Depuis son entrée en vigueur en 1979, l’article 12 du Code de procédure civile est au cœur d’une question doctrinale et jurisprudentielle celle de savoir si le juge peut re-qualifier une action mal fondée pour faire droit aux demandes des parties ?
Le juge doit-il ou peut-il re-qualifier les faits ?
Tel qu’énoncé l’article 12 du Code de procédure civile dispose que le juge « doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé ». Autrement dit à la lecture de cet article, on pourrait penser que le juge peut faire droit aux demandes des parties alors même que le fondement choisi au regard des faits n’est pas le bon ; puisqu’il ne doit pas s’arrêter sur « la dénomination que les parties auraient proposé ».
Illustration par la garantie des vices cachés
Dans la pratique cette question s’est retranscrite s’agissant du contentieux de la garantie des vices cachés et de l’action en manquement de l’obligation de délivrance conforme. L’hypothèse est celle selon laquelle un acquéreur se rend compte que la chose qu’il a acheté est défectueuse et qu’au moment de la vente l’objet semblait intact et fonctionnel.
Dans cette hypothèse, l’acheteur pourrait disposer de deux fondements juridiques pour son action contre le vendeur :
- celui de la garantie des vices cachés ;
- et celui du manquement à son obligation de délivrance conforme.
En effet ces deux fondements semblent se ressembler par leur forme mais sont en réalité différents juridiquement, puisque le vice caché porte sur un vice qui rend la chose impropre à l’usage normal auquel on la destine (par exemple l’usage normal d’une voiture d’être fonctionnelle et de ne pas tomber en panne) alors que le manquement de l’obligation de délivrance conforme porte sur une différence entre la chose qui a été convenue dans le contrat de vente et la chose qui a été livrée (par exemple si l’on commande un vêtement rouge mais que l’on reçoit un vêtement jaune).
Ainsi si un justiciable fonde sa demande sur l’obligation de délivrance conforme qui s’avère être le mauvais fondement, le juge peut-il re-qualifier sa demande en garantie des vices cachés et ainsi appliquer le bon droit puisque l’article 12 du Code de procédure civile lui fait obligation de restituer l’exacte qualification aux faits ?
En matière de contentieux des vices cachés, la plupart des chambres de la cour de cassation s’étaient penchées vers une simple faculté pour le juge de re-qualifier la demande. Cependant la première chambre civile avait semé le doute en estimant que « le juge du fond à l’obligation de re-qualifier la demande présentée sur le fondement du vice caché en une non-conformité de l’objet vendu lors de sa délivrance » (Cass. Civ. 1e, 16 juin 1993, Bull. civ. I, n°224, D.1994.210). La cour de cassation est venue mettre un terme au débat en retenant dans un arrêt rendu en Assemblée plénière du 21 décembre 2007 que l’article 12 du Code de procédure civile ne fait pas obligation au juge « sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes » (Cass.Ass. Plén, 21 décembre 2007, 06-11.343). Le juge n’a donc pas l’obligation de changer la demande formulée sur l’action en défaut de conformité en action en garantie des vices cachés afin de faire droit aux demandes.
Cette question n’est pas anodine et elle ne concerne pas uniquement l’action en garantie des vices cachés ou l’action en défaut de conformité mais à titre d’exemple : une cour d’appel n’est pas tenue de vérifier si l’action au titre de créances salariales d’un contrat qu’elle a annulé pouvait être fondée aussi au titre de l’indemnisation du travail fourni (Soc. 2 décembre 2009, 08-43.104 P: D.2010.AJ 13).
Article 12 du Code de procédure civile : Une simple faculté pour le juge
Le juge n’a pas l’obligation de re-qualifier la demande mais il en a la simple faculté si bien que le juge pourrait re-qualifier la demande des parties au litige. Le juge a déjà pu re-qualifier un licenciement en exclusion temporaire avec perte de salaire (Soc. 13 juin 1979 : JCP 1979. IV. 271).
Ainsi, il est primordial pour le demandeur et son avocat de bien qualifier les faits et ce avant l’instruction puisque le juge ne peut relever aucun moyen de droit nouveau par exemple on ne peut demander au cours de l’instance de prendre le fondement des vices cachés alors que l’on a introduit l’instance sur le fondement de l’obligation de conformité.
Pour palier à ces différents problèmes il peut être intéressant pour le demandeur d’énumérer différents fondements à titre principal de la demande, à titre subsidiaire et à titre infiniment subsidiaire, par exemple pour une voiture qui tombe régulièrement en panne après un achat alors qu’elle fonctionnait très bien à l’achat : il est intéressant de solliciter.
- À titre principal la garantie des vices cachés ;
- À titre subsidiaire le défaut de conformité.