De nos jours, l’infraction de blanchiment est au coeur des préoccupations du législateur qui, par des réformes successives a tenté de développer le système le plus efficace de lutte. Le blanchiment constitue l’épicentre de la criminalité organisée et engendre de lourdes répercussions sur les économies des différents pays.
Il convient alors d’étudier successivement la construction du dispositif répressif du blanchiment (I) avant de s’intéresser au mode opératoire de l’infraction (II).
I – La construction d’un dispositif répressif
Traduit de l’américain « money laudering », le blanchiment désigne l’opération consistant à masquer l’origine frauduleuse de sommes d’argent. Particulièrement complexe, et reposant sur des montages très élaborés, il se développe très facilement à l’échelle internationale. Le blanchiment n’a pas de frontières et ce constat est difficile à envisager quand on sait que le droit pénal et la procédure pénale sont nationaux.
Face à ces préoccupations, s’est amorcée la constitution de tout un dispositif de lutte contre le blanchiment. Toutefois, il fallut attendre les années 1980 pour que les communautés internationales prennent réellement conscience des enjeux et des risques de l’infraction de blanchiment. À cette époque, on constatait également, dans les législations nationales, une absence d’outils juridiques permettant de lutter contre cette infraction.
Dès 1980, sous l’égide de l’ONU, s’engage une réflexion au plan international afin de parvenir à doter les États d’une législation plus efficace dans la lutte contre le blanchiment. À la suite de cette réflexion, la France va agir rapidement et deviendra le premier pays au monde à introduire l’incrimination de blanchiment dans sa législation. Ainsi, le premier texte apparaitra en 1987 dans le Code de la santé publique mais ne concernera qu’une infraction très spécifique : l’infraction de blanchiment de capitaux provenant du trafic de stupéfiants.
Plus tard, en 1988, sera signée la Convention de Vienne, ayant pour objet d’harmoniser les législations nationales sur la criminalité organisée et qui érige en infraction pénale le blanchiment de capitaux issus du trafic de stupéfiants. C’est ainsi que se mettra en place un mécanisme pour aider les États à construire leur dispositif de lutte et pour partager leurs réflexions en la matière.
S’est alors engagé un mouvement international de lutte, notamment avec la Convention de Palerme du 15 novembre 2000, qui instaure une véritable coopération dans la lutte contre le crime international et le blanchiment d’argent sale.
Mais cette évolution ne s’est pas limitée aux techniques utilisées par les blanchisseurs, car au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, la lutte contre le blanchiment des capitaux a été suivie de celle contre le financement du terrorisme. En effet, le blanchiment des capitaux constitue l’un des principaux moyens de financement du terrorisme international. Dès lors, si auparavant seul le blanchiment des produits du trafic de stupéfiants était pénalement répréhensible, la répression a été élargie aux capitaux provenant d’activités criminelles.
Toutefois, un certain nombre d’États n’ont jamais participé à ces discussions, on pense particulièrement aux paradis fiscaux, dans lesquels le blanchiment se pratique à grande échelle. Ces États entravent considérablement l’efficacité de la lutte contre le blanchiment, car un paradis fiscal se retrouve toujours dans l’opération. C’est pourquoi, ces paradis fiscaux sont dans le viseur de tous les États qui n’en sont pas.
En France, le Groupe d’Action Financière (GAFI) a été crée en 1989 à l’occasion du sommet de l’Arche dans le but d’aider à la structuration de la lutte contre le blanchiment. Tous les ans, le GAFI publie des recommandations qui ont pour rôle d’aider les pays à améliorer leur législation en matière de lutte. C’est un lieu de réflexion, pour permettre d’améliorer la lutte au plan international.
La France a généralisé l’infraction de blanchiment par une loi du 13 mai 1996, qui introduit dans le Code pénal un nouveau Chapitre (Chapitre IV du Livre III) intitulé « Du blanchiment ».
C’est ainsi qu’on est parvenu à avoir un texte dans le Code pénal venant incriminer le blanchiment de capitaux provenant de crimes ou de délits. Le texte dans le Code de la santé publique a cependant été conservé, bien qu’il ne soit plus utilisé car la définition donnée par le Code pénal est plus générale et la sanction plus lourde.
Par ailleurs, le FMI a indiqué dans un rapport que la France était un des pays les plus en pointe dans la lutte contre le blanchiment de capitaux. Le législateur a très vite eu conscience que la lutte contre le blanchiment était très compliquée, notamment au regard de l’insuffisance des moyens engagés par l’État.
Mais comment s’opère le blanchiment de capitaux ?
II – Le mode opératoire de l’infraction
La doctrine a tenté de démontrer comment l’opération de blanchiment se réalisait et a fait ressortir 3
étapes.
La première phase dite de « prélavage », aussi appelée « placement », conduit au passage de l’argent sale à l’argent propre. L’objectif est de se débarrasser matériellement d’importantes sommes d’argent en liquide.
Pour ce faire, on constate qu’il y a deux types de moyens : les moyens primaires et les moyens sophistiqués.
S’agissant des moyens primaires, la première technique consiste à transporter l’argent en dehors de nos frontières, à destination de pays plus accueillants en terme de législation (Monaco, Suisse, Luxembourg…) La seconde technique utilisée consiste à amalgamer les fonds illicites à des fonds licites provenant d’une activité commerciale. On va mélanger des fonds, et particulièrement dans des secteurs d’activités qui manient beaucoup les liquidités comme le secteur de l’hôtellerie, de la restauration ou encore au moyen de laveries automatiques.
- coté des moyens primaires, on rencontre les moyens sophistiqués qui consistent à utiliser des circuits financiers afin que le blanchiment deviennent une véritable opération financière. Pour ce faire, les banques, vont être utilisées pour héberger, récupérer, placer l’argent sale. L’établissement financier peut être de bonne foi s’il ne soupçonne pas le blanchiment, mais le plus souvent il aura parfaitement conscience qu’il participe à ce type d’opérations. Ici on rentre dans un système plus complexe, l’important est que le dépôt des capitaux se fasse discrètement et que les pistes commencent à être brouillées.
La seconde phase, dite de « lavage » ou « d’empilage de capitaux », est celle au cours de laquelle les capitaux qui ont été injectés dans les circuits financiers vont être convertis. Ils peuvent être convertis en instruments de paiements, en lettre de change, en biens de consommation… l’objectif est de multiplier le nombre d’opérations. Très souvent, on va rencontrer des achats suivis de reventes successives car il faut rendre l’identification de l’origine des fonds le plus difficile possible. Ainsi, fréquemment, on assiste à des transferts de fonds électroniques car, faits en quelques secondes, ils vont perdre les enquêteurs.
Enfin, la troisième et dernière phase est celle de « recyclage », ou « d’intégration. » C’est la phase la plus importante car elle va donner une apparence de légalité aux capitaux. Puisqu’ils auront une apparence licite, ces capitaux vont être remis en circulation dans l’économie. Le plus souvent, leur propriétaire va tenter de réaliser des opérations imposables, car le fait de payer l’impôt donne une apparence d’honnêteté.
Plus les opérations sont complexes, plus elles se réalisent dans différents pays et plus la répression est difficile.