Lāarticle 215 du Code civil consacre la communautĆ© de vie des Ć©poux. Il institue la notion de rĆ©sidence de la famille ou encore logement de la famille, soumis alors Ć un choix commun et une gestion commune des deux Ć©poux. Dans cet article, le lĆ©gislateur pose certaines rĆØgles de droit civil et notamment de droit de la famille, qui connaĆ®tront alors un fort Ć©cho jurisprudentiel et doctrinal. La dĆ©termination du logement familial occupant une place importante dans sa comprĆ©hension, nous examinerons Ć©galement la mise en Åuvre et les limites de sa protection.
La dƩtermination du logement familial
De prime abord, la notion de logement familial explicitĆ©e par l’article 215 du Code civil renvoie au lieu où est (principalement) Ć©tablie la famille. Mais quāen est-il plus exactement ?
Quāest-ce que le logement familial ?
Si le droit positif ne nous donne pas de dĆ©finition concrĆØte du logement familial, la doctrine sāest tout de mĆŖme avancĆ©e Ć la dĆ©finir comme le lieu Ā« où se concentrent les intĆ©rĆŖts moraux et patrimoniaux de la famille Ā».
Cette dĆ©finition qui renvoie Ć la rĆ©sidence principale, exclut par la mĆŖme occasion, la rĆ©sidence secondaire du domaine du logement familial. Position confirmĆ©e par la jurisprudence qui affirme dans un arrĆŖt Ā« quāun immeuble qui sert de rĆ©sidence secondaire aux Ć©poux ⦠ne constitue pas le logement familial Ā» (Cass. 1ĆØre civ. 19 oct. 1999, n°97-21.466).
Le logement familial peut changer dāun point Ć un autre (cas du logement de fonction), sans pour autant avoir Ć se confondre au domicile conjugal (Cass. 1ĆØre civ. 22 mars 1972, n°70-14.049).
Quāen est-il lors dāune sĆ©paration des Ć©poux ?
Lāarticle 215 du Code civil dispose que Ā« Les Ć©poux s’obligent mutuellement Ć une communautĆ© de vie. Ā». Ce qui signifie que les Ć©poux partagent le mĆŖme foyer ou le mĆŖme mĆ©nage. Cependant, il peut arriver quāils vivent sĆ©parĆ©ment. Cela pose alors la question de la dĆ©termination du logement familial.
Deux hypothĆØses sont retenues :
- La situation du logement familial ne change pas si lāun des Ć©poux y est toujours Ć©tabli.
- Le juge dƩterminera la situation du nouveau logement de la famille si les deux Ʃpoux ont quittƩ la rƩsidence principale.
La protection du logement familial
Le rĆ©gime de protection du logement familial est posĆ© par lāarticle 215 du Code civil et consacre un principe, duquel dĆ©coulent les actes prohibĆ©s.
Le principe de la protection du logement familial
Il sāĆ©tend sur deux domaines de protection :
- Le domaine de protection quant Ć lāobjet.
La protection du logement de la famille porte dāune part sur la rĆ©sidence principale. Ce qui exclut de fait la rĆ©sidence secondaire du domaine de la protection. Dāautre part, elle sāĆ©tend aux meubles du logement. Il faut alors entendre par lĆ , selon lāarticle 534 du Code civil, les Ć©quipements Ā« destinĆ©s Ć lāusage et Ć lāornement des appartements⦠».
- Le domaine de protection quant aux actes.
Quant aux actes, la protection vise dāune part Ć encadrer le choix du logement familial, qui selon lāalinĆ©a 2 de lāarticle 215 du Code civil, procĆØde dāun commun accord des Ć©poux. Dāautre part, la protection vise Ć protĆ©ger le logement de la famille dāactes accomplis par lāun des Ć©poux et qui porterait atteinte Ć lāintĆ©rĆŖt de la famille.
Cette protection consacre le statut spĆ©cifique du logement de la famille par son caractĆØre dĆ©rogatoire du droit commun des biens, et encadre ainsi lāexercice du droit de propriĆ©tĆ©, usufruit, habitation, bail, maintien dans les lieux.
Les actes prohibƩs par le rƩgime de protection
LāalinĆ©a 3 de lāarticle 215 du Code civil dispose que Ā« Les Ć©poux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assurĆ© le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni ⦠».
