Après une longue procédure de divorce, le Royaume-Uni s’est enfin séparé de l’Union européenne le 31 décembre 2020. Des répercussions, notamment économiques, ont déjà pu être observées, comme des dysfonctionnements d’approvisionnement de marchandises et bien d’autres. Pour autant, l’accord du 24 décembre 2020 a été signé de justesse afin de limiter ces conséquences plus précisément en matière de douane. En effet, pour Ana Boata cet accord est “avantageux”. Mais concrètement quelles sont les conséquences de l’accord sur le droit de douane ?
I . Distinction entre le droit des douanes et le droit de douane.
Le droit des douanes ou droit douanier consiste à ce que chaque pays possède un territoire douanier sous un ensemble de règles qui viennent encadrer les formalités et les conditions applicables aux marchandises que ce soit lors de l’importation ou de l’exportation.
Pour autant les pays membres de l’Union européenne n’ont pas un territoire douanier propre à chacun mais un territoire douanier communautaire depuis le 1er janvier 1993. Ce territoire douanier commun a été conçu avec la perspective que les marchandises circulent librement ; sauf en cas d’exceptions (les produits alimentaires, les armes, les médicaments, etc). C’est le TEC (Tarif Economique Commun) qui fixe une taxation et une réglementation identiques pour les pays membres de l’Union européenne. Mais cela veut aussi dire que ces pays ont abandonné toute compétence en matière de réglementation douanière depuis la signature de l’Acte unique en 1993. L’article 30 du Traité de Rome dispose: “ Les restrictions quantitatives à l’importation, ainsi que toutes mesures d’effet équivalent sont interdites entre les États membres, (…)”. Donc il n’y a pas de droit de douane qui est appliqué sur les produits expédiés entre les Etats membres. C’est dû au fait qu’il existe une libre circulation des marchandises.
Effectivement, le droit de douane permet à un pays de prélever une taxe sur une marchandise importée sur son territoire dans l’objectif de protéger son industrie nationale. Donc le droit de douane c’est un impôt déduit sur une marchandise lors de l’importation.
Pour les économistes Adam Smith et David Ricardo il est dans l’intérêt des pays d’ouvrir leurs douanes afin de permettre l’accroissement du commerce. C’est en s’inspirant de cette théorie que le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) et par la suite l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) et notamment l’OMD (Organisation Mondiale des Douanes) ont mis en place des politiques mondiales favorisant la baisse du droit de douane mais tous les pays n’y ont pas participé.
Dans une économie mondialisée, le droit de douane peut être à double tranchant. En effet, il peut servir pour protéger l’industrie nationale et réduire le déficit commercial comme l’avait fait Donald Trump en fixant une taxe sur l’importation d’acier de 25% et d’aluminium de 10 %. Mais cela peut avoir des répercussions négatives notamment le fait que les autres pays augmentent leurs tarifs douaniers. Ce fut le cas lorsque l’Europe imposa une taxe sur les importations de Harley Davidson pour contrer les taxes de Donald Trump sur l’acier en provenance de l’Europe. En conséquence, il peut y avoir une délocalisation des productions pour contourner ces taxes trop élevées.
Dès lors que le droit de douane a une place éminente pour un bon fonctionnement de l’économie mondiale, il était important pour l’Union européenne et le Royaume-Uni de conclure un accord pour éviter des pertes économiques. Mais qui est réellement touché par ces effets de droit de douane après le Brexit ?
II. Brexit : chamboulement du droit de douane
En théorie, l’accord conclu le 24 décembre 2020 est “sans tarifs, ni quotas”. C’est-à-dire que les échanges entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ne subissent pas de droits de douane. Mais évidemment ce n’est pas aussi simple.
Certains consommateurs ont dû payer des droits de douane après avoir passé des commandes sur des sites hébergés au Royaume-Uni comme Pretty Little Things, Beauty Bay, ou même Amazon. Certaines de ces boutiques en ligne ont décidé de rembourser leurs clients mais pourtant elles ne sont pas dans l’obligation de dédommager. En effet, l’accord du 24 décembre 2020 permet de profiter d’une exonération sur le droit de douane prévue au chapitre 3 sous certaines conditions pour les produits en provenance du Royaume-Uni :
- Si un produit n’est pas d’origine britannique et n’excède pas un seuil de 150 euros cela veut dire il n’y a pas de droits de douane à payer
- Si cela excède 150 euros on peut être amené à payer des droits de douane
- Si c’est un produit d’origine britannique, il n’y a pas de droits de douane
En principe l’accord se voulait “sans tarifs, ni quotas” et pourtant, à défaut d’anticiper les règles d’origine, les entreprises ont été contraintes de payer les droits de douanes. Ces règles prévoient que pour bénéficier d’une exonération de droit de douanes, le produit originaire doit être majoritairement composé d’ingrédients en provenance de l’UE et/ou du Royaume-Uni ou destiné à subir des transformations au sein de l’EU. Ce manque d’anticipation de la part des entreprises est étonnant étant donné que les règles d’origine sont souvent présentes dans les accords commerciaux. C’est le cas de l’enseigne Marks and Spencer dont certains produits ne sont plus en vitrine car ils sont d’origine britannique.
Les changements occasionnés par l’apparition du BREXIT ne sont pas encore totalement assimilés par les britanniques, confrontés à une situation inédite de leur propre territoire douanier. Il faut du temps pour mettre en place toutes les mesures adéquates, en espérant que les perturbations dues aux formalités douanières ne soient que temporaires.