Article 1195 du Code civil : explication de la théorie de l’imprévision et son application

12 novembre 2022

Article 1195 du Code civil _ explication de la théorie de l'imprévision et son application

La signature d’un contrat est toujours l’aboutissement d’une négociation ayant permis un compromis équilibré entre les parties. Mais il peut survenir des cas où cet équilibre est rompu par un fait imprévisible rendant par là l’exécution du contrat particulièrement coûteuse pour l’un des contractants. C’est ce que l’on appelle en droit la théorie de l’imprévision. Le législateur, par la réforme du droit des contrats de 2016, a prévu à l’article 1195 du Code civil les voies et moyens par lesquels les parties pourraient trouver une alternative aux circonstances imprévisibles : la renégociation du contrat ou sa résiliation.

La renégociation des termes du contrat

Le législateur prévoit la renégociation du contrat lorsque surviennent des circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat. Ladite négociation doit porter sur des éléments permettant de rééquilibrer la relation contractuelle.

La théorie de l’imprévision

La théorie de l’imprévision est une notion de droit des obligations, qui voudrait qu’un contrat dûment signé soit renégocié lorsque surviennent des changements que les parties ne pouvaient pas prévoir lors de la signature du contrat. L’article 1195 du Code civil parle de « … changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat … » rendant son « … exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque. ».

A la lecture de l’article sus cité, il est possible de ressortir les conditions de l’imprévision.

Ce sont ces éléments qui justifient la demande de renégociation du contrat de la part du contractant lésé :

  • Un changement imprévisible : l’imprévision renvoie ici à l’inattendue des nouvelles circonstances au jour de la conclusion du contrat.
  • Une exécution du contrat devenue excessivement onéreuse : les obligations contractuelles affectées par les changements imprévisibles peuvent entraîner des coûts abusivement élevés dans leur exécution.
  • Une absence d’acceptation de changement de circonstances : la partie lésée ne doit pas avoir accepté de supporter les risques de changement de circonstances.

Bon à savoir :

La théorie de l’imprévision se distingue de celle de la force majeure ; en ce sens qu’en cas de force majeure, il y a une totale impossibilité d’exécution du contrat.

La renégociation du contrat proprement dite

Elle est introduite au moyen d’une demande de renégociation contractuelle, adressée par le contractant lésée à l’autre partie. Le législateur indique que la partie lésée « … peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. » lorsque les conditions sont réunies. Au terme de la renégociation du contrat, les parties peuvent s’accorder pour :

  • Modifier le contrat ;
  • Mettre fin au contrat ;
  • Recourir à l’intervention du juge.

Lorsque la modification du contrat est retenue, les parties peuvent de commun accord opter pour la :

  • Réduction du prix ;
  • Prorogation légitime de délais de livraison ;
  • Partage de surcoûts ;
  • Allongement des délais de paiement.

Bon à savoir :
Les trois conditions de l’imprévision sont cumulatives, cela veut dire que toutes doivent être réunies pour qu’opère la théorie de l’imprévision. Par ailleurs, chacune des conditions doit être caractérisée, manifeste et sans équivoque.

Enfin, la renégociation du contrat n’emporte pas suspension de l’obligation de la partie lésée, qui devra alors poursuivre son exécution, comme le rappelle le législateur « elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation » jusqu’à son issue.

Lorsque la renégociation n’a pas abouti à une modification du contrat, les parties peuvent alors décider de résilier le contrat au terme qui leur conviendra.

La résiliation du contrat

La résiliation du contrat peut se faire soit dans un cadre contractuel entre les parties, soit par voie judiciaire devant un juge.

La résolution du contrat par les contractants

L’article 1195 du Code civil dispose que « En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent ». On retient ici que la résolution doit se faire de commun accord entre les parties. Cela exclut de prime abord toute résolution unilatérale. Mais pas toujours.

La résolution du contrat est un moyen par lequel l’une ou les parties au contrat décident de mettre un terme au contrat. Généralement, prévue par une clause résolutoire, la résolution opère même en cas d’absence d’une telle clause dans le contrat. Le Code civil, aux articles 1224 et suivants prévoit que la résolution résulte, outre de l’application d’une clause résolutoire, mais aussi d’une inexécution des obligations contractuelles suffisamment grave.

Dans la pratique, c’est la partie (créancier ou débiteur) ayant le plus intérêt à la sauvegarde de ses intérêts lésés qui demandera à résoudre le contrat. La demande est alors adressée à l’autre partie par le biais d’une notification de mise en demeure.

Normalement, la résolution d’un contrat entraîne un effet rétroactif. Ce qui veut dire qu’il y a en principe restitution des prestations ; mais l’article 1195 du Code civil dispose que les parties peuvent s’accorder mutuellement sur la date de prise d’effet et les conditions de la résolution. A défaut de cette résolution amiable du contrat, les parties peuvent « … demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation ».

L’intervention du le juge

L’intervention du juge dans le contrat a toujours été l’objet de débats farouches au sein de la communauté de juristes. D’aucuns y voyant une ingérence déplacée du magistrat, le contrat étant l’expression de la volonté des parties ; d’autres y voient une nécessité pour rééquilibrer la relation contractuelle.

Depuis la réforme du droit des contrats de 2016, le législateur a tranché en reconnaissant le recours au juge dans le contrat, mais à la demande des parties « A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin. ».

Cette intervention varie en fonction de l’importance de la manœuvre.

Au sens de l’article 1195 du Code civil, on pourrait en déduire qu’adapter le contrat revient à quelques réglages ponctuels, circonstanciels par le juge, afin de permettre au débiteur lésé de facilement exécuter ses obligations contractuelles.

La révision du contrat par le juge ici s’entend d’une profonde modification structurelle du contrat. C’est donc tout le contrat qui est entièrement restructuré afin de rétablir l’équilibre entre les contractants de manière plus durable.

Enfin le terme du contrat. Le juge peut en dernier recours résilier le contrat, lorsque les la volonté et les intérêts des parties ne peuvent plus permettre la stabilité du contrat. La résiliation judiciaire emporte alors libération des obligations des parties « à la date et aux conditions » fixées par le juge.

Bon à savoir :

Afin de prévenir tout éventuel déséquilibre dans le contrat, les parties peuvent insérer une clause de hardship encore appelée clause de renégociation ou clause de sauvegarde, une clause de révision des prix. Pour limiter leurs responsabilités respectives, elles peuvent aussi prévoir une clause limitative de responsabilité ou clause d’exonération. Enfin, elles peuvent aussi rajouter une clause compromissoire pour exclure de leur contrat toute compétence des tribunaux.

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