La force obligatoire du contrat commence au moment de sa conclusion, par la signature des parties. Les cocontractants expriment ainsi leur volonté de contracter et leur adhésion aux clauses contractuelles. Mais il est des cas où ils peuvent choisir de sécuriser la phase précontractuelle, afin de garantir leurs intérêts dans un éventuel contrat futur. Les cocontractants vont donc signer un avant-contrat, le pacte de préférence. Cet acte contractuel est prévu par le législateur à l’article 1123 du Code civil. Il importe alors de s’interroger sur sa définition, ses conditions de validité, mais également sur son régime juridique.
Qu’est-ce qu’un pacte de préférence?
Comment définir le pacte de préférence ?
Le législateur a défini le pacte de préférence à l’article 1123 du Code civil. Il en ressort que :
« Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. ».
Le pacte de préférence opère une restriction des droits du promettant, qui voit ainsi sa liberté contractuelle limitée à la seule personne du bénéficiaire du pacte.
Généralement fréquent en matière de vente, le pacte de préférence correspond à un accord de volontés dont l’objet est le droit de priorité que consent le promettant au bénéficiaire, dans l’hypothèse où il envisagerait de contracter.
À travers le pacte de préférence, il y a création d’une obligation à la charge du promettant. Il s’oblige volontairement à proposer l’offre de contrat en priorité au bénéficiaire. Ce n’est alors que lorsque celui-ci aurait refusé l’offre qu’il pourra la proposer aux tiers. Cela signifie donc que le bénéficiaire a une sorte de droit de préemption conventionnel.
Ce droit de préemption implique que, bien que le consentement du promettant soit acquis, le bénéficiaire n’est pas tenu d’accepter l’offre. Il peut donc décider de l’écarter, autant que peut toujours décider le promettant de ne pas contracter.
Quelle différence entre pacte de préférence et promesse unilatérale de vente ?
Le pacte de préférence et la promesse unilatérale de vente sont des avant-contrats ou encore contrats préparatoires. Cependant, la promesse unilatérale de vente est définie par le législateur comme :
« le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. ».
Consultez notre article sur la promesse unilatérale de vente.
Quelles sont les conditions de validité du pacte de préférence ?
La validité du pacte de préférence est soumise au respect des conditions de droit commun et des conditions spécifiques.
Les conditions de droit commun sont celles que doivent satisfaire tout contrat. Le pacte de préférence étant un acte contractuel, il n’échappe pas à la règle. Ces conditions sont énoncées par l’article 1128 du Code civil. Il s’agit alors de :
- Le consentement des parties ;
- La capacité de contracter ;
- Le contenu licite et certain.
Au-delà de ces conditions de droit commun, le pacte de préférence doit indiquer la nature du contrat définitif, son objet et son contenu.
Le pacte doit également répondre à certaines conditions spécifiques. Ces conditions sont déduites de l’analyse de l’article 1123 du Code civil, mais surtout elles sont tirées de la jurisprudence.
Il faut déjà noter qu’avant d’être légiféré par la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, le pacte de préférence faisait déjà l’objet de jurisprudence. Le juge a donc fortement contribué à l’encadrement de ce contrat.
Trois conditions spécifiques peuvent être citées. Il s’agit de :
- La durée :
Le pacte de préférence peut ou non mentionner sa durée. Le principe reste le même. Le contrat définitif reste hypothétique. Le promettant peut donc y parvenir, tout comme il peut toujours changer d’avis et refuser de contracter.
Par ailleurs, en vertu du principe de la prohibition des engagements perpétuels rappelé par la Cour de cassation le 15 janvier 2003, nul ne saurait être engagé indéfiniment dans des liens contractuels. Dans un arrêt du 27 septembre 2005, la Cour a admis qu’une durée manifestement excessive (20 ans) serait une cause légitime de résiliation du pacte.
En somme, lorsqu’il indique la durée, le pacte ne peut plus faire l’objet d’une résiliation unilatérale, excepté en cas de durée excessivement longue.
- Le du prix :
Tout comme la durée, le pacte n’est pas tenu d’indiquer le prix.
Le juge rappelle dans un arrêt de la Cour de cassation que la détermination du prix et la stipulation du délai ne sont pas des conditions de validité du pacte (Cass., civ, 3e, 15 janvier 2003). Cette position se justifie dans la mesure où aucun consentement définitif n’a été donné, ni de l’une, ni de l’autre partie.