Deux types dāactes sont alors concernĆ©s ici :
- Les actes de disposition du logement.
Ce sont des actes visant Ć aliĆ©ner le logement, ou qui opĆØrent un transfert de propriĆ©tĆ©. On peut citer comme actes : la vente, donation, promesse synallagmatique de vente, vente avec rĆ©serve dāusufruit au profit dāun seul Ć©poux propriĆ©taire, actes conduisant au dĆ©membrement du droit de propriĆ©tĆ©, actes constitutif de sĆ»retĆ©s (hypothĆØque, gage). A noter ici quāĆ la diffĆ©rence de lāaliĆ©nation volontaire (avec consentement des Ć©poux), lāaliĆ©nation forcĆ©e (judiciaire) Ć©chappe Ć ce principe.
- Les actes de gestion du logement
Ce sont des actes qui visent Ć priver la famille de son logement. Il sāagit lĆ dāune extension de la protection du logement familial. En effet, la jurisprudence considĆØre que certains actes de gestion ne peuvent ĆŖtre posĆ©s par un seul Ć©poux, Ć partir du moment où ils portent atteinte Ć lāintĆ©rĆŖt de la famille. Sont alors visĆ©s ici les actes qui rĆ©duisent les droits rĆ©els ou personnels dāun des conjoints, ou qui empĆŖchent sa pleine propriĆ©tĆ© ou jouissance sur le bien immobilier.
Les limites Ć la protection du logement familial
La protection du logement familial admet quelques dƩrogations, notamment pour ce qui est des :
- Actes qui nāentraĆ®nent pas lāaliĆ©nation du logement (exemple : vente assortie dāune clause de rĆ©serve dāusufruit au profit du conjoint survivant ā TGI Paris, 16 dĆ©c. 1970) ;
- Actes de disposition Ć cause de mort ou testaments ;
- Acte de cautionnement ;
- Actes dāexĆ©cution forcĆ©e accomplis par les crĆ©anciers du mĆ©nage ;
- Demande en partage.
Comment est mise en Åuvre la protection du logement familial ?
La mise en Åuvre repose sur le consentement des Ć©poux et la sanction en cas dāabsence de ce consentement.
Le consentement des deux Ʃpoux
Il est prescrit Ć lāalinĆ©a 3 de lāarticle 215 du Code civil et implique un principe de co-dĆ©cision pour tous les actes qui visent Ć priver la famille de son logement. Une attention doit ĆŖtre accordĆ©e toutefois Ć la portĆ©e du consentement des conjoints.
En fonction du rĆ©gime matrimonial, le consentement peut avoir valeur de Ā« simple autorisation Ā» sāil sāagit dāun bien propre Ć lāun des conjoints, acquis avant le mariage, pour lequel il reste seul propriĆ©taire. Tandis quāen rĆ©gime communautaire ou rĆ©gime de la communautĆ©, le consentement du conjoint prend une valeur de Ā« participation Ć lāacte Ā», surtout pour un bien commun.
Concernant les modalitĆ©s du consentement, celui-ci nāa pas besoin dāĆŖtre Ć©crit, mais il doit ĆŖtre certain et porter sur les termes mĆŖmes de lāaliĆ©nation.
La sanction Ć lāabsence du consentement : lāaction en nullitĆ©
Lāacte qui nāa pas reƧu le consentement des deux conjoints encourt la nullitĆ©. Ā« Celui des deux qui n’a pas donnĆ© son consentement Ć l’acte peut en demander l’annulation Ā». Il sāagit dāune nullitĆ© relative qui ne peut ĆŖtre soulevĆ©e que par lāĆ©poux dont les intĆ©rĆŖts ont Ć©tĆ© contrariĆ©s (Cass. com. 26 mars 1996, n°94-94-13.124).
Celui-ci doit justifier dāun intĆ©rĆŖt actuel Ć demander la nullitĆ© de lāacte.
Par ailleurs, l’action en nullitĆ© Ā« ⦠est ouverte dans l’annĆ©e Ć partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais ĆŖtre intentĆ© plus d’un an aprĆØs que le rĆ©gime matrimonial s’est dissous Ā». Cette action est soumise Ć des conditions de dĆ©lais et de preuves quāil convient de maĆ®triser pour son succĆØs.