Dans le cadre d’une succession, la loi dispose que certains héritiers ont droit à une quotité minimale appelée réserve. Le législateur détermine les modalités d’attribution de la réserve qui est alors inviolable. En cas de violation de la réserve, les titulaires disposent d’un droit d’action en justice : l’action en réduction de part sociale. Prévu à l’article 924-4 du Code civil, cette action est encadrée par des règles bien précises. Sur ce, quels sont les titulaires du droit d’action en réduction ? Comment s’exerce cette action ? Et quelles en sont les modalités ?
Titularité et exercice de l’action en réduction de part sociale
L’action en réduction de l’article 924-4 du Code civil est une action par laquelle un héritier réservataire demande à obtenir de la part des bénéficiaires de libéralités consenties par le défunt au-delà de la quotité disponible, la restitution de la part excédentaire de ces libéralités afin de rétablir la réserve héréditaire qui a été entamée. Elle est encadrée par la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 relative aux règles de réductions des libéralités.
Qui sont les titulaires de l’action en réduction ?
Les titulaires du droit d’action en réduction sont :
- Les héritiers réservataires et leurs ayants cause
Les héritiers réservataires sont ceux qui ne peuvent pas être écartés de la succession des biens du défunt. On ne peut les déshériter du patrimoine du défunt. Ils sont désignés par l’article 921 du Code civil comme « ceux au profit desquels la loi fait la réserve ». Leur fonction est la protection de la réserve héréditaire, et seuls ceux ayant accepté la succession peuvent exercer l’action en réduction. La réserve étant une partie de la succession. Le réservataire peut être le conjoint survivant ou le dernier vivant de la famille ; à défaut d’eux, leurs descendants ou petits-enfants disposent des droits de succession donc peuvent prétendre à une quote-part des actifs successoraux.
Les ayants cause universels des héritiers réservataires. Ce sont les héritiers légataires ou institués contractuels universels ou à titre universel. Au sens de l’article 921 du Code civil, ils sont les continuateurs des héritiers réservataires. Sur ce, ils disposent des mêmes droits de succession qu’eux sur l’actif successoral, notamment le droit d’agir en réduction.
- Les créanciers chirographaires des héritiers réservataires
Un créancier chirographaire est celui qui ne dispose pas de garantie ni de privilège sur sa créance. Il peut exercer par voie d’action oblique une action en réduction des libéralités excédant la quotité disponible. Une telle démarche est autorisée par l’article 1341-1 du Code civil, et réitérée par la Cour de cassation, Cham. Civ., 20 Octobre 1982.
A rappeler que le recours à l’action n’est pas possible pour les droits et actions personnels. L’action en réduction est une action patrimoniale qui exprime un droit patrimonial.
Comment s’exerce l’action en réduction de l’article 924-4 du Code civil ?
La juridiction compétente pour exercer l’action en réduction est le tribunal de grande instance, dorénavant tribunal judiciaire, du lieu de l’ouverture de la succession.
La demande de réduction d’une libéralité n’est soumise à aucun formalisme.
L’action en réduction n’entraîne pas la nullité de la donation. Elle vise juste l’indemnisation des héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité. Est alors irrecevable, toute action en nullité ou action en résolution contre une libéralité empiétant sur une réserve héréditaire (CA Bordeaux, 1re ch., 8 novembre 1990). L’action entraîne une réduction partielle, et non un retrait total du droit du donataire. La situation pourrait aboutir à un état d’indivision entre le donataire et l’héritier réservataire.
La divisibilité de l’action permet à ce qu’elle puisse être introduite collectivement ou individuellement. Si plusieurs héritiers réservataires sont concernés, l’abandon ou la renonciation de l’un ne nuit en rien les actions des autres. La preuve est libre et peut être rapportée par tout moyen.
L’action est prescrite (prescription extinctive) au bout de cinq ans à compter de la date d’ouverture de la succession (prescription quinquennale) ou au bout de deux ans suivant la date de connaissance de l’atteinte (prescription biennale).
Bon à savoir, l’action en réduction est distincte du rapport (Art. 843 et suivants du Code civil). Si l’action en réduction est intentée par un héritier réservataire contre tout bénéficiaire de libéralités, même étranger à la succession ; le rapport lui est exclusivement adressé entre cohéritiers pour la restitution de la libéralité réductible.
Dans le cadre d’une donation entre époux ou donation au dernier vivant, le défunt époux peut avoir opté de léguer un bien en pleine propriété (nue-propriété et usufruit). La donation peut se faire par devant notaire. Pour la lecture du testament, ce testateur devra être tenu informé de l’existence ou non d’un contrat d’assurance vie au nom du défunt. L’action en réduction peut être introduite contre un héritier testamentaire ou un légataire.
Les modalités de la réduction de l’article 924-4 du Code civil
Quels sont les modes de réductions ?
La réduction est un mécanisme qui permet de faire respecter le droit des héritiers réservataires, lorsque leur réserve est atteinte. La loi du 23 juin 2006 prévoit qu’en cas de libéralités déductibles, le principe ou la règle générale est la réduction en valeur ou la réduction en nature.
La réduction en valeur prévue par l’article 924 du Code civil, procède du constat que ce qui excède ou empiète dans la réserve ne vaut plus ce qu’il valait au moment de la donation. La réduction en valeur s’applique nonobstant :
- La personne du gratifié (hériter ou non héritier) ;
- La nature de la libéralité (donation ou legs) ;
- L’objet et la forme de la libéralité ;
- L’importance de la réduction (partielle ou intégrale).
Prévue à l’article 924-1 du Code civil, la réduction en nature entraîne la restitution des fruits de ce qui excède de la portion disponible, selon les cas à compter du jour du décès de donateur ou de cujus ou du jour de la demande. Le recours à la réduction par nature requiert certaines conditions, à savoir :
- Elle doit être prévue par le disposant (le défunt) ;
- Elle doit être choisie par le gratifié ;
- Le gratifié doit être insolvable (l’insolvabilité doit être avérée).
Quelles sont les conséquences de la réduction ?
Conséquences de la réduction en valeur :
- Paiement d’une indemnité de réduction par le gratifié ;
- Evaluation de la fraction déductible ;
- Prise en compte de l’état actuel du bien dans le calcul de l’indemnité de réduction ;
- Règlement de l’indemnité (en moins prenant ou en numéraire) ;
- Cas de l’aliénation du bien.
Conséquences de la réduction en nature :
- A l’encontre du gratifié (perte de droits ou conservation de droits, etc.) ;
- A l’encontre des ayants cause du gratifié (actes d’administration, tiers de bonne foi, etc.) ;
- Les fruits et intérêts (restitution des fruits, indemnité de réduction, etc.).