Article 750-1 du Code de procédure civile : l’évolution de l’obligation de tentative de résolution amiable préalable au litige

7 mars 2023

Article 750-1 du Code de procédure civile _ l'évolution de l'obligation de tentative de résolution amiable préalable au litige

Avant de saisir le juge pour la résolution contentieuse d’un litige, il fallait au préalable procéder par une tentative de règlement amiable du différend. C’était la quintessence de la réforme qu’avait introduit le décret du 11 décembre 2019, donnant lieu au nouvel article 750-1 du Code de procédure civile. Bien que n’étant pas d’application absolue, ce nouvel article a été annulé par le Conseil d’Etat en date du 22 septembre 2022. Dès lors, retrouvez dans le présent article l’examen de l’article 750-1 du CPC ainsi que la décision portant son annulation.

Examen de l’article 750-1 du Code de procédure civile

L’article 750-1 du Code de procédure civile est né de la réforme de la justice, par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, entré en application le 1er janvier 2020. Cet article pose une obligation, voire un principe de résolution amiable des conflits, avant toute introduction d’action en justice devant les juridictions. Principe tout de même atténué par le législateur, qui lui a tout de même reconnu quelques exceptions.

Qu’est-ce que le principe de la résolution amiable du litige préalable à la saisine du juge ?

L’article 750-1 du Code de procédure civile dispose « A peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative ».

En d’autres termes, avant de porter la contestation devant le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire (ancien tribunal de grande instance), les parties doivent tenter de convenir de trouver un accord par une résolution amiable de leur conflit. Elles doivent ainsi recourir aux MARD (modes alternatifs de règlement des différends) pour une solution amiable.

Quelles sont les conditions recours amiable préalable à l’action judiciaire ?

L’article 750-1 du CPC poursuit en disant « lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage ».

Il s’agit là des conditions que le législateur pose pour observer l’obligation de tentative de résolution à l’amiable.

Sont ainsi retenus dans le champ d’application d’article 750-1 du CPC, tous les litiges ou actions :

  • Dont le montant en jeu ne dépasse pas les 5 000 € ;
  • Se rapportant à des problèmes de voisinage ;
  • Mentionnés aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 COJ :
    • Actions relatives à la distance prescrite par les lois et les usages pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
    • Actions relatives constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du Code civil ;
    • Actions en bornage, etc.

Quelles sont les exceptions au principe de résolution amiable préalable ?

L’alinéa 2 de l’article 750-1 du Code de procédure civile indique que l’une des situations suivantes dispense les parties de l’obligation de tentative de résolution amiable :

  • L’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
  • L’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;
  • L’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable justifiée par un motif légitime découlant soit de l’urgence manifeste ou des circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement, soit de l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;
  • Le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
  • Le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution.

Bon à savoir, l’objectif de cet article 750-1 du CPC était d’éviter une procédure judiciaire pour de petits litiges. Néanmoins, il a très vite occasionné une charge et une lenteur dans le processus judiciaire dues au manque manifeste de médiateurs de justice et de conciliateurs.

Annulation de l’article 750-1 du Code de procédure civile par le CE

Le 22 septembre 2022, le Conseil d’Etat a annulé le fameux article 750-1 du CPC. La haute juridiction a fini par sanctionner cette disposition légale qui faisait longtemps polémique au sein de la communauté des professionnels du droit.

Quels sont les motifs de l’annulation ?

Il faut déjà rappeler que le Conseil d’Etat n’en est pas à son premier frottement avec l’article 750-1 du CPC. Dans sa version précédente, mentionnée dans les lois des 23 mars 2019 et 18 novembre 2016, la haute juridiction avait déjà noté l’imprécision des termes « motifs légitimes » et « délai raisonnable ».

Après l’entrée en vigueur du décret 11 décembre 2019, et constat fait par les professionnels du droit, des lenteurs et charges supplémentaires occasionnées par ce texte ; le Conseil National des Barreaux, la Conférence de Bâtonniers, l’Ordre des avocats de Paris accompagnés d’autres entités, ont formé un recours pour excès de pouvoir contre le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Les motifs alors invoqués étaient la violation ou non-respect de plusieurs principes cardinaux du droit, notamment :

  • Le principe d’égalité devant la justice ;
  • Le principe de la clarté et de l’intelligibilité de la norme ;
  • Le principe de liberté contractuelle.

Dans son contrôle de régularité de l’article 750-1 du CPC, le Conseil d’Etat a également noté l’imprécision de l’article, notamment à ses mentions « indisponibilité de conciliateurs de justice » et « un délai manifestement excessif ». L’absence de précisions sur les modalités et délais caractérisant l’indisponibilité des conciliateurs cause un préjudice au justiciable.

Le Conseil d’Etat avance qu’en soumettant la recevabilité de l’action en justice au respect de l’obligation de tentative de résolution amiable préalable, et en n’étant pas précis sur les critères de dérogation à cette obligation, le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 constitue une violation de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 relatif au droit au recours effectif devant toute juridiction.

Sur la base de tous ces motifs, le Conseil d’Etat a annulé le 22 septembre 2022, le décret du 11 décembre 2019 et donc l’article 750-1 du CPC.

Quelle est la portée de l’annulation du préalable amiable ?

Attention toutefois, l’annulation de l’article 750-1 ne porte que pour l’avenir, ainsi :

  • Les actions engagées à la date du 22 septembre 2022 (jour de l’annulation) ne sont pas concernées par l’annulation.
  • Les effets produits par l’article avant sont définitifs et les décisions rendues précédemment ne peuvent pas être annulées.

Comprenez également que cette annulation ne fait naturellement pas obstacle à toutes les obligations de résolution amiable préalable au litige, et notamment par l’application des clauses compromissoires.

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