Est-il encore possible de considérer qu’il existe de réelles différences entre le régime applicable à la situation des commerçants et celui applicable à celle des artisans ? En effet, si ces régimes étaient autrefois bels et bien distincts, cette distinction se voit amenuisée au fil du temps. En cause, la tendance accrue à l’application et la transposition de règles provenant initialement du régime commercial vers le régime de l’artisanat.
En dernier exemple, la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a cherché à réunir commerçants, professions libérales, artisans et autres ; sous un statut unique d’entrepreneur individuel. Par ces différentes évolutions, difficile de savoir si le régime du commerçant et celui de l’artisan ont et auront toujours vocation à être distingués.
L’extension progressive du régime commercial au régime artisanal
Ces dernières années, le législateur semble dégager une réelle volonté quant au rapprochement du régime applicable aux commerçants et celui applicable aux artisans. Si initialement, on savait que l’artisan se voyait appliquer un régime différent de celui du commerçant comme le montre un arrêt de la chambre des requêtes du 22 avril 1909, cette séparation de régime n’est plus si claire à l’heure actuelle.
Les raisons du rapprochement des deux régimes
Le rapprochement des régimes peut se traduire, premièrement, par l’application des règles propres au conjoint du commerçant au conjoint de l’artisan comme le montre l’article L121-4 du Code de commerce par la formule « Le conjoint du chef d’entreprise artisanale, commerciale ». De plus, les procédures collectives telles que le redressement judiciaire, la liquidation judiciaire ou encore la sauvegarde de justice s’appliquent à ces deux professions sans qu’il soit possible d’y observer ne serait-ce qu’une légère différence d’application.
Autre réunion importante : la notion de fonds de commerce et de fonds artisanal, créé par la loi du 5 juillet 1996. Le fonds artisanal peut être considéré comme un « calque » du fonds de commerce puisque son régime repose, tout simplement, sur l’application des règles relatives aux fonds de commerce. De ce fait, il est possible d’appliquer le statut favorable des baux commerciaux à des artisans comme le montre l’article L145-1 du Code de commerce.
L’artisan et le commerçant voient leurs professions se rapprocher également par le fait qu’ils se voient appliquer, souvent, les mêmes règles de sécurité notamment en droit de la consommation ou alors qu’ils relèvent tous deux d’un registre particulier d’immatriculation. A savoir, le registre du commerce et des sociétés pour le commerçant et le répertoire national des métiers pour l’artisan. Bien que cette différence n’ait plus de véritable avenir avec la mise en œuvre du registre des entreprises recensant commerçants, artisans et professions libérales à partir du 1er janvier 2023 entraînant la suppression du répertoire des métiers mais pas de celle du RCS.
Les différences entre les deux régimes
Pour autant, il est toujours possible d’observer quelques différences entre les régimes notamment sur l’appréciation du critère d’indépendance plus stricte vis-à-vis de l’artisan ou encore sur les règles de preuve et de capacité où l’artisan se voit toujours appliquer le droit commun. Pour le moment, il est encore possible d’appréhender le statut d’artisan comme un statut hybride mêlant régime de droit commun et régime de droit commercial.
La compétence nouvelle du tribunal de commerce pour connaître des litiges entre artisans
Si l’artisan est considéré comme une profession civile, à l’instar des professions libérales, celui-ci a été soumis à un changement de compétence juridictionnelle. Depuis le 1er janvier 2022, les litiges qui s’opposent entre les artisans ressortent de la compétence du tribunal de commerce. De même pour les litiges qui viendraient opposer commerçants et artisans entre eux comme le montre le 1° de l’article 721-3 du Code de commerce.
La question de la compétence juridictionnelle a toujours été primordiale en droit et plus particulièrement en droit commercial lorsque le litige oppose un commerçant et un artisan. Le fait de donner compétence à la juridiction commerciale pour connaître des litiges opposant les artisans et les commerçants entre eux, peut permettre de simplifier ces questions de compétences. Par cette assimilation récente, on ne peut s’empêcher de penser à une volonté de réunir ces deux régimes sous un régime unique mettant en œuvre, alors, une possible absorption du régime du commerçant sur le régime de l’artisan d’ici quelques temps.
L’adoption de la loi du 14 février 2022 en faveur de l’entrepreneuriat individuel impliquant l’application d’un régime unique
Le législateur ne s’est pas arrêté à la compétence juridictionnelle ou à l’application de certains mécanismes commerciaux à l’artisan. Par la création premièrement de l’EIRL le 15 juin 2010 puis par l’adoption de la loi du 14 février 2002 qui établit un nouveau tournant dans l’application d’un régime commun aux artisans et commerçants. Si l’EIRL permettait déjà aux professions indépendantes telles que l’artisan et le commerçant de se voir appliquer un même régime lorsqu’ils le souhaitaient. La loi en faveur de l’activité indépendante est venue créer un régime unique pour les professions indépendantes dès lors qu’ils agissent en qualité d’entrepreneur individuel.
Pourtant, le régime de l’EIRL n’a pas rencontré un grand succès ou du moins le succès escompté mais cela n’a pas empêché le législateur d’insister en adoptant la loi de 2022, s’appliquant à des professions telles que le commerçant ou l’artisan. Ainsi, ces derniers lorsqu’ils agiront en tant qu’entrepreneur individuel se verront appliquer le même régime sans la moindre distinction. On se rattache, ici, à la notion d’entreprise qui est de plus en plus utilisée par le législateur permettant d’englober beaucoup de professions comme peut le montrer la création du registre national des entreprises.
Par ces différentes évolutions, il est tout de même possible d’observer une réelle contagion du régime commercial vers le régime artisanal. Les dernières évolutions veulent, peut-être, montrer une volonté d’assimilation de ces régimes. Pour autant, même si les similitudes sont de plus en plus nombreuses, quelques différences subsistent.