Brexit : un accord commercial inédit aux répercussions hasardeuses

7 avril 2021

Brexit : un accord commercial inédit aux répercussions hasardeuses

Après plus de onze mois de négociations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, un  accord a été signé pour la sortie des britanniques du marché économique de l’Union européenne. La conclusion de cet accord était primordiale. En effet, l’enjeu du marché économique entre les britanniques et les européens était d’environ 740 milliards d’euros par an. Cet accord demeure tout de même singulier car il est le plus important conclu par l’Union européenne avec un pays tiers. Par ailleurs, cet accord de libre échange vient rétablir les barrières administratives qui n’existaient plus. 

I. Les différentes catégories d’accords internationaux commerciaux

Il faut faire une distinction entre les accords bilatéraux, régionaux et multilatéraux. 

→ Les accords commerciaux multilatéraux 

Pour le commerce international, les accords multilatéraux se sont développés après la Seconde Guerre mondiale pour instaurer des principes généraux à vocation universelle. Souvent ces normes vont être conclues par les Etats ou des instruments formels c’est-à-dire des organisations internationales permanentes comme par exemple les Nations Unies. Dans le cadre des accords multilatéraux commerciaux, on peut citer les accords de Bretton Woods en 1944 pour la création du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. 

Les accords commerciaux régionaux (ACR)

Ce sont des accords souvent conclus entre des pays d’une même région géographique afin de faciliter les échanges entre eux mais également pour compléter les accords commerciaux multilatéraux. A l’origine ils ont été créés pour contourner l’OMC qui est fondée sur la liberté commerciale et la non-discrimination entre partenaires commerciaux et c’est l’article XXIV du GATT qui prévoit ces exceptions. Donnant ainsi lieu à l’UE, MERCOSUR, ANASE, etc.

Les accords commerciaux bilatéraux

Ce sont des accords signés entre deux pays, souvent conclus dans le cadre de secteur précis. Ces accords peuvent réunir les traités de libre échange, les traités d’investissements et également les traités en matière de coopération judiciaire. Les Etats membres de l’UE, ne peuvent pas conclure d’accord bilatéral car cette compétence est exclusive à l’Union (CJUE, 16 mai 2017, avis 2/15), sauf dans certains domaines pour lesquels la compétence est partagée entre l’UE et les Etats membres. C’est le cas par exemple en matière d’environnement comme mentionné à l’article 191 du TFUE.

II. L’accord de partenariat économique et commercial

On est en présence d’un accord bilatéral qui prévoit plusieurs domaines spécifiques variés, notamment dans certains secteurs assez importants : 

→ Les droits de douane, c’est un accord sans quota ni droits de douanes comme on le retrouve dans Part two : Trade, Transport, Fisheries and other arrangements, Heading one : Trade, Title I : Trade in goods. Il y a un retour des barrières douanières donc les entreprises sont dans l’obligation de déclarer tous les produits/marchandises allant et provenant du Royaume-Uni avec une particularités pour les produits alimentaires et animaux, pour lesquels il faut une déclaration sanitaire en plus. Avec cette remise en place des douanes il y a aussi un contrôle qui se fait de manière progressive. 

→ Les conditions pour une concurrence équitable dans Part two : Trade, Transport, Fisheries and other arrangements, Heading one : Trade, Title XI : Level playing field for open and fair competition and sustainable development. Cela va concerner la protection de l’environnement, la lutte contre le changement climatique, les droits sociaux et du travail, la transparence fiscale et les aides d’État. En cas d’un manquement à ces résolutions, des augmentations des droits de douane peuvent être prévues. 

→ En cas de différends, le traité prévoit un mécanisme de règlement de ces différends autre que la Cour de justice de l’Union européenne. On retrouve ces dispositions dans Part one : Common and institutional provisions, Title III : Institutional Framework qui met en place un “Partnership Council” (Conseil conjoint) vérifiant que l’accord est correctement appliqué. 

→ La pêche est l’un des points durement négociés par les britanniques. Il y a une continuation de la pêche dans les eaux britanniques mais une baisse de 25% des prises doit être envisagée (environ 650 millions d’euros par an) d’ici janvier 2026 et ensuite l’accès à la pêche devient renégociable tous les ans avec le Royaume-Uni (Part two : Trade, Transport, Fisheries and other arrangements, Heading five : Fisheries).

→ En matière de transports, il y a une continuation des flux mais moins avantageux que précédemment. Il faut qu’il y ait une concurrence équitable entre les opérateurs (Part two : Trade, Transport, Fisheries and other arrangements, Heading two: Aviation, heading Three : Road transport).

III.  Brexit : un accord commercial entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne, à ses risques et périls

Même si cet accord était animé par la volonté de limiter les conséquences du Brexit, ces dernières restent néanmoins apparentes. 

Les PME/PMI britanniques dans les pays européens ne peuvent plus exporter leurs produits à cause de la lourdeur administrative et des coûts donc il y a des impacts sur les chaînes d’approvisionnement. En effet, la quantité de produits venant du Royaume-Uni a baissé car il y a trop de formalités. On peut voir que de grandes enseignes en souffrent comme Mark & Spencer en France. C’est également le cas dans le sens inverse. Honda, dans son usine de Swindon en Grande-Bretagne, avait arrêté sa production pendant deux jours en janvier faute d’approvisionnement. 

Des conséquences du Brexit vont encore plus loin. En effet, les britanniques ne profitent plus des accords que Bruxelles avait négociés avec le monde. Ils les ont toutefois vite remplacés avec par des accords avec pas moins de 58 pays comme par exemple le Canada, le Japon, etc. Le Royaume-Uni a donc l’objectif de retrouver un marché économique de libre échange qui n’est plus dispensé par l’UE. Pourtant il faut relever que les importations et exportations avec les pays hors UE ne représentent que 11% (environ 191 milliards d’euros) des échanges réalisés par les britanniques contre 783 milliards d’euros avec l’UE.

On est aujourd’hui dans un monde économique partagé par l’Amérique et la Chine. Ce qui explique pourquoi Boris Johnson avait fait une promesse de signer avec D. Trump un accord commercial à sa réélection mais cela est désormais au point mort. Du côté de la Chine, les britanniques n’ont pas signé de traité avec cette puissance mondiale, dissuadés par l’existence de liens entre B. Johnson et D. Trump. Le Royaume-Uni peut éventuellement compter sur les pays du Commonwealth représentant 14% du PIB mondial. Cependant le souvenir du colonialisme reste encore dans les pensées, et ces pays n’ont pas forcément envie de le mettre en avant. 

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