La détermination du prix équivaudrait à un plein consentement de la part des parties.
Cependant, le consentement à un contrat ne peut être valablement donné que si tous les éléments essentiels du contrat sont précisés. Ce qui n’est pas le cas dans un pacte de préférence.
- Absence d’exigence de publicité :
Si certains actes doivent être publiés pour être opposables aux tiers, il n’en est pas le cas pour le pacte de préférence, dans la mesure où le pacte ne comporte pas de consentement définitif à contracter.
Il en est particulièrement le cas lorsque le pacte de préférence accorde un droit prioritaire sur la vente d’un immeuble appartenant au promettant.
L’obligation de publicité exigée à l’article 1589 du Code civil ne vaut pas pour le pacte.
La raison avancée par le juge est simple. Dans un arrêt du 16 mars 1994, la Cour de cassation a qualifié le pacte de préférence à une promesse unilatérale conditionnelle, de ce fait, il ne saurait limiter le droit du promettant de continuer à disposer de son bien.
Quel est le régime juridique du pacte de préférence ?
Le régime juridique du pacte traite des cas liés à la violation ou inexécution du pacte, et les conséquences qui en découlent.
Les cas d’inexécution du pacte
La violation du pacte de préférence a une triple-dimension, à savoir :
- Première dimension : le promettant
C’est celui qui s’engage auprès du bénéficiaire. Il commet alors une violation du pacte lorsqu’il s’engage et contracte auprès d’un tiers, sans avoir au préalable fait une offre de contrat au bénéficiaire comme convenu dans le pacte.
Il est également coupable de violation si à la suite de pourparlers ou négociations avec le bénéficiaire du pacte, restés sans suites, le promettant fait une offre plus alléchante à un tiers (Cass., civ ; 3e, 29 janvier 2003).
- Deuxième dimension : le bénéficiaire du pacte
C’est celui à qui bénéficie le pacte. En principe, il ne saurait porter atteinte au pacte, dans la mesure où il n’a pas donné son engagement à contracter avec le promettant.
Le pacte consiste en un engagement unilatéral de la part du promettant. Pour sa part, le bénéficiaire, comme latitude d’action, peut soit :
- Accepter l’offre de contrat telle que présentée par le promettant ;
- Refuser l’offre de contrat telle que présentée par le promettant ;
- Renoncer à son droit de priorité.
- Troisième dimension : le tiers
Le tiers, en principe neutre dans le pacte, est toutefois soumis, conformément à l’article 1200 du Code civil, à l’obligation de :
« respecter la situation juridique créée par le contrat ».
Ainsi, le pacte s’impose également à eux.
À cet effet, est fautif le tiers qui, ayant connaissance de l’existence d’un pacte de préférence, s’engage avec un promettant, sans s’être rassuré à l’avance de la satisfaction de l’obligation de celui-ci à l’égard du bénéficiaire de l’acte. Il engage alors sa responsabilité délictuelle.
Pour éviter d’être sanctionné, l’article 1123 dispose à l’alinéa 3 que :
« Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir. »
Les sanctions à l’inexécution du pacte
Le législateur a prévu trois types de sanctions à l’article 1123 du Code civil :
- Les dommages et intérêt
L’alinéa 2 de l’article 1123 énonce que :
« Le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. ».
Le bénéficiaire lésé obtiendra réparation contre le promettant sur la base de la responsabilité contractuelle, et contre le tiers sur la base de la responsabilité délictuelle.
- La nullité du contrat conclu en violation du pacte
Il faudra distinguer selon que le tiers est de bonne foi ou de mauvaise foi. S’il est de bonne foi, le contrat conclu est inattaquable et ne peut être annulé.
Si, par contre, il est de mauvaise foi, la nullité du contrat est prononcée. La charge de la preuve de la mauvaise foi incombe au bénéficiaire (article 2274 du Code civil).
- La substitution du bénéficiaire au tiers
L’alinéa 2 de l’article 1123 prévoit que le bénéficiaire peut :
« Demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu. »
Ceci à condition que le tiers soit de mauvaise foi, c’est-à-dire qu’il ait été au courant de l’existence du pacte, et de l’intention du bénéficiaire de faire valoir son droit de priorité.