement judiciaire notamment). Elle est nécessaire si le créancier entend participer aux répartitions par la suite. Toutefois un flou est apparu en jurisprudence concernant la différence de sanction appliquée à la créance non déclarée et à la créance “mal” déclarée.
La notion de déclaration de créance
Dans le cadre d’une procédure collective, en procédure de sauvegarde ou en redressement judiciaire plus précisément, le jugement d’ouverture donne lieu à l’ouverture d’une période d’observation durant laquelle il sera question d’observer si le débiteur est capable d’améliorer sa situation ou non. Pour cela la poursuite d’activité sera autorisée puisqu’elle est nécessaire pour accumuler de l’actif afin de pouvoir rembourser les créanciers entre autres.
L’un des effets les plus importants de l’ouverture d’une procédure collective est le gel du passif. C’est-à-dire que les créanciers ont interdiction de poursuivre individuellement le débiteur pour obtenir un paiement (Art. L.622-21 du Code de commerce), et le débiteur a interdiction de payer les créances antérieures au jugement d’ouverture (Art. L.622-7 du Code de commerce applicable aussi au redressement judiciaire par le biais de l’art L.631-40). Ce gel du passif s’applique aussi aux créances postérieures non privilégiées (car non utiles à l’activité ou à la procédure). Mais les créanciers ne sont pas démunis, ils vont devoir déclarer leurs créances auprès du mandataire judiciaire qui transmettra la liste au juge commissaire qui va se prononcer sur ces créances (Art. L.624-2 du Code de commerce). C’est la contrepartie du gel du passif qui est prévue à l’article L.622-24 du code de commerce.
La déclaration de créance est soumise à un délai. Les articles L.622-24 et R.622-24 du Code de commerce prévoient un délai de 2 mois à compter de la publication du jugement pour déclarer la créance. Si le créancier bénéficie d’une sûreté, le délai court à compter de l’avertissement du créancier par le mandataire judiciaire.
A côté du créancier, le débiteur a l’obligation lui de dresser la liste de ses créanciers.
Mais qu’adviendra-t-il du créancier qui n’a pas déclaré dans les délais ou dont la créance a été rejetée par le juge commissaire ?
Le Code de commerce et la jurisprudence prévoient différentes solutions.
Les différentes sanctions appliquées en cas de défaut de créance et en cas de mauvaise déclaration
Les conséquences diffèrent selon la situation :
- soit le créancier a mal déclaré sa créance puisque celle-ci ne respectait pas les conditions (contenu, auteur de la déclaration etc) qui a été rejetée par le juge commissaire ;
- soit le créancier n’a pas déclaré du tout ou en retard.
L’art L.622-26 du code de commerce prévoit que les créanciers qui n’ont pas déclaré dans les délais (dits créanciers forclos) ne sont pas admis dans les répartitions et leur créance est inopposable à la procédure pendant l’exécution du plan et, en cas de succès, même après. Les personnes physiques co-obligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou encore ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent bénéficier de cette inopposabilité et l’opposer au créancier dans les mêmes conditions.
Toutefois, concernant la créance mal déclarée, une évolution est a marquée. En effet lorsque le juge commissaire se prononçait sur la créance et qu’il estimait qu’elle est irrégulière, il la rejetait ce qui emportait extinction de la créance et donc extinction du droit de poursuite et de la sûreté y afférente. Cette solution émane d’un arrêt de la cour de cassation : Cass, com, 4 mai 2017, n°15-24.854.
Cela marquait ainsi une différence profonde avec la déclaration non déclarée, puisque le créancier qui avait déclaré mais « mal » était puni plus sévèrement que s’ il n’avait pas déclaré. En effet cela s’expliquait par le fait qu’en cas d’omission ou de retard du créancier, le juge commissaire n’avait pas eu l’occasion de se prononcer sur la créance donc la créance est rendue inopposable à la procédure collective. Tandis que le créancier qui avait mal déclaré, avait reçu une décision de rejet de sa créance, le juge commissaire s’était prononcé dessus.
Cette différence de sanction a été fortement critiquée par de nombreux auteurs, qui considéraient qu’une créance mal déclarée devait être moins sanctionnée qu’une créance qui n’avait pas du tout été déclarée dans les délais.
Par conséquent, la réforme issue de l’ordonnance du 15 septembre 2021 est venue consacrer le fait que c’est seulement si la demande d’admission est recevable que le juge commissaire peut la rejeter ce qui aura pour conséquence l’extinction de la créance et du droit de poursuite du créancier. Une créance irrégulière n’est donc pas une cause de rejet ainsi une créance mal déclarée serait aussi inopposable à la procédure collective. Il faut noter que les discussions sur le sujet sont vives surtout sur la question de savoir si en cas d’extinction, c’est la créance entière qui est éteinte ou seulement le droit de poursuite. Selon la réponse, la situation ne sera pas la même pour le créancier